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PRISCILLIEN

qu’ils doivent adoucir ce que les thèses nouvelles pou valent avoir de trop étrange ou de trop compromettant. Même en tenant compte « le celle circonstance, la banalité, m l’on peut dire, en est difficile ; ï comprendre. Diim Morin a proposé de résoudre le problème en attribuant la paternité « les onze truites, non pas à Priscillien, mais à [nstantius, qui comparut en effet devant le concile de Bordeaux, OÙ Priscillien refusa (le se rendre, et qui recul l’ordre d’y plaider sa cause.

Cette attribution est en effet vraisemblable, et nombreux sont les savants qui v ont adhéré.

Quoi qu’il en soit, si les onze i rail es de Wurtzbourg msuffisent pas à nous renseigner sur le priscillianisme,

quels moyens avons-nous de le connaître ?

12° Lesanathématismes du concile de Braga (563). -L’exposé le plus clair, le plus complet, de la doctrine priscillianiste nous est fourni par les anathématismes du concile de Braga en.">(>3. Près de deux siècles séparent ce concile des origines de la secte, qui en un si long espace de temps a pu considérablement évoluer. Nous retrouverons tout à l’heure cette question. Il est utile, en tout cas, d’avoir tout de suite sous les yeux la dernière forme prise par l’hérésie ; en voici le résumé, tel que le donne.1.’Fixeront :

1. Les priscillianistes nient la distinction réelle des personnes divines ; ils sont sabelliens. — 2. Ils admettent en Dieu une sorte d’émanation ad intra d’éons ou d’êtres divins ; il y aurait dans la divinité trinitas trinilatis. — 3. Le Fils de Dieu, Notre-Seigneur, n’existait pas avant de naître en Marie. — 4. Ils sont docètes et ne croient pas que Jésus-Christ soit né in vera hominis natura. Aussi jeûnent-ils le jour de la naissance du Christ et le dimanche. — 5. Les anges et les âmes humaines sont des émanations de la substance divine. — 6. Les âmes humaines ont péché dans le lieu céleste où elles habitaient et, à cause de cela, ont été précipitées dans des corps humains sur la terre. — 7. Le diable n’a pas été d’abord un bon ange créé de Dieu : il est sorti du chaos et des ténèbres ; il n’est pas créé ; il est le mal substantiel même. — 8. Il est, dans le monde, des créatures qui sont l’œuvre du diable : c’est lui qui est l’auteur du tonnerre, des éclairs, des tempêtes et de la sécheresse. — 9. Les âmes et les corps humains subissent l’influence des astres. — 10. Les douze signes du zodiaque correspondent aux diverses parties du corps et de l’âme et sont en rapport avec les noms des douze patriarches. — 1 1. Le mariage est mauvais, et la procréation des enfants condamnable. — 12. C’est le diable et les démons qui forment au sein de la mère le corps de l’enfant. La chair ne ressuscitera point. — 13. La chair n’est pas l’œuvre de Dieu, mais une création des mauvais anges. — 14. Les priscillianistes s’abstiennent de manger de la chair et même des légumes cuits avec de la viande, non par mortification, mais parce qu’ils regardent la chair comme une nourriture impure. — 15. La secte enseigne que les clercs et les moines peuvent, en dehors de leur mère, de leur sœur, de leur tante ou d’une très proche parente, retenir auprès d’eux des femmes étrangères et cohabiter avec elles. — 16. Le jeudi saint, contre la coutume de l’Église, les priscillianistes célèbrent, à l’heure de tierce, des messes pour les défunts et rompent le jeûne. — 17. Enfin, le dix-septième analhématisme déclare que Priscillien a corrompu les Écritures : il interdit de lire et de défendre les traités que I’évêque Diclinius avait composés avant sa conversion, aussi bien que les écrits fabriqués par les hérétiques sous le pseudonyme des patriarches, prophètes et apôtres. .1. Fixeront, op. cit., p. 236-238.

