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    1. PROTESTANTISME##


PROTESTANTISME. LE CALVINISME, KVOLUTI<>

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est d’une logique étrange, mais elle es ! nécessaire à l’établissement « lu symbolo fldéisme, car, si la conscience suint à prendre une connaissance certaine de ses souillures et de sou élection par Dieu, ce sentiment Intime constitue ; la vraie religion, h toul le re te est surérogatoire.

Reste à établir ce qu’un chrétien peut attendre de cette action de la conscience éclairée par Dieu. O’après les fldéistes, il peut en attendre la révélation immédiate de Jésus. Le chrétien, en effet, poussé par l’Esprit-Saint, découvre devant lui la figure du Christ et s’aperçoit, par une intuition mystérieuse, « que jamais homme n’a perçu plus clairement et plus purement le témoignage du Saint-Esprit, que jamais homme ne fut aussi qualifié pour révéler au monde la pensée de Diou ». L’expédient saute aux yeux ; un fidéiste n’accorde aucune attention aux témoignages externes de ce rôle de Jésus : ni textes évangéliques, ni miracles, ni rien de semblable. Il fallait cependant sauver du naufrage la personne de Jésus : on la rend sensible aux yeux du cœurl… Mieux encore, ce Jésus nous parle, et nous entendons sa voix. « Nous la reconnaissons pour la voix de Dieu, car elle est en pleine harmonie avec la voix divine dans notre conscience. » Cette merveilleuse plasticité de la conscience, à laquelle les fidéistes doivent bien accorder de singuliers privilèges s’ils veulent donner un minimum de crédibilité à leur foi, remplace les Écritures, les miracles, les motifs externes de la croyance. C’est la première transformation que la doctrine de ces néo-calvinistes a fait subir au principe cher à Calvin de l’inspiration du Saint-Esprit en chaque lecteur de l’Écriture.

Voici ce que devient un autre axiome calviniste : le dogme de la justification par la foi. L’Évangile se révèle comme un message de pardon apporté par Jésus aux pécheurs, à la seule condition qu’ils aient foi en un Dieu d’amour. La clef de ce message, elle est dans ce texte : « Celui qui croit à celui qui m’a envoyé a la vie éternelle », c’est-à-dire sera sauvé, est déjà sauvé. Qu’à cette leçon d’amour rédempteur se réduise l’essence de l’Évangile, M. Ménégoz s’en dit assuré par un mouvement de sa conscience. Et aussi que les deux Testaments n’ont pas une autre signification : « Quand nous étudions ces documents, nous y retrouvons, sous les expressions les plus variées, la profession la plus unanime et la plus harmonieuse de la doctrine de la justification par la foi. » Le fidéisme sauve donc un second principe de la doctrine calviniste, mais à quel prixl Calvin lui-même n’aurait pas voulu de ce fondement doctrinal, étayé sur un aussi capricieux subjectivisme. Quoi qu’il en soit, sur ces deux piliers authentiquement calvinistes, les fidéistes n’édifient aucune doctrine véritable. Leur théologie est essentiellement négative. « Éliminer tout ce que notre raison ne saurait s’assimiler, voilà le principe de la théologie évangélique moderne. » Si la raison déclare inassimilables les données évangéliques, que fera la théologie moderne ? Soumettre la raison à un principe mystique qui la dépasse ? Ou rejeter l’Évangile ? M. Ménégoz a aperçu le danger et, pour l’écarter, a cru découvrir en effet un principe mystique supérieur à la raison. Nous avons, dit-il, « le sens des affinités spirituelles ». Expression vague, mais commode expédient pour conserver, au nom de l’ « affinité », ce que la raison rejetterait, au nom de la vraisemblance humaine. « Notre conscience religieuse sent ce qui est religieux, et notre raison naturelle sent ce qui rentre dans l’ordre des choses scientifiques, historiques et philosophiques. » Instinct divin, disait jadis J.-J. Rousseau. M. Ménégoz ne dit rien de plus fort, et tout cela n’a pas laissé de provoquer le sourire parmi les réformés eux-mêmes. L’inventeur de ce sens exégétique, religieux, moral, fut pris à partie par M. Lobstein et ne trouvait d’autre réponse que

