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uliss ; i vers cette Idée nouvelle, à la lois proche et très différente de la notion classique, nous avons cru l’aper <’ovoir dans l’attention prêtée à certains cas particu liers de juge, le soldai. le sujet), on il : I heu en eflel de régler sa conduite sur une opinion étrangère. Plus profondément, qui sait si l’on n’a point là une application inopportune de celle attitude générale de l’humanisme qui, a la différence du Moj en Age curieux de la vérité intemporelle, se donne pour tâche maîtresse de connaître la pensée des aul res ? Cꝟ. 101. < rilson, Le Moyen Age et le naturalisme antique, dans Arch. d’hisl. docir. et litt. du Moyen Age, >. >.’î7. spécialement les dernières pages. Le probabilisme s’est inspiré d’un senliment mal critiqué de bienveillance ci de miséricorde envers les âmes, car on estimait pénible pour elles de rechercher le plus probable i parfois confondu avec le meilleur), ce qui est un premier et immédiat elle ! de l’altération qu’on vient de dire. Il est peut-être fastidieux de rechercher le plus probable, mais est-il onéreux de rechercher la vérité ? La fatigue, dans tous les cas, en est saine : elle appartient à notre métier d’hommes, el il est écrit dans l’Évangile que la vérité nous délivrera. On croyait aussi, et l’idée s’en est établie avec mie force encore inébranlée, que l’obligation morale est chose de soi contraignante et que le bien originel de l’homme est l’usage de sa liberté. Cel te conception n’était pas le fruit d’une doctrine élaborée, mais un présupposé et comme un postulat emprunté aux plus humbles réactions du sens commun. Ainsi né, le système a grandi et fait une fortune immense.

Bientôt, en effet, le probabilisme s’annexe les principes qui étendront au champ entier de l’incertitude le bénéfice du système. Ils ne sont pas en eux-mêmes justifiables, mais procèdent du même souci de mesurer aussi strictement qu’il se peut l’obligation, qui conditionna l’apparition première du probabilisme : hors de là, les raisons dont ils s’entourent perdent leur efficace. Le système possède dès lors son armature théorique. L’histoire que nous avons suivie n’est pas celle d’un développement doctrinal. Nous allons dire dans un instant ce qu’elle fut. De bonne heure, le probabilisme est devenu l’inst ru ment d’une casuisl iq ue incroyablement fertile, et qui usurpa le nom et les fonctions de l’ancienne théologie morale : ce phénomène nous a paru des plus importants, et nous avons tenté d’en dire les caractères. Ce règne incontesté du probabilisme nous a permis de l’observer, pour ainsi dire, en foute liberté, en son essor naturel et dans les conséquences les plus conformes à son génie.

L’abus provoqua la réaction. De celle-ci, nous avons dit les hautes origines et les formes diverses. Elle a déterminé de la part du probabilisme une attitude nouvelle, qui le caractérisera désormais et sera la loi de son histoire. Sans renoncer à ses principes, il se l’ail plus précautionneux et plus attentif, grâce à quoi il se fraye un chemin à travers les indignations, les critiques et les condamnations. Il ne doit qu’à lui-même de s’être perpétué. Il est vrai qu’on ne l’avait point banni, mais il a utilisé habilement et persévérammenf la liberté qu’on lui laissait de vivre. En ce sens, plutôt que d’un développement, son histoire est celle d’une survivance.

Autour de lui, cependant, el par l’effet de la réaction dont est l’objet ce phénomène primitif, d’autres théories éclosent, qui no laissent pas de se définir par rapport à lui. On ne voit rien qui brise cel le suite de cercle enchanté où par le probabilisme fut enfermée la théologie morale. L’effet peut-être le plus significatif de cette situation est l’importance souveraine « pic prend désormais chez les moralistes, avec l’idée de système moral », le souci du juste milieu, don ! les extrêmes contraires s’appellent laxisme et rigorisme, Nous le croyons naturel : il est contingent, issu des cir constances historiques que nous axons racontées. La recherche morale a poui critère formel la vérité. Il

adviendra que celle ci soit sévère, il adviendra qu’elle soil commode : ces qualités sont accidentelles et de toi ne renseignent en rien sur la valeur de la solution.

