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    1. PRÉMOTION PHYSIQUE##


PRÉMOTION PHYSIQUE. CE QU’ELLE EST’.ii

nalisme, et ne supprime pas non plus la liberté, mais l’actualise.

D’autre part, la motion divine n’est p ; is seulement un concours simultané, ni une prémnl ion indifférente, indéterminée, qui devrait recevoir de nous une perfection et détermination nouvelle non contenue dans sa causalité ; elle n’est pas non plus une assistance purement extrinsèque de Dieu.

III. Ce qu’est positivement i, a prémotion physique PRÉDÉTERMINANTE SELON LE THOMISME CLAS-SIQUE ? — Pour le bien entendre, il suflit d’expliquer par les paroles mêmes de saint Thomas les termes : motion, prémotion, physique, prédéterminante.

1° C’est une motion passivement reçue dans la cause seconde pour la porter à agir, et, si la cause seconde est vivante et libre, à agir vitalement et librement, comme l’a dit saint Thomas, nous l’avons vu. Cette motion, qui, dans l’ordre surnaturel, s’appelle la grâce actuelle, est réellement distincte et de l’action incréée de Dieu dont elle dépend, et de l’acte salutaire auquel elle est ordonnée ; cf. la-II 86, q. ex, a. 2 ; q. exi, a. 2. Sur ce point, tous les thomistes sont d’accord ; ils disent, comme par exemple Jean de saint Thomas, Cursus phil., Phil. natur., q. xxv, a. 2 : Istamotio non potest esse operatio ipsa causse creatæ, siquidem isla motio est preevia ad talem operationem et movet ad illam, non ergo est ipsa actio causai creatæ, hœc enim non potest movere causam ut agentem, sed passum.

On peut expliquer cette motion divine reçue dans la cause seconde en la comparant à la création passivement considérée dont saint Thomas a parlé assez longuement, I a, q. xlv, a. 3. — Nous ne voulons pas dire, comme on l’a fait parfois, que la motion qui nous occupe soit création, car nos actes ne sont pas créés en nous ex nihilo, comme l’âme spirituelle quand elle est unie au corps ; ils sont des actes vitaux, produits par nos facultés ou puissances opératives, et ces puissances créées et conservées par Dieu ont besoin d’être prémues, de recevoir le complementum causalitatis dont nous a parlé saint Thomas. La grâce soit habituelle, soit actuelle, n’est pas non plus créée ex nihito, mais elle est tirée de la puissance obédientielle de l’âme, dont elle dépend comme accident. Cf. saint Thomas, IA-II 86, q. exin, a. 9, et De virtutibus in communi, a. 10, ad 2 u : r > et 13 « >".

Mais si la motion divine dont nous parlons n’est pas, à proprement parler, création, elle ne peut provenir que de la cause créatrice, seule capable de produire tout l’être d’un effet donné et toutes ses modalités, soit nécessaires, soit libres. Saint Thomas dit à ce sujet, dans son commentaire du Perihermenias d’Aristote, t. I, lect. 14 : Voluntas divina est intelligenda ut extra ordinem entium existens, velut causa quædam perfundens tolum ens et omnes ejus difjerenlias : sunt enim difjerentiæ entis, possibile et necessarium, et ideo ex ipsa voluntate divina originantur nécessitas et contingenlia in rébus. Cf. Comm. in Metaph., t. VI, lect. 3 ; et I a, q. xix, a. 8.

De plus, bien que la motion qui nous applique à agir, ne soit pas création, elle lui ressemble à plus d’un titre. Il y a analogie entre la création active et la motion active et aussi entre la création passivement considérée et la motion passive par laquelle la cause seconde est, comme le dit saint Thomas, appliquée à agir. Voyons en quoi consiste cette double analogie.

Si la création activement prise est une action divine éternelle, formellement immanente et virtuellement transitive, la création passivement considérée est la relation réelle de dépendance de la créature, qui arrive à l’existence, à l’égard du Créateur, creatio importât habiludinem creaturæ ad Creatorem cum quadam novitate, seu incœptione. I a, q. xlv, a. 3, ad 3 ll[n. De même, la conservation activement prise est l’action créatrice

continuée et, passivement considérée, elle est la relation réelle de constante dépendance de l’être de la créature à l’égard de Dieu.

Or, comme l’être de la créature dépend réellement de l’action divine créatrice et conservatrice, l’action de la créature dépend réellement aussi de l’action divine qui est dite motion. Nous ne disons pas que Dieu crée nos actes d’intelligence et de volonté, il ne les produit pas ex nihilo, car ces actes ne seraient plus vitaux, ni libres ; nous ne disons pas non plus que Dieu conserve seulement ces actes qui commencent à un instant précis et auparavant n’existaient pas ; nous disons que Dieu nous meut à les produire nous-mêmes vitalement et librement.

Pour éviter toute équivoque, comme on distingue la création active et la création passive, il faut distinguer ici (cf. card. Zigliara, Summa phil., Theol. nat., t. III, c. iv. a. 1, S 3-5) deux acceptions semblables du mot motion : 1. la motion active, qui est en Dieu, avons-nous dit, une action formellement immanente et virtuellement transitive ; 2. la motion passive, par laquelle la créature, qui avait seulement la puissance d’agir est mue passivement par Dieu pour devenir actuellement agissante ; et 3. il y a l’action même de la créature. en nous l’acte vital et libre de la volonté.

Cette distinction est faite communément pour expliquer l’influence d’un agent créé sur un autre, par exemple celle du feu sur l’eau. Il y a 1. l’action du feu : caléfaction active, 2. l’effet de cette action sur l’eau : caléfaction passive, 3. l’action de l’eau devenue chaude sur les corps qui l’entourent.

De même, les objets extérieurs et la lumière influent sur l’œil animé, puis celui-ci reçoit une impression, similitude de l’objet, et enfin réagit par l’acte vital de vision. De même encore, notre volonté spirituelle, par une action spirituelle, formellement immanente et virtuellement transitive, exerce une influence sur les facultés sensitives et sur nos membres pour les porter à l’action. C’est ce que saint Thomas appelle Vusus activus voluntatis, I a —II æ, q. xvi, a. 1, suivi de Vusus passivus des facultés mues et enfin de l’acte de ces facultés, acte immédiatement produit, élicité par elles, et impéré par la volonté.

11 ne faut donc pas confondre la motion divine passivement reçue dans la cause seconde, ni avec la motion divine active qui est Dieu même, ni avec l’opération produite par la cause seconde.

Or, cette confusion est faite par ceux qui disent comme Satolli (loc. cit.) : » la volonté ne peut être prédéterminée par Dieu à agir et se déterminer encore elle-même à cet acte. » Il y aurait contradiction, si la volonté recevait de Dieu son acte volontaire tout fait, comme créé ex nihilo ; alors elle ne pourrait plus le produire. Mais ce qu’elle reçoit, c’est seulement une motion passive, par laquelle elle est appliquée à agir, selon sa nature, c’est-à-dire vitalement et librement. Cette motion ne peut d’ailleurs lui être donnée par aucun esprit créé ou créable, si puissant soit-il, mais seulement par Dieu, auteur de sa nature et de son inclination au bien universel, par Dieu qui la conserve dans l’existence et est plus intime à elle qu’elle-même. Comme le note Zigliara, loc. cit., lorsque les adversaires de la prémotion physique objectent contre elle, ils prennent généralement dans un sens actif ce que les thomistes prennent dans un sens passif, ils confondent la prémotion physique soit avec l’action divine incréée, qui ne saurait être reçue en nous, soit avec notre action à nous, qui suppose la prémotion au lieu de s’identifier avec elle.

Les thomistes définissent communément la motion que reçoit notre volonté : motio divina. perquam voluntas nostra de potentia volendi reducitur ad actum volendi : cf. Zigliara, loc. cit. Ces derniers mots ad actum volendi