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(|n’ils doivent trembler devant les menaces Inu que Jésus Christ profère contre les riches ; qu’enfin, il viendra un jour où lis de ront rendre à i >ieu leur juge, un compte très rigoureux de i usagi qu’ils auront fait de leur fortune. Rer. nov., p. 262 263. Quant aux déshérités de la forl une. ils apprennent de L’Église (]iie, selon le jugement de Dieu Lui même, La pauvreté n’est pas un opprobre et qu’il ne faut pas rougir de gagner son pain à la sueur de sou front. Rer. non., p. 265.

Ainsi les souffrances, les inégalités cessent d’être un scandale pour l’esprit droit et généreux. Tout cela prend un sens, tout cela doit être vertueusement ordonné au bien des individus eomme des sociélés. C’est (huis ce contexte que prennent place les règles relatives à L’usage moral de la propriété.

2. Les vertus chrétiennes dans l’usage de la propriété.

a i Position du problème. — Il est vain de chercher à ramasser en quelques formules la morale du propriétaire, comme si elle constituait, dans le domaine de la moralité, un compartiment spécial, justiciable de principes qui lui lussent propres.

lui pleine homogénéité avec tout l’ensemble de la morale chrétienne, la morale du propriétaire ne se distingue du reste que matériellement ; ni ses objets formels ni les vertus que ces objets définissent ne constituent un corps de doctrine autonome ou même distinct. Qui possède des propriétés dispose, nous le reconnaissons, d’un domaine nouveau pour y exercer les vertus du chrétien, et une responsabilité plus lourde accompagne ces possibilités d’action plus étendues. Mais les vertus du propriétaire, jusque dans l’usage qu’il l’ait de ses biens, ne diffèrent aucunement des vertus chrétiennes. 11 les lui faut toutes, mais il n’a pas à en chercher de nouvelles. Son opulence lui permet de les pratiquer avec un effet extérieur plus magnifique : elles n’en sont pas moins requises, en toute hypothèse, de tout chrétien, du moins à titre de disposition intérieure ; par ailleurs, il suffit d’être vraiment un chrétien pour les posséder habituellement et pour les mettre en œuvre, dès que l’occasion s’en présente, par l’usage des richesses ou autrement.

11 est regrettable que les auteurs aient pris l’habitude de souligner exclusivement un petit lot de vertus : justice, charité, libéralité, et de les présenter comme spécialement requises du propriétaire comme tel. On en vient même à se figurer ces vertus comme la rançon, l’excuse du privilège que serait la propriété ; celleci, pour être juste ou du moins tolérable, devrait être en quelque sorte grevée d’un service ou d’une charge sociale, consistant dans la pratique obligatoire de la charité aumônière, de la justice, de la libéralité et de quelques vertus déterminées. Et l’on conçoit aisément les développements que comporte cette doctrine : « Tout avantage, dit-on, appelle une contrepartie ; tout se paie. Vous êtes propriétaire, et à ce titre vous disposez librement d’un certain pouvoir économique doublé d’une autorité sociale. En compensation, vous devez accepter un certain nombre d’obligations morales, équitable redevance, impôt légitime, sinon prime d’assurance. » C’est ce que l’on appelle limitation morale, ou charge, ou fonction sociale de la propriété. Il nous semble que cette vue est beaucoup trop courte et que la doctrine chrétienne est plus profondément morale que ne permet de Le soupçonner cette représentation mercantile. Riche ou pauvre, grand ou petit, chacun est d’abord tenu de pratiquer toute la morale chrétienne, c’est-à-dire l’ensemble des vertus. Une circonstance contingente, telle que la situation de propriétaire ou celle de prolétaire, n’ajoute pas à vrai dire un article nouveau aux obligations morales du chrétien, mais détermine les conditions concrètes dans lesquelles il lui faut s’en acquitter et dont sa raison tient

compte en toute prudence. Le chrétien n’attend pas d’être propriétaire pour se croire obligé à l’exercice de toutes les vertus ; mais, s’il est riche propriétairi prudence lui indique selon quelles modalités précises, adaptées a sa situation, il sied de les exercer, et il est

certain « pie ces modalités ne sont pas celle, qui conviendraient au cas de l’indigent.