l’affirmation renforcée de son principe :.le suis, disait-il, Intimement convaincu que cette doctrine est conforme à l’enseignement de Jésus-Christ. » Autour de lui, on était beaucoup moins convaincu, et l’on observait que cette façon toute subjective <ie proclamer ce qui, dans les Ecritures, < ?/ « /7divin, constituait un abus de l’autorité et qu’on devait s’en tenir a proposer ce qui paraissait divin, sans imposer un verdict. La critique de M. Lobstein, dont nous rappelons ici le point principal, porta coup et conduisit M. Ménégoz a avouer que toute sa théologie était le produit de ses « impressions ». Il n’en faut pas davantage pour apprécier cette doctrine impressionniste. En voici le schéma : pour Jésus-Christ, l’unique condition du salut, c’estla foi, qui se confond avec la repentance et le don du cœur à Dieu. Le Christ n’a jamais fait dépendre le salut de la croyance à des formules dogmatiques ou à des pratiques rituelles. Ainsi, nos erreurs doctrinales, si notre foi est vive et le don de nous-même à Dieu total, ne nous seront pas imputées. (Luther disait que la foi couvrait les péchés, même nombreux, même énormes.) D’où indifférence au contenu dogmatique, non par agnosticisme (les fidéistes se défendent d’être des agnostiques), mais par fidélité aux préceptes du Christ.

De ce néo-calvinisme, M. Ménégoz a osé écrire « qu’il était conforme aux dispositions actuelles des esprits et répondait aux besoins des temps modernes ». Il assure même que « cette doctrine est la conception vraie et le développement normal du dogme de la justification par la foi ». Cela a pu être vrai pour la génération formée par l’école libérale de 1890, mais ne l’est déjà plus pour la génération de 1930, qui cherche la réalité et se reprend à croire à l’intelligence. Le symbolo-fidéisme apparaît déjà comme un vestige d’une pensée abîmée dans la poussière du passé.

b) Le christianisme social. — Il faut se rendre compte des effets désastreux obtenus parmi les réformés par l’offensive des libéraux et par l’aveu de la défaite proclamé par les fidéistes, qui, renonçant à lutter, se réfugiaient dans une « foi » de sentiment et d’irrationnelle certitude. En 1927, un organe protestant, Évangile et liberté, adjurait les pasteurs « d’enseigner carrément et ouvertement » aux fidèles les résultats de la critique la plus négative, qui enlève au Nouveau Testament toute valeur historique et dogmatique. On entendit en effet des « sermons » dans le genre pamphlétaire, où l’on fixait les bornes de la croyance moderne : « Non, Jésus-Christ n’a pas versé des larmes et sué du sang à Gethsémani pour l’amour d’une Église hiérarchisée, doctrinaire, ritualiste ou sacramentaire, monacale ou mystique, ni même pour l’amour d’une Église luthérienne, calviniste ou wesleyenne. Il n’existe ici-bas aucune Église particulière qui, même évangélique, même libérale, même protestante, se propose expressément les fins morales, sociales et spirituelles que le Révélateur avait en vue quand il groupa autour de sa personne les douze apôtres. Les catholiques s’égarent lorsqu’ils attribuent au prophète de Nazareth la fondation d’une Église sacerdotale. Les fils de la Réforme se trompent quand ils veulent ramener le christianisme du Christ à l’affirmation de la pensée libre et de l’individualisme religieux. Quel contre sens ! Il n’est pas venu inaugurer une académie, mais lancer un mouvement, un programme d’action fraternelle pour l’extirpation du paupérisme et de la guerre… W. Monod, Notre culte, Paris, 1927, p. 12-13. C’est d’une belle assurance. Ainsi, le monde entier aurait fait erreur sur la pensée de Jésus, erreur sur la notion d’Église, sur le contenu dogmatique de l’Évangile, sur les concepts religieux qui commandent le système chrétien.

En 1911, les attaques étaient devenues si pressantes que M. Henri Bois lui-même, adversaire de l’école libé-