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    1. PRÉMOTION PHYSIQUE##


PRÉMOTION PHYSIQUE. RAISONS DE L’AFFIRMER

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le conseil de sa volonté] pour que nous servions à la louange de sa gloire, nous qui d’avance avons espéré dans le Christ. El il ne s’agit pas seulement Ici de l’élection générale des chrétiens, lesquels ne sont pas tous prédestinés, car il esi dit, l Cor., iv, 7, de tel chrétien meilleur que tel autre : Quis enim te discernit ? Quid autem habes quod non accepisti ? Si l’amour de Dieu est source de tout bien, nul ne serait meilleur qu’un autre, s’il n’était plus aimé par Dieu.

Saint Paul dit encore aux Pliilipiens, II, 13 : « C’est Dieu qui opère eu vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir. » El donc, pensent les thomistes, la détermination libre de l’acte salutaire vient, comme de sa cause première, de Dieu, premier Libre et première Boulé, de Dieu, auteur du salut.

2. Argument théologique. C’est la même doctrine qu’expose ainsi saint Thomas en parlant des décrets de la volonté divine conséquente ou non conditionnée, I », q.xix, a. li, ad l 1 "" : Voluntas comparatur ad res, secundum quod in seipsis sunt fnam bonum est in ipsis rébus) ; in seipsis autem sunt in particulari. Unde simpliciter volumus aliquid, secundum quod volumus illud consideralis omnibus circumstantiis particularibus, quod est consequenter velle. Unde potest dici quod judex justus simpliciler vult homicidam suspendi, sed secundum quid (seu antecedenter) vellet eum vivere, seilicel in quantum est homo… Et sic patet quod quidquid Deus simpliciter vult, fit, licet illud quod antecedenter vult, non pat.

Saint Thomas donne ici le principe de la distinction entre la grâce intrinsèquement efficace (qui assure infailliblement l’exécution de la volonté divine conséquente pour les actes salutaires soit faciles, soit difficiles) et la grâce suffisante (qui correspond à la volonté divine antécédente, par laquelle Dieu veut rendre l’accomplissement des préceptes et le salut réellement possibles à tous).

Et pour quelle raison, selon saint Thomas, tout ce que Dieu veut de volonté conséquente ou non conditionnée s’accomplitil infailliblement ? Il l’explique, au même endroit, I a, q. xix, a. G, non pas par la prévision du consentement humain, mais parce que non potest fieri aliquid extra ordinem alicujus causse universalis, sub qua omnes causée parliculares comprehenduntur, rien ne peut arriver en dehors du bien voulu par Dieu, ou du mal permis par lui, car aucune cause seconde ne peut agir sans son concours.

Le concile d’Orange, can. 16 (Denzinger, n. 189) avait dit : Nemo ex eo quod videtur habere glorietur lanquam a Deo non acceperit. Cf. can. 20 et 22. Et le concile de Trente, sess. vi, cap. xi (Denzinger, n. 806) dit aussi : Deus, nisi ipsi (homines) illius gratise defuerint, sicut cœpit opus bonum, ita perfteiet, operans velle et perficere. Phil., ii, 13.

Aux yeux des thomistes, ne pas admettre en Dieu les décrets prédéterminants relatifs à nos actes salutaires, c’est se mettre dans l’impossibilité de résoudre le dilemme : Dieu déterminant ou déterminé, pas de milieu, et l’on est obligé d’admettre en Dieu une certaine passivité ou dépendance à l’égard de la détermination libre que prendrait tel homme, s’il était placé en tel ordre de circonstances, et qu’il prendra, si de fait il y est placé. Cette dépendance de Dieu à l’égard de cette détermination humaine n’est-elle pas avouée par Molina lorsqu’il écrit dans la Concordia, q. xiv, a. 13, disp. LU, éd. de Paris, 1876, p. 318 : (Scientia média) nulla ratione est dicenda libéra, tum quia antecedit omnem liberum actum voluntatis divinse, tum etiam quia in potest me Dei non fuit scihe per eam s ientiam aliud quam reipsa sciverit. Deinde dicendum neque etiam in eo sensu esse naturalem, quasi ita innata sit Deo, ut non poluerii scire opposition ejus quod per eam cognoscit. Si namque liberum arbitrium creatum actu rum effet opposilum, ut rêvera potest, idtpsum sewisset per eamdem scientiam, non autem quod n-i/isa scit. C’est dire qu’il n’est pas ou pouvoir tir Dieu de prévoir par la science moyenne autre chose que ce qu’il sait par elle, mais il aurait su par elle autre chose si le libre arbitre ci éé, supposé placé en telles circonstances, avait tait un choix différent. Comment alors éviter de dire que la prescience divine dépend du choix que ferait la libellé créée, si elle était placée en telles circonstances, et qu’elle fera, si de tait elle y est placée. Il suit (le la