ssi bien, une lecture attentive de Iterum nooarum et surtout peut-être de Quadragesimo unno montre bien que tel est l’enseignement ordinaire, sinon clés auteurs, du moins de l’Église. Celles, les encycliques ne se proposent pas de départager les écoles de théologie morale ni même de dégager l’enchaînement tématique des vertus morales. Il n’en est pas moins significatif de voir avec quelle insistance et quelle largeur de sues elles font appel à toutes les vertus chrétiennes, comment elles préconisent avant tout la réforme des mœurs, lors même qu’il s’agit, semble-t-il. de résoudre un problème précis d’organisation sociale. Nous devons suivre cette indication.

b) Solution chrétienne du problème. — « . Lu prudence.

Il n’est pas besoin d’être propriétaire pour se sentir

tenu de pratiquer la vertu chrétienne de prudence ;

mais, si l’on est propriétaire, on aura à la pratiquer,

entre autres circonstances, dans l’usage de ses biens.

A souligner plus fréquemment cette vérité toute simple, on donnerait valeur vertueuse et chrétienne à la sollicitude légitime, aux dons de sagacité, d’habileté, de circonspection, de prévoyance, d’application que le propriétaire chrétien met en œuvre dans l’administration de ses biens. Lorsqu’il s’informe de la conjoncture économique, lorsqu’il délibère, lorsqu’il décide, il doit faire acte de prudence. Sans doute lui arrive-t-il de le faire sans s’en douter ; cette circonstance ne saurait nous dispenser de reconnaître la vérité psychologique et morale : une vertu est chargée d’éclairer et de déterminer pratiquement les décisions du propriétaire chrétien en vue de l’usage chrétien de sa propriété, et cette vertu n’est autre que la prudence. Ainsi, lorsque Léon XIII remarque que l’homme, « sous la direction de la loi éternelle et sous le gouvernement universel de la Providence divine, est en quelque sorte à lui-même et sa loi et sa providence » ; lorsque le pape nous dit que la nature inspire au père de famille de veiller à l’avenir de ses enfants et lorsqu’il conseille à l’ouvrier d’être parcimonieux et de faire en sorte, par de prudentes épargnes, de se ménager un petit superflu qui lui permette de parvenir un jour à l’acquisition d’un modeste patrimoine ; lorsque Pie XI loue les sages prévisions de la production ; lorsque l’on nous apprend à discerner le nécessaire, le convenable, le superflu, il est manifeste que la vertu de prudence est conviée très spécialement à intervenir pour faire régner son ordre rationnel dans l’usage pratique de la propriété. L’expérience ne prouve-t-elle pas d’ailleurs que les vices opposés à la vertu de prudence s’étalent au grand jour dans le mauvais usage de la richesse : précipitation. témérité, défaut de considération attentive, de circonspection, de précaution, inconstance, laisser-aller négligent, astuce, et que les vices d’intempérance et de luxure qui corrompent l’usage vertueux de la richesse ne procurent d’ordinaire ce résultat qu’en troublant l’activité prudente de la raison ?

b. Les vertus théologales. — a) La charité. — Au nom de quels principes la prudence gouverne-t-elle l’activité rationnelle ? Ne cherchons pas. pour l’usage chrétien de la propriété, d’autres fins que les fins constantes et communes de l’activité humaine. le bien vertueux, pour nous plus précisément le bien divin surnaturel. Bien entendu, il n’est pas inutile de le redire, la qualité de propriétaire ne met pas sur les épaules du chrétien, comme un fardeau supplémentaire, l’obligation de tendre à ces lins, c’est-à-dire d’aimer Dieu, d’aimer le