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PR0BABIL18ME. L’AGE INTERMEDIAIRE. S. ïul

de préceptes positifs, accorder un grand crédil a la coutume ; 7. se persuader que l’excommunication n’est encourue qu’où il 5 eul péché mortel ; 8. ayanl com mis un péché mortel, on pourra en de certains cas ne pas se confesser avant la communion. Il est manifeste que le l ><>ei auteur et ses pareils manient ici une matière des plus dangereuses. Bien que leur texte, lu avec bienveillance, soit sans reproche, ils lancent « le. idées et des formules dont on dirait cette fois qu’elles sollicitent

l’abus, (’.'es ! ainsi, et parmi les plus louables jutent ions.

que peuvent commencer les grandes déviations doctri

nales. Saint Anlonin lui-même, nous le verrons dans un instant, semble avoir eu peur devant ce passage de Nyder. Quelques autres consolations seraient aussi

assez inquiétantes : au C. XXVI, OÙ serait réduite a l’excès la gravité d’une faute commise sous l’empire d’une ignorance coupable en sa cause ; aux c. xxvii et kxviii, où l’on nous parle d’une double latitude par rapport à l’observation de la loi, en sorte que s’écarter de la moins large ne serait qu’un péché véniel ; et d’un intermédiaire entre le précepte et le conseil, que Nyder appellerait monition.

4° Saint Antonin de Florence. Pour sa tendance générale, pour sa fidélité et ses innovations. Nyder nous semble donc historiquement un auteur important. Il en faut rapprocher saint Antonin, archevêque dominicain de Florence († 1459) (voir son article), avec sa Summa moralis, ainsi que l’appelle l’autographe (voir édition de Florence, 1741). L’ouvrage, qui n’est qu’un ample développement des Summse confessorum, dont il prétend avoir la destination pratique, visant moins la science que la commodité, se trouve avoir pris rang dans l’histoire de la théologie morale ; il le doit à ce développement même et à l’insertion de matériaux doctrinaux parmi ses recherches et ses solutions concrètes. A ce titre, en dépit des intentions de son auteur comme de la bonne qualité de ses règles morales et de sa casuistique, nous craignons qu’il n’ait représenté une étape vers la confusion des méthodes et des genres, dont le Moyen Age fut nettement exempt, mais qui sera bientôt chose accomplie, au grand dommage de l’authentique théologie morale.. Il se trouve que, sous cette forme et grâce à de pareilles préoccupations pastorales, saint Antonin coïncide, à très peu de chose près, avec les auteurs dont nous venons de parler. La tendance que ceux-ci représentent a gagné l’Italie au xv siècle. outre la France et l’Allemagne. Le mode de compilation qu’il adopte (il dénomme sa Somme un collectarium ) permet du reste à Antonin d’emprunter beaucoup, et littéralement, à ses prédécesseurs. Il institue un chapitre de la conscience, laquelle obtient décidément droit de cité dans les livres de morale (I a part., tit. iii, c. xi), où il traite à son tour de la conscience scrupuleuse. Son dessein même conduit l’auteur à dénoncer les abus de l’axiome tutioriste. Il le fait en ces termes :

Sed ad hoc respondetur quod eligere viam tutiorem consilii est, non prsecepti, alias oporterct multos ingredi religionem in qua tutius vivitur quam in sieculo. Non ergo de necessitate oportet tutiorem eligere quando etiam alla via potest eligi tuta. Sicut enim divers : » ’vise tendunt ad imam civitatem, lieet una tutior alia sit ; sic ad civitatem cselestem alius sic, alius sic vadit, et tute, licet aliquis tutior. Éd. cit., t. 1, col. : 17 : s.

