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PRÉMOTION PHYSIQUE. ACCORD AVEC LA LIBERTÉ


thomiste, 1914, p. 665-679 ; Dummermuth, S. Thomas et doctrina præmotionis physiese, Paris, 1 88<>, p. 685754.

La doctrine de saint Thomas est celle même qu’exposera Bossuel dans son Traité du libre arbitre, C. viii, en écrivant : » Quoi de plus absurde que de dire que l’exercice du libre arbitre n’est pas, à cause que Dieu veut qu’il soit ? » En d’autres termes : Quoi de plus absurde que de dire que l’actualisation du libre arbitre le détruit ?

Le mode « libre » de nos actes non seulement est sauvegardé, mais il est produit par Dieu en non et avec nous. La motion divine ne violente pas la volonté, parce qu’elle s’exerce selon l’Inclination naturelle de celle ci ; elle porte d’abord la volonté vers son objet adéquat, le bien universel, et ensuite seulement vers un objet inadéquat, tel bien particulier. Sous le premier aspect la motion divine constitue le mode libre de l’acte, elle s’exerce Ultérieurement, avons-nous dit plus haut, sur le fond même de la volonté, prise dans toute son amplitude, et la porte en un sens vers tout le bien hiérarchisé, avant de l’incliner a se porter vers

tel bien particulier, Cf. Jean de Saint-Thomas, Cursus fheoi, lu ! "", q. xix, disp. V et VI, n. 37 55.

Mnsi Dieu seul meut notre libellé suaoiter et /orliier.

I.a motion divine, si elle perdait de sa force, perdrait

aussi de sa suavilé ; ne pouvant atteindre ce qu’il y a en nous de plus délicat et de plus intime, elle resterai ! comme extérieure, comme plaquée sur notre activité

Créée, ce qui est indigne de l’activité créatrice, conservatrice et motrice, plus intime a nous que nous mêmes Notre acte libre est doue tant entier de nous connue cause seconde et il est tout entier de I)iell comme cause première. I 1, q, XXIII, a. 5. Lorsque nous le posons, au terme de la délibération, nous gardons, en vertu

de l’amplitude universelle de notre volonté ei de l’indifférence du JUgement non nécessité par l’objet, la puissance de ne pas le poser. I’I I’. q x, a. I, ad 1 « * ». Si notre liberté pouvait se déterminer par elle seule, elle aurait la dignité de la liberté première et lui les semblerait non pas analogiquement, mais univoqueinenl. Elle aurait avec la liberté divine une similitude

pure et simple et non pas une similitude de propor lions. I— 1, <[. xi. a.’>, ad. « > » ".

Il y a ici ressemblance et différence. A considérer la Similitude, il faut dire : la liberté’citée n’est pas plus inconciliable avec la motion divine Intrinsèquement efficace, que l’acte libre divin n’est inconciliable avec l’immutabilité de Dieu. L’acte libre eu Dieu n’a pas l’indifférence dominatrice potentielle d’une faculté, susceptible d’agir ou de ne pas agir, il a l’indifférence dominatrice de l’Acte pur à l’égard de tout le créé I », q. M, a..’!, ail "< « ; <’.onlr. (jent., I. I, c. i xxxii. De même, toute proportion gardée, sons la motion divine

efficace, notre liberté n’a plus l’indifférence potentielle

de la faculté, mais l’indifférence actuelle, et certes son

act ualisation ne la détruit pas.

Si le inolinisine rejette cette doctrine, c’est qu’il

cherche à définir la liberté humaine en faisant abstraction de l’objet qui spécifie l’acte libre : facultas quæ, prsesupposilis omnibus requisitls ad agendum, adhuc potest (ii/ere et non uqrre. et parmi ces « présupposés il

met la million divine, cnmpossible, selon lui. non seule ment avec le pouvoir de résister, mais avec le fait de la résistance.