Elles dépendent de la sensibilité, de la générosité ou

de la mollesse, foules conditions du sujet dont est

parfaitement indépendante l’exigence du devoir. Il est vrai que la morale esi sûrement praticable, et c’est pourquoi l’on inclini naturellement a juger de l’exactitude d’une obligation selon le degré d’effort qu’elle

demande de nous ou, si l’on veut, d’un sujet moyen. Mais qui ne voit quc cette évaluation est tout empirique cl qu’il appartient justement a une science morale de juger de l’obligation sur (les critères assurés, auxquels il ne nous reste plus qu’à adapter notre senlimenl particulier du praticable et de l’impraticable ? Ainsi l’a toujours compris la théologie classique. I. catégories de sévérité et d’indulgence n’y jouent pas, si familières aux moralistes d’aujourd’hui. La morale médiévale ne fut pas pour autant, nous l’avons dit, une méconnaissance des conditions du sujet. Mais elle ne s’est pas fondée sur celles-ci. Des moralistes issus du probabilisme aux moralistes d’avant ce système, il y a un déplacement intéressant l’idée même de la science morale.

Le bilan du probabilisme.

Quel bénéfice cependant

devons-nous aux longues et fastidieuses querelles que nous avons suivies ?

Il n’est pas douteux, comme nous l’avons dit, que l’opposition n’ait contraint le probabilisme à se surveiller et à se contenir, conditions de sa survivance. 1011e fit qu’on ramena la casuistique chrétienne à des bornes plus raisonnables, au point que l’Eglise a pu ranger parmi ses docteurs un moraliste dont L’œuvre est principalement casuistique. L’urgent et grave danger qui mit en branle jadis tant de lutteurs fut écarté et, pour une part, il le demeure. Il reste qu’un tel bénéfice s’évalue en fond ion même de la perte qu’on a failli subir. Positivement, on serait enclin à attribuer aux théologiens de l’âge probabiliste l’élaboration de la casuistique même, qui est tn effet un besoin dans l’Église. Il est vrai que ces études ont pris alors une ampleur considérable et que, non content de résoudre les cas réels, on en créa d’imaginaires. Mais. sans compter ce qu’il y a d’un peu vain dans une tentative de cette envergure, comme nous le dirons ci-dessous, sans compter même les dangers attachés à une entreprise aussi énorme (qu’on se rappelle la grave parole de saint Thomas : Omnis quirstio in qua de mortali peccato qiurritur. nisi expresse verilas habeatur. periculose delerminatur. Quodlibet. ix. a. 15), on n’oubliera pas qu’avant cet âge une casuistique existait, ouvrage d’une tradition déjà longue, une casuistique probe, étendue, classique à sa façon. On ne peut historiquement attribuer au probabilisme d’en avoir créé le genre. On ne lui attribuera pas davantage d’avoir consacré l’usage en morale de la probabilité. Beaucoup de bons esprits, nous l’avons dit, ont peine à se détacher absolument du probabilisme. dans le sentiment où ils sont que la probabilité n’est pas bannissable de la vie morale, et il leur semble que, répudié le probabilisme. ils échapperaient difficilement à quelque théorie illusoire et inhumainement austère. Ils confondent la probabilité des probabilistes avec la probabilité naturelle et conforme à la nature de l’esprit. Ils ne s’avisent pas qu’avant 1ère probabiliste la théologie classique et la philosophie aristotélicienne avaient accueilli la saine probabilité, tenue pour règle légitime de l’action, Au point, nous l’avons dit. que le Moyen Age a élabore a ce propos une doctrine exacte, qui justifiai l’usage des jugements probables dans uni morale dominée par l’idée de vérité. Non certes que le Moyen