Il apparaît assez que cette exégèse à l’usage des scrupuleux n’est pas la dénégation de la règle classique. Anlonin oppose tutior à laid, le Moyen Age à periculosa. Il l’assimile au plus parfait. le Moyen A.ge l’entendait comme la seule issue permise. D’où la conclusion que l’axiome a valeur de conseil, non de précepte, inouïe chez les théologiens du XIIIe siècle. Mais elle tient au déplacement du sens des mots. Anlonin n’entend certainement pas que, dans le doute, on puisse

se confier au parti périlleux, comme on a le droit de rester dans le monde sans faire de péché. Voici du reste

comme il expose une autre règle, que celui qui aime le péril périra :

Sed ad hoc respondetur quod utique Ule <|ui agit orienter id de quo dubitat esse mortale, permanente dubitatione, mortaliter peccat, etiamsl Ulud m se non effet mortale, sumendo proprie et stricte dubitationem, videlicet proul rationes [sunt 1 aeque pondérantes ad utramque partent nec magis declinanl ad iinam quam ad aliam. Sed si dubitet leviter et » cr modum scrupuli, sicut dubital et formulât

habens opiiiioneni de aliqilO, quia ita inha-rct uni sentent i ; e <|iiod taræn formidat de opposito ; sic agendo contra taie dubium non peccatur dum adhærel opinioni alicujus doeloris et habet rationes probabiles pro ips : i ni agis quam pro opposita opinione, etianui ipsa opinio quam tenet non essel vera. Et hoc nisi ipsa opinio sumpta effet contra maniiestum testhnonium Scripturae vel determinationem Ecclesise. Talis enim non operatur in dubio mortaiis sed secundum opinionem probabilem. Ibid.

Tout revient donc cette fois encore à revendiquer la probabilité comme règle légitime de conduite, malgré la crainte qui subsiste en L’opinion, à rencontre de l’impression trop forte faite sur les âmes scrupuleuses par l’axiome tutioriste. lequel bien entendu conserve sa valeur. Là où il étudie l’obligation en conscience de la loi civile (I a part., tit. xviii), Antonin ne dit absolument rien qui ressemble à la règle plus tardive de la loi douteuse qui n’oblige pas. On n’est libéré du doute que s’il est converti en opinion, et l’on ne passe de l’un à l’autre que par des voies objectives, contrôlées au surplus sur l’enseignement de l’Écriture et la détermination de l’Église. S’expliquant plus au long sur le choix des opinions, Antonin adopte exactement, un peu plus bas, la quatrième des règles de Nyder, que nous avons exposée. Où il tâche au surplus de justifier l’usage des probabilités avec leur risque d’erreur : il ne parle pas de la vérité pratique, une notion délicate que ces théologiens mineurs n’ont pas retenue ; mais, s’inspirant de Gerson.il raisonne de la morale par comparaison avec la foi : de même qu’il n’est pas funeste de se tromper en matière de foi, pourvu que l’article n’ait pas été déclaré par l’Église, de même on ne se nuit pas en agissant contre une règle dont il n’y a dans l’Écriture ni dans l’Église expresse détermination : il suffit dans les deux cas que l’on soit prêt à se ranger au sentiment autorisé, dès qu’il sera connu. Col. 380-381. A défaut d’une explication formelle, du moins avons-nous ici le témoignage du même problème qui s’était posé aux théologiens du Moyen Age.

Pour déposer la conscience scrupuleuse, saint Antonin recommande à son tour Yepikeizatio. Il l’entend selon les mêmes règles qu’a énumérées Nyder, avec cette différence remarquable qu’il omet la quatrième, dont il ne dit mot. Il l’aura jugée trop peu sûre. Ce texte de Nyder se trouve ainsi représenter un essai qui ne devait guère survivre en théologie morale : la sagesse de saint Antonin l’a déjà écarté.

Parmi les « règles de droit », au nombre de cent une, insérées en forme de catalogue dans cette Somme morale. I a part., tit. xx, figure cette fois la maxime tutioriste : In dubiis tutior via est eligenda, n. xvi, à propos de laquelle Antonin distingue le dubium probabile (noter celle expression, indice de l’effacement progressif dis distinctions si nettes introduites par le Moyen Age entre les états incertains de l’esprit) : les raisons sont pour ainsi dire égales des deux côtes, et la règle s’applique, et le dubium scrupulosum qu’il faut déposer. I.a règle de la possession : In pari detirlo rcl causa potior est conditio possidentis (11. xi.i = i.xv de Boniface VIII) est interprétée sur le plan du droit pour les seules matières de justice. I.a plupart des règles énoncées ici n’ont guère du reste qu’un intérêt juridique : leur présence dans nu ouvrage de morale atteste