évidemment, pour Molina, que la grâce actuelle, suivie de l’acte salutaire, n’est pas Intrinsèquement effii (ibiil.. p. 230, 459) et qu’avec une grâce égale et même moindre tel pécheur se convertit, tandis que tel autre plus aidé ne se convertit pas (ibid.. p. 51, 565). Ce qui. aux yeux des thomistes, est inconciliable avec les paroles de saint Paul : Quis enim te. discernit.’Quid autem habes quod non accepisti.’I Cor., IV, 7.

Au contraire, si l’on admet les décrets divins prédéterminants relatifs à nos actes salutaires, c’est-à-dire les décrets intrinsèquement et infailliblement efficaces, qui s’étendent jusqu’au mode libre de nos actes, en actualisant notre liberté, il s’ensuit que la grâce actuelle, suivie de l’acte salutaire, doit être elle aussi intrinsèquement efficace, pour assurer l’exécution infaillible du décret qu’elle suppose. Et, aux yeux des thomistes, la grâce actuelle ne saurait être intrinsèquement efficace que si elle est une prémotion physique prédéterminante, mais non nécessitante, au sens expliqué au début de cet article. C’est ce qui nous reste à montrer. Voir, par exemple, Billuart, O. P., Cursus theol., De gratia, diss. V, a. 7.

3° La prémotion physique prédéterminante et l’efficacité de la grâce. —. Il est de foi que Dieu nous accorde des grâces efficaces, qui non seulement sont suivies du bon consentement libre, mais qui, d’une certaine manière, le produisent, gratia efficax seu effectrix facil ut faciamus. C’est ce que niaient les pélagiens et semipélagiens, qui refusaient d’admettre non pas que la grâce donne le pouvoir de bien agir, mais qu’elle donne le vouloir et le faire. Le IIe concile d’Orange expliquant les paroles de saint Paul : Deus est qui operatur in vobis et velle et perficere (Phil., ii, 13), déclare contre les semi-pélagiens : Si quis, ut a peccato purgemur, voluntatem nostram Deum exspectare conlendit, non autem, ut etiam purgari velimus, per Sancti Spiritus infusionem et operationem in nos fieri confitetur, resistit ipsi Spirilui Sanclo… et Apostolo salubriler prædicanli : « Deus est qui operatur in vobis et velle et perficere pro bona voluntate. » Denzinger, n. 177.

Cf. ibid., n. 182 : Quoties enim bona agimus, Deus in nobis alque nobiscum, ut operemur, operatur, et les n. 176, 179, 183, 185, 193, 195 ; voir aussi Indiculus de gratia Dei. Denzinger, n. 131, 132, 133, 134, 135, 137, 139, 141, 142.

Or, la grâce qui fait que nous agissions bien, quæ operatur velle et perficere, quæ facit ut faciamus, n’est pas seulement efficace d’une efficacité de vertu (in actu primo) en ce sens qu’elle donne un réel pouvoir d’agir de façon salutaire (ce pouvoir est déjà donné par la grâce suffisante, même lorsqu’elle n’est pas suivie de l’effet salutaire), mais elle est efficace d’une efficacité d’opération, ou effectrix, car, comme le dit le concile d’Orange, n. 182 : Quoties bona agimus, Deus in nobis atquc nobiscum, ut operemur operatur. C’est là l’expression de la foi chrétienne, et il est aussi de foi que sous la grâce efficace ainsi conçue la liberté de l’homme subsiste. Denzinger, n. 814.

De plus les thomistes et bien d’autres théologiens entendant ces textes scripturaires et conciliaires dans le sens de l’indépendance divine, compromise à leurs yeux par la théorie de la science moyenne, y voient cette affirmation que la grâce est efficace par elle-même,