3° Erreurs reprochées aux priscillianistes. Somme toute, il ressort de ces canons qu’en 563 on se représentait le priscillianisme comme une forme à peine renouvelée du manichéisme ; ce qu’on lui reprochait

surtout, c’était l’enseignement du dualisme, la condamnation absolue de la matière et du monde matériel, avec les conséquences naturelles de cette condamnation : interdiction du mariage, ascétisme exagéré, etc. On ajoutait a cela d’autres griefs : sabellianisme, orlgénisme, astrologie, plus ou moins étroitement liés aux premiers.

Nous avons déjà remarqué que les adversaires les plus acharnés de Priscillien. Ithacius et Hydace, l’avaient précisément accusé de manichéisme auprès de l’empereur Gratien ; si vague, si imprécise que soit cette accusation sous sa forme générale, elle peut trouver son fondement dans les pratiques ascétiques de Priscillien et de ses premiers adeptes : les canons de SaragOSSe en 380 nous ont fait connaître quelques-unes de ces pratiques telles que le jeûne du dimanche et l’éloignement de l’église pendant le carême. Mais elle peut aussi se justifier par des faits précis, et force nous est bien d’examiner ce qu’il en est.

1. Erreurs trinilaires. - Remarquons d’abord l’accusât ion de sabellianisme portée par le concile de Braga : Priscillien. ou Instantius, condamne sans doute le patripassianisme, mais il ne laisse pas d’employer parfois des formules suspectes : Tu enim es Deus, qui… unus Deus crederis, invisibilis in Pâtre, visibilis in Filio et unilus in opus duorum sanctus Spirilus inveniris. Tract. XI, éd. Schepss, p. 103. Ailleurs, en parlant de l’incarnation : Invisibilis cernitur, innascibilis nascitur. incomprehensibilis adtinetur. Tracl.Yf, p. 74. Rapprochons de cela la condamnation portée par les Pères du concile de Tolède en 400, contre la doctrine du Filins innascibilis, et ajoutons que Symposius d’Astorga, un priscillianiste de la première heure, doit alors convenir qu’elle est employée dans la secte. De telles formules auraient pu être entendues dans un sens orthodoxe avant le concile de Nicée. Près de soixante-quinze ans après, il était difficile de les interpréter avec indulgence.

2. Manichéisme.

D’autre part, le synode de FJraua reproche aux priscillianistes leurs doctrines sur l’origine des âmes qui ont été précipitées par les démons dans les corps humains à cause de leurs péchés et sur la fatalité astrale qui est censée s’exercer sur elles. Dr. nous lisons dans le Traite sur l’Exode la phrase suivante, longue et embarrassée, mais d’une doctrine suspecte : « Enfin, dans celui des deux Testaments qui est le premier, comme nous l’apprend la lecture d’aujourd’hui ; afin que, l’Egypte ayant été punie, le peuple de Dieu fût ramené à la joie pour la célébration de la fête de Pàque, sont déterminés la nature des victimes, le jour du mois, le temps de l’année ; au contraire, dans celui qu’on appelle le Nouveau, les animaux, selon l’Évangile, ayant été chassés du temple et le monde ayant été cloué à la croix, le Christ montant pour nous au gibet est la victime offerte, et l’une est appelée la Pàque du Seigneur, l’autre la nôtre, afin que, le sens respectif de chacun des deux livres étant bien compris, nous comprenions que tout ce qui arrive et est arrivé pour le salut de l’homme nous a été montré, afin que la nature du corps, qui est appelée par l’Apôtre la figure du monde et le vieil homme, quoiqu’elle ait été faite de la main de Dieu, puisqu’elle est apparentée aune origine terrestre, parce qu’elle est formée de limon, et que, divisée par les jours, les temps, les années, les mois et toutes les sortes de vices qui sont sous le soleil, elle a éprouvé la race des hommes en les emprisonnant dans les souricières d’un domicile terrestre ; car le prophète dit : Le corps corruptible appesantit » l’âme, et l’habitation terrestre rabaisse l’esprit aux i vastes pensées » (Sap., IX, 15) ; afin donc que la nature du corps, corrigée nécessairement par la loi de l’Ancien Testament, et offerte comme un tabernacle de Dieu, ne doive plus rien désormais aux jours et aux temps.