En vertu du principe fondamental que les facultés, les habitas et les actes sont spécifiés par leur objet, il faut, dans la délinilion du libre arbitre, considérer son objet spécilicalcur et dire avec les thomistes ; lihertas

est indtfferentia dominatrix voluntatis erga bonum a ratione proposiium ni non ex omni parle bonum. L’es sence de la liberté est dans l’indifférence dominatrice de la volonté à l’égard de tout objet proposé par la

raison comme bon hic et nunc, sous un aspect, et non bon sous un autre, selon la formule de saint Thomas, fa-II », q. x, a. 2 : Si proponatur voluntuli aliqurjd objectum, quod non secundum quamlibel consideralionem sit bonum, non ex necessitate voluntas jertur in illud. Il y a alors indifférence à vouloir cet objet et a ne pas le vouloir, indifférence potentielle dans la faculté et indifférence actuelle dans l’acte libre qui se porte non nécessairement vers lui. Lors même, en effet, que la volonté veut actuellement cet objet, lorsqu’elle est déjà (<élerminée à le vouloir, elle se porte encore librement vers lui avec une indifférence dominatrice non plus potentielle mais actuelle ; de même, la liberté divine déjà déterminée nous conserve dans l’existence. La liberté provient donc de la disproportion infinie qui existe entre la volonté spécifiée par le bien universel et tel bien fini, bon sous un aspect, non bon ou insuffisant sous un autre. Et, contre Suarez, les thomistes ajoutent que, même de puissance absolue. Dieu par sa motion ne peut nécessiter notre volonté a vouloir un tel objet, slanle imlifjerenlia fudicil, tant que nous Jugeons qu’il est bon sous un aspect, et lion sons un autre. I.a raison en est qu’il implique contradiction

que i.i volonté veuille nécessairement l’objet que l’intelligence lui propose comme Indifférent ou comme abso lumeiit disproportionné a son amplitude. Cf. s. Thomas, De veritate, q. xxii, a..">.

Pour mieux saisir comment la motion divin. cause île notre acte libre, il faut remarquer que celui-ci

dépend de trois causalités linies différentes, qui ont

entre elles des rapports mutuels : 1° l’attrait Objectif

du bien particulier ; ’! la direction <u— l’intelligence qui poiie le jugement pratique ; 3° l’efficience ou la pro duction de l’élection libre par la volonté. La motion divine transcend ces trois causalités et les actualise,

sans violenter le libre arbitre I.a fin qui attire reste

ainsi i.i première des e.mses, et il Implique contradii tion « pic sous l’indifférence du jugement. on sous le Jugement non nécessitant, notre volonté soit nécessltée par la mot ion divine, car il implique contradiction que notre volonté veuille un objet autrement qu’il ne lui est proposé.

lai résumé, comme le dit Bossuet, foc. cit., quoi d<

plus absurde que de duc que l’exercice du libre arbitre

n’est pas, a e.nise que pieu veut (efficacement) qu’il

soit ; quoi de plus inconséquent que de dire que l’actualisation du libre arbitre le détruit.

Aussi le grand mj stère, selon saint Augustin et saint

i bornas, n’est pas dans la conciliation de i.i prescience

et des décrets div ins av ee I.i libert. ir, Si I lieu

est Dieu. s ; i volonté efficace doit s’étendre jusqu’au

mode libre de nos actes ; du fait qu’il veut efficacement que Paul se convertisse librement, tel jour et.1 telle

heure, sur le chemin de Damas, il doit s’ensuivre que Paul se convertira librement et. si. dans ce cas, I.i motion divine sur la volonté liuinaine ne détruit pas

la liberté, pourquoi la détruirai ! elle d.ms les autres ?

I.e grand mystère est ailleurs, c’est celui de la pei mission divine du mal moral ou du peche en tel homme ou tel ange plutôt qu’en tel autre, si la grâce de I.i

persévérance finale, disent saint Augustin (/<<’COTTtp

tione et gratia, c. v et vu et saint Thomas (Il il.

(]. 11. a..">l est accordée, comme clic fut au bon larron, c’est par miséricorde : si elle ne l’est pas. c’est par un juste châtiment de fautes généralement réitérées et d’une dernière résistance au dernier appel, dernière résistance que Dieu permet en celui ci plutôt qu’en celui-là. C’est ce qui fait dire au même saint Augustin : Quare hune trahat et illum non traitât, noli velle dijuilieare, si non vis errare. In Joa., tract. XXVI. Saint Thomas parle de même. I’. q. xxiii. a.. « >. ad 3°’" et (]. xx. a. 3 : nul ne serait meilleur qu’un autre : s’il n’était plus aimé | ar Dieu.