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    1. PRIMAUTÉ##


PRIMAUTÉ. LE GALLICANISME

Le traité s’achève sur le mode de désignation <lu pape, sur la certitude que peut comporter la légitimité de tel pape en particulier, sur l’inamovibilité de la dignité et de la fonction papales. Ibid., sect. ii-vi, ]>. 291 sq. Ailleurs, en divers traités, Suarez examine les principaux eus. spécialement en matière de dispenses, d’approbations, de mesures coercitives, où s’exerce la primauté du pontife romain, et il affirme à cet égard qu’il a la suprême juridiction ecclésiastique et que seul il peut créer une obligation qui s’étende à l’Église unici selle.

b) Ainsi, l’on constate que les théologiens privés devancent notablement les définitions officielles. Ils devancent aussi, par exemple, le Catéchisme romain (1560), qui affirme bien l’autorité du prince des apôtres et de ses successeurs, mais en la rattachant comme une nécessité logique à l’unité de l’Église, sans parler ex professa du primat, comme tel, de l’évêque de Rome.

Conclusion sur celle période. — La crise conciliaire et les tentatives d’insubordination n’étaient pas terminées, quand, dans le mouvement complexe du protestantisme, s’amalgamèrent toutes les récentes hérésies. Tandis que les positions théologiques étaient entièrement renouvelées par la controverse, la primauté du pape, aux prises avec les tendances régaliennes, césaropapistes ou nettement schismatiques, sauvait l’essentiel de ses prérogatives, en concluant des concordats, et maintenait plus fermes que jamais les principes sur lesquels s’appuierait une discipline puissamment réorganisée. Si le concile de Trente n’a pas consacré explicitement le triomphe de la doctrine de la primauté romaine, il faut reconnaître que son œuvre tout entière, dont le principal mérite revient à la persévérante action de la papauté, a préparé l’inéluctable et formelle définition du concile du Vatican.

VIII. L’ÉPANOUISSEMENT : DU CONCILE DE TRENTE

a nos jours (xvii c -xxe s.). — Avec le pape Clément VIII (1592-1 G05), qui donna une édition révisée de la Vulgate et publia un nouveau catalogue de l’Index et les livres liturgiques réformés, on peut considérer l’œuvre du concile de Trente comme achevée. Une nouvelle période commence, pendant laquelle la papauté devra lutter pour assurer l’acceptation et l’application de cette œuvre, en dépit des oppositions des princes, des légistes et parfois de certains prélats. 1° La théologie moyenne : saint François de Sales. — Évