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    1. PROBABILISME##


PROBABILISME. l. I.MI.T MEDINA

le sujet csi en droll de choisir indifféremment L’une ou l’autre.

Quand il écrit maintenant que « le deux opinions en cours (m peut choisir la moins probable, Médina ne tait qu’abonder dans le sens de ce premier énoncé, sans lequel le sien ne se fût pus aussi aisément affirmé : la même position <lu problème soutient l’un et l’autre. Avec cela il apparaît que, de sa proposition plus hardie, en la nouveauté qu’elle contient, .Médina porte seul la responsabilité Personne jusqu’alors ne l’a avancée, non pas même à Salamanque, où l’on a dit plutôt le contraire, quelque idée que l’on s’y soit faite du choix d’une opinion. En un sens, Médina pourrait s’entendre : s’il voulait signifier seulement que, des opinions en présence, c’est à l’opinion réputée, moins probable que l’on peut reconnaître le plus de chances de vérité, délaissant alors celle qui est réputée plus probable. Car une diligente et sincère appréciation ne conduit pas infailliblement l’esprit du côté le plus fréquenté et le plus applaudi. Il advient, et le geste en est beau, qu’on opte pour le parti faible, mais où l’on a reconnu une force secrète. Un théologien de la qualité de saint Thomas nous offrit cet exemple. Telle n’est pas la pensée de Médina. Il n’envisage pas cette assimilation personnelle et vivante de la vérité. Il n’a pas ainsi posé le problème. Il ne considère que le choix d’une opinion pour agir selon elle (en dépit de l’un des arguments invoqués : Nam licitum est interius assentiri huic conclusiuni. ..). Et, dans ce sens, sa conclusion, qui lui est propre, est certainement irrecevable.

L’argument principal de Médina est que l’opinion moins probable, bien qu’il y ait avec elle, pour ainsi dire sur le marché, une opinion plus probable, conserve sa probabilité. L’une a plus de chances d’être vraie, mais il reste à celle-là toutes les siennes. Dire que l’on peut choisir la moins probable — ainsi raisonne-t-il — n’est qu’une conséquence de ce qu’on a toujours dit, peut-être même une autre façon de le dire, savoir que l’homme peut agir selon une opinion probable. Mais l’argument ne fait que découvrir le déplacement signalé du problème moral : il est vrai que la moins probable conserve sa probabilité en dehors de l’esprit appelé à juger, mais il est souverainement faux qu’elle la conserve pour l’esprit et dans son adhésion. L’esprit cherche la vérité : qu’elle lui soit proposée selon des voies divergentes, il va où il croit la reconnaître ; le reste ne compte plus. Et quand même la recherche de la vérité se ferait le plus humblement, quand même l’esprit ne pourrait se guider que sur le degré de probabilité dont jouissent en dehors de lui les diverses opinions, selon sa nature il irait vers la plus probable, et la moins probable désormais ne serait plus probable pour lui. Médina manifeste l’artifice du problème posé comme nous avons dit. Jusqu’à lui, le sens des lois naturelles de l’esprit avait empêché cette conséquence. En la tirant, Médina dissipe toute illusion. Il est clair maintenant que les opinions sont ici traitées comme des choses étrangères à l’esprit. On se passe de l’adhésion intellectuelle. On adopte une morale sans pensée. L’esprit n’est plus de la partie. Et quand il compare le cas au choix légitime du bien, préféré cependant au meilleur, Médina confirme ce dissentiment fondamental ; car il s’agit de vérité. Autant il est légitime de choisir le mariage, qui est bon, en délaissant la virginité, qui est meilleure, autant il est contraire à la nature de l’esprit de s’en tenir à ce qui est moins vrai au détriment du plus vrai, ou plutôt de renoncer à la vérité pour se contenter de ce qui a moins de chances de l’être. On peut ne pas poursuivre la perfection et ne point pécher ; mais on ne s’expose pas délibérément à l’erreur sans pécher. Là on suit l’appétit naturel du bien, ici on fait violence à l’appétit naturel du vrai. Il y a, dans le sens qu’on vient de

dire, des degrés dans le bien ; il n’en a pas dans le vrai, toute question se résolvant en définitive pour l’esprit par le oui ou par le non. I ne fois vu ce malentendu initial, la proposition de Médina est irrecevable. En elle on touche déjà ce qui est à notre avis le désaccord irréparable des morales probabilistes et de la thé’classique : celle-ci fait de la vie et de l’action une ail de vérité ; celle-là, de probabilité pure, c’est-à-dire, en définitive, de convention.

Ce grief formulé, il faut rendre justice à l’intention louable de Mcdina. Il craint qu’autrement on ne tourmente les consciences, qui seront inquiètes de savoir si elles ont agi selon l’opinion plus probable, dont le dis cernement est loin d’être toujours facile. Mais cette bonne intention même nous trahit un Médina décidément gagné à 1’ « extrinsécisme. Il peut être malaisé de juger les degrés de probabilité des diverses opinions représentées ; mais le tourment est-il si grand de m faire pour son compte une opinion de bonne foi ? Car en cela exactement est notre devoir. Du moins peut-on essayer d’y rendre l’homme moins malhabile, et c’est à quoi s’évertuaient les théologiens d’autan. Il faut dire surtout que Médina ne reconnaît à une proposition la dignité de probable que moyennant certaines conditions, lesquelles, si elles laissent sauf le principe pose. en limitent dans l’usage les effets les plus fâcheux, les applications extravagantes : il veut que cette opinion ait pour elle non seulement des apparences de raison et des partisans, mais des partisans sages et des raisons excellentes. Nous croyons qu’une réserve comme cellelà découvre un auteur encore attaché à la bonne doctrine et tout pénétré des exigences de vérité qui sont celles de l’action morale. Mcdina serait meilleur que sa thèse ; mais il l’a soutenue, et l’on devait en abuser.

Devant la présente thèse, n’oublions pas l’autre. S’il admet que toute probabilité est une suffisante règle de conduite. Médina n’imagine pas que le doute en soit une et, comme tout le monde jusqu’alors, il a recours dans le doute à la sécurité. Nous l’avons observé ci-dessus. On peut l’observer encore dans la dernière partie de son commentaire sur la conscience scrupuleuse. Il écrit là une fort bonne page, où est assumé une fois de plus le tutiorisme de la tradition morale. Pour cette raison, il n’est pas juste de regarder Mcdina comme l’initiateur pur et simple du probabilisme tel qu’historiquement il s’est développé. Outre la liberté de choisir le moins probable — où Médina porte une responsabilité, encore qu’on dût plus tard démesurément appliquer ce principe — le probabilisme comporte, nous le verrons, une élimination radicale de ce tutiorisme auquel Mcdina demeure fidèle, le doute étant alors levé par des voies absolument étram au théologien de Salamanque. Cette seconde moitié du probabilisme n’est guère moins négligeable que la première, et nous n’en avons pas aperçu jusqu’à présent l’origine.

Outre son commentaire théologique. Médina est l’auteur d’une brève Instruction à l’usage des confesseurs (une édition italienne à Rome, 1583). Le conflit d’opinion entre confesseur et pénitent y est résolu derechef comme nous savons déjà. L. I, c. vin. L’ouvrage contient aussi un chapitre sur la consolation des scrupuleux, apparenté avec l’âge précédent beaucoup plus qu’avec les auteurs probabilistes.

La thèse de Mcdina se répandit bientôt. Elle semble avoir eu du succès et s’être rallié des partisans, lu témoignage en est dans une dispute quodlibétique anonyme, des environs de 1580, qui se réfère de près a notre auteur. Sur sa provenance, voir Tennis, op. cit.. p. 89. Elle est conservée dans la ms. Vat. Ottob. lot. et le texte ici en cause édité dans Kphem. theol. I loc. cit.. p. 74-82. La question et la position de Mcdina étant ici adoptées, la dispute peut servir d’éclaircisse-