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MtOHAmi.ISMK. PROSPÉRITÉ, LES MORALISTES

l’ordre de son général. Pas n’est besoin, selon celui i i, qu’on soit certain de la probabilité de l’opinion adop tée ; il suffit qu’on <’n ait une opinion probable ; d’où la formule : probabiliter probabilis, nouvelle variété dans celle flore touffue et que nous voyons, pourainsi dire,

pousser sons nos yeux, lui fait connue en droit, toute

opinion probable est sûre. Et cette réprimande à l’adresse des confesseurs sévères, taxés d’ignorance :

ils croient bien faire en obligeant les pénitents à restitution ; mais si les pénitents avaient voulu savoir ce

qui est plus SÛr, ils n’auraient pas demandé conseil,

étant bien capables par eux mêmes de le trouver ; en les y obligeant, le confesseur est donc injuste à l’égard de son client qui ne veut ni ne doit restituer, à moins qu’il ne puisse vraiment taire autrement. L. 1. c. iii, n. 15, Venise, 1683, p. 15. Et, pour justifier ses propres variations : qu’on ne me dise pas contraire à moi-même, proteste-t-il, si l’on s’aperçoit que j’approuve maintenant une opinion rejetée ailleurs ; je ne le fais que dans le cas où je liens l’une et L’autre comme probables ; ce n’est donc pas entrer en contradiction avec moi-même, mais signifier plutôt que l’on peut agréer en toute sûreté ces opinions, comme il plaira. Jbid., c. iii, §7, p. 18.

Les auteurs jésuites sont donc dé beaucoup au premier rang dans le genre d’ouvrages que nous recensons ici. Nous n’en avons même rencontré encore aucun autre. Pour nous épargner un jugement exclusif, survient heureusement Jean Martinez de Prado, dominicain et qualificateur de l’inquisition, titulaire de la chaire de Vêpres à l’université d’Alcala, qui publie en cette ville, en 1654 et 1656, ses Theulogiæ moralis quiestiones prœcipme, d’un type tout pareil aux ouvrages précédents. II est moins audacieux dans la doctrine. Combinant curieusement l’ancien et le nouveau, il a l’idée d’invoquer une distinction fort commune : per se, on suivra le plus probable ; per accidens, il est souvent permis en pratique de suivre une moins probable, du moins sera-t-on souvent excusé de la suivre. Il admet au for de la conscience le principe de possession. L’auteur est de son temps, tout en tâchant de ne pas trahir le passé. Son bon fond apparaît mieux dans l’appendice dut. il (1656), où il institue une critique de la Theologia fundamentalis de Caramuel (voir col. 492), réagissant ainsi contre l’un des pires excès des doctrines à la mode. Sans ajouter de nouveaux noms, d’autant que ces auteurs se doivent beaucoup les uns aux autres et demandent à être appréciés dans leur ensemble plutôt que sur la contribution personnelle de chacun (malaisément discernable), nous sommes en droit de réfléchir quelque peu sur l’effort et les tendances dont témoignent les ouvrages relevés en ce paragraphe.

Tendances générales de ces auteurs.

Dans la littérature

qu’explore notre étude, leurs ouvrages sont un genre nouveau. D’une part, ils ont une destination pratique et entendent diriger principalement le ministère de la confession. En cela, ils ressemblent aux Summse confessorum des siècles précédents : ils en ont et les matériaux et leur traitement casuisl ique. D’autre part. ces ouvrages tendent à se muer en théologies morales. On aura remarqué que, d’un si grand nombre de Sommes des confesseurs parues depuis le XIIIe siècle, aucune jusqu’ici n’a revendiqué le titre de théologie ; l’épithète même de morale ne fut prise que par la Somme de saint Antonin (dont nous avons dit qu’elle glissait vers la confusion des genres). Entre ces ouvrages et les livres (le théologie, on ne peut se méprendre, et, s’il y a communication des uns aux autres, c’est pour autant que les sommistes, comme il est bienséant, s’inspirent des théologiens. Cette fois, nous trouvons sur plusieurs des volumes ci-dessus recenses le titre de « théologie morale ». Le fait n’est pas fortuit. 11 répond à une conception et à un dessein tels que

nous les signifie la dist ri but ion de l’enseignement théologique dans la Compagnie de.Jésus, ou ces ouvrages ont surtout pris naissance. Il y a d’une part les professeurs de théologie scolastique, chargés d’exposer la Somme de saint Thomas ; on leur recommandede s’en tenir strictement a leur objet et. pour ce qui regarde la morale, qu’ils se contentent de quelques principes généraux comme en disputent d’ordinaire les théologiens, omettant l’explication plus détaillée des cas de conscience. Institutum Soc..)., Ratio studiorum, régulas professons scholaslieae iln-ol.. t. ii, Prague, 17.">7, p. 18 1186. Celle-ci revient en etiel a des professeurs spéciaux, dont la fonction est de former de sages administrateurs des sacrements. L’un d’eux expliquera en deux ans tous les sacrements et les censures, les états et ollices des hommes ; l’autre dans le même temps le Décalogue, ajoutant au 7’commandement l’étude des contrats. Pour ces professeurs, est édictée la consigne suivante : « Bien qu’il leur soit absolument nécessaire de s’abstenir des matières théologiques dont la connexion avec les cas est pour ainsi dire nulle, il leur faudra néanmoins définir brièvement le moment venu des notions théologiques d’où dépend la doctrine des cas, dire par exemple ce qu’est le caractère et combien il y eu a, ce qu’est le péché mortel et le péché véniel, ce qu’est le consentement et choses semblables. On leur recommande en outre de justifier de telle sorte leurs opinions que, si quelque autre est probable et munie de bons auteurs, ils aient soin de la signifier aussi comme probable. Ibid., Régulée professons casuum conscienlim, t. ii, p. 192-193. Une ordonnance de la VIIe congrégation générale, au commencement de 1616, prévoyait expressément l’adjonction aux leçons d’Écriture sainte et de théologie scolastique, dans les collèges de la Compagnie, « d’une leçon de théologie morale, où soient expliquées ex professo et solidement, quoique avec concision, les matières morales qu’omettent ou ne font que rapidement toucher les professeurs scolastique-. Decr., xxxiii, Institutum, t. i, p. 599. Les ouvi dont nous parlons sont évidemment le fruit de l’enseignement ainsi défini. Ils procèdent donc du dessein d’organiser l’étude des cas de conscience selon un statut propre et distinct.

Rien que de très légitime dans le propos d’initier les futurs confesseurs à leurs fonctions spéciales ; rien que de très louable dans le soin d’ordonner un tel enseignement selon ses exigences propres. Il y avait liea cependant de prévenir quelques dangers. Il était à craindre que la théologie morale », comme la nomme le décret de 1616. devenue un enseignement spécial, ne prît une autonomie indue à l’égard de la théologie scolastique où sont traitées, qu’on le remarque, les matières morales de la IDpars de saint Thomas ; que, dès lors, la théologie scolastique ne fût considérée comme n’ayant qu’un intérêt de spéculation, y compris en ses matières morales. Le danger s’est vérifié. L’un de ces enseignements perdit de plus en plus [’efficace pratique, qui lui revient cependant de droit, civ la théologie est une seule science, et ses doctrines, surtout quand elles touchent à des questions comme la lin dernière, le péché, la grâce et autres semblables, sont appelées à régler la vie chrétienne. L’autre, au contraire, usurpa d’autant le gouvernement de la conduite morale, soustraite dès lors aux grandes influences spirituelles que véhicule la théologie, sou à ce régime spécial que définit justement le traité de la conscience, devenu la pierre angulaire du nouvel édifice, l.e phénomène fut facilité par l’introduction dans l’ensemble de l’enseignement d’une philosophie morale . â laquelle fut réservée de plus en plus l’étude des principes fondamentaux de la vie morale. Cf. art. Jésuites, col. 1089. Voir les règles du professeur de philosophie morale dans le Ralio Studiorum, Institutum,