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PROPAGATION I » M I K A BL I. Dl CHRISTIANISME

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L’argument a été repris, du côté des catholiques, par II. Dieckmann, br Ecclesia, tractalus hislorico dogma lici, Fribourg-en-B., 1925, ». 515 sq. : Garrigou-La grange, De reoelatione, i. n. Rome Paris, 1918, p. 273 ; P. Buysse, L’Église de Jésus, Paris, 1925, p. 17, et, très récemment, A.-l). Sertillanges, Le miracle de l’Église, Paris, 1934. A l’aide de très pauvres arguments, A. Bayel a essayé de ruiner l’apologétique de— l’Église tondée sur la propagation admirable <lu christianisme, dans Les religions de salut et le christianisme dan* l’empire romain, (huis la série Le problème de Jésus et les origines du christianisme, par Alfaric, Couchoud, Bayet, Paris, 19.’52 ; le P. Huby lui a répondu dans Les mythomanes de l’Union rationaliste, Paris, 1933.

L’apologétique consacrée par le concile du Vatican dépasse certes la simple considération de la propagation admirable du christianisme. L’Église, en effet, y est considérée soit comme société douée d’existence, soit comme principe agissant. Son existence in fieri, voilà le point de vue spécial de l’admirable propagation ; in facto esse, c’est son unité catholique et son invincible stabilité. Principe agissant, l’Église manifeste sa sainteté éminente et son inépuisable fécondité en toutes sortes de biens..Mais, en réalité, tous ces aspects de l’argument général proposé au concile se compénètrent, et il est bien difficile (on le constatera dans la présentation de notre argument) de séparer complètement l’un des points de vue des autres.

II. Présentation de l’argument. — Pour présenter l’argument dans toute sa force, il faut mettre en relief l’absolue disproportion qui existe entre ce qui a été réalisé et les moyens dont disposaient les premiers propagateurs du christianisme. Il faut donc, en conséquence, rappeler : 1° la rapide diffusion du christianisme dans le monde ; 2° la grandeur du but visé ; 3° les obstacles de toutes sortes qui s’y opposaient, en insistant très particulièrement sur les persécutions, qui, loin de diminuer la force vitale de l’Église, n’ont fait que l’accroître ; 4° l’insuffisance des moyens naturels dont disposaient les prédicateurs de la foi. La conclusion s’impose d’elle-même : une telle propagation, en de telles circonstances, est un véritable miracle d’ordre moral, impliquant l’intervention divine en faveur de la vérité.

1° La rapide diffusion du christianisme dans le monde.

— Pour donner à l’argument toute sa valeur, Dieckmann fait justement observer que, dès le début du christianisme, régnait dans l’Église la persuasion que la religion prêchée au nom du Christ devait s’étendre à tout l’univers : universalité du royaume messianique, prophétisée dans l’Ancien Testament (voir les références dans Dieckmann, op. cit., n. 207) ; entrevue, quoique sous un angle exclusivement national, par les Juifs mêmes dans leurs livres extracanoniques, ibid., n. 208 ; ouvertement annoncée par Jésus-Christ dans les évangiles, ibid., n. 213-226 ; dogme fondamental de la prédication de saint Paul, ibid., n. 227-231 ; cf. n. 382, 391 ; et dont la force se retrouve dans tous les écrits de l’âge subapostolique. Ibid., n. 232-233.

Cette persuasion va se renforçant à mesure qu’on constate le développement historique du christianisme naissant, sa pénétration sociale, son expansion géographique.

1. Développement historique.

Annoncé par le Christ, Matth., xxiv, 11 ; xxviii, 19 ; Act., i, 8, il se réalise par la prédication des apôtres, qui, d’abord à Jérusalem et dans la Palestine, Act., ii, 41 ; iv, 1 ; v, 1 1 ; viii, 1-4. puis dans les contrées avoisinantes, Act., xi, 18-21 ; xi, 2(i ; I Petr., i, 1, et enfin dans le monde entier, prêchèrent la parole de Dieu. Marc, xi, 20 ; Rom., i. 8 ; Col., i, 6, 23 ; I Thess., i, 8 ; I Tim., iii, 16 ; cf. Apoc, vii, 9. « Il est évident qu’il ne faut pas prendre ces paroles à la lettre et que ces textes signifient

ment, en même temps qu’une extension considérable, h— sentiment que l’Église a eu, des le premier

jour-, d’être destinée a la conquête du monde entier.

.1. Rivière, op. cit., p. 16. Harnack a recueilli les testes

des trois premiers Siècles attestant cette expansion du christianisme. Op. cit., t. i, c. ii, p. 52 !) sq. Voici les principaux qui décrivent a la luis révolution progressive « le l’Église et la persuasion de ses dirigeants : Didachè, ix, l ; x, ."> ; / a démentis, v, 6 ; vi ; xi.n, 2 : i.ix. 2 ; saint Ignace Ad Eph., m. 2 ; Pline à Trajan, EpisL, X, xevi (éd. Mûller, Leipzig, 1903, p. 291) ; le Pasteur d’Hermas, Si m.. VIII, m. 2 ; IX. jtvn, 1. Harnack énumère quarante-trois localités où l’existence du christianisme est attestée au t’siècle, et il faut y ajouter les provinces d’Arabie, de Syrie, de Cilicie, de Cappadoce, de Bithynie et de Pont, d’Illyrie et de Dalmatie, où les épîtres de saint Pierre et de saint Paul supposent des chrétientés. Ainsi, le christianisme est déjà répandu dans l’Orient, en Palestine, en Syrie, en Asie .Mineure, à Alexandrie, en Occident, en Grèce, en Macédoine, à Rome surtout, peut-être en Espagne.

Au n c siècle, les témoignages sont plus abondants ; saint Justin, Apol., 1, 1, 25, 26, 32, 40, 53 ; Dial., 4M, 52, 53, 91, 117, 121, 131 ; Epist. ad Diognetum, vi, 1-4 ; Denys de Corinthe, Epist. ad Romanos, dans Eusèbe, Hist. eccl., t. II, c. xxv, n. 8, P. G., t. xx, col. 210 ; Hégésippe, dans la « Série des évêques romains », chez Eusèbe, Hist. eccl., I. IV, c. xxii, n. 1 sq., P. G., t. xx, col. 378 ; l’aveu de Celse, dans Origène, Cont. Celsum, I. VIII. 69, P. G., t. xi, col. 1620 (la persécution de Marc-Aurèle ayant exterminé les chrétiens partout) ; pseudo-Clément, II Cor., n ; Marturium Carpi, Papi/ti, Agathonices, 30, dans Kirch, Enchirid. font, eccles. historié, n. 81 ; Méliton de Sardes, dans Eusèbe, Hist. eccl., t. IV, c. xxv, P. G., t. xx, col. 393 ; saint Irénée, Cont. ha>r., t. I, c. x, 2 ; t. II, c. xxxi, 2 : t. III, c. iv, 2 ; c. xi, 8 ; t. V, c. xx, 1, P. G., t. vii, col. 551, 824, 856, 885, 1 177 ; l’épitaphe d’Abercius, Kirch, op. cit., n. 155 ; Clément d’Alexandrie, Slromata, t. VI, c. xviii, P. G., t. ix, col. 396 ; Polycrate d’Éphèse, dans Eusèbe, Hist. eccl., t. V, c. xxiv, n. 7 ; le païen Cécilius, dans Minucius Félix, Octavius, c. ix, P. L., t. iii, col. 270, etc. A la fin du IIe siècle, Harnack compte trente-trois communautés réparties en Asie Mineure, en Thrace, en Thessalie, dans les îles grecques, en Italie, en Afrique. Il relève des désignations collectives de chrétientés autour d’Antioche et de Smyrne, en Asie, en Mésopotamie, en Egypte, dans la Grande-Grèce, en Gaule, en Germanie, en Espagne : le christianisme existe dans toutes les provinces et déjà même, par les Églises de Mésopotamie, déborde les frontières de l’empire.

Aux confins du iiie siècle, nous avons les textes classiques de Tertullien, Apol., c. vii, xxxvii, P. L., t. i, col. 358, 524 ; Ad naliones, t. II, n. 8, ibid., col. 668 ; De baptismo, c. v, ibid., col. 1313 ; Ad Scapulam, c. v, ibid., col. 783 ; De corona, c. xii, P. L., t. ii, col. 114 ; De fuga, c. xii, ibid., col. 136 ; Adv. Judseos, c. vii, ibid., col. 650 ; Depra’Script.. c. xx, xxxii, ibid., col. 31, 14 ; cf. Adi’. Marcionem, t. III, c. xx, ibid., col. 335 ; De anima, c. xvii, ibid.. col. 716. Mais les développements de Tertullien se ressentent de certaines exagérations hyperboliques. Les témoignages d’Origène sont plus objectifs. In Matth., comment, séries, n. 39, P. G., t. xiii, col. 1653 sq. ; Cont. Celsum, . III, 8, 9, 15, 20, 30 ; 1. VIII. 69. P. G., t. xi, col. 929. 932, 937, 957, 957, 1620 ; De principiis, t. IV, c. i, n. 1 sq., ibid., col. 341. Cf. Hippolyte, Philosophumena. t. X, c. xxxiv. P. G., t. xvi c. col. 3454 ; saint Cyprien, Ad Demetrianum, c. xvii, P. L.. t. iv, col. 576.

Au début du iv siècle, le triomphe du christianisme est bien près d’être réalisé. Nous en avons des témoignages non équivoques rapportés par Eusèbe, Hist. eccl., t. I, c. iii, iv ; t. II, c. m ; t. III, c. i, xxxvii ; t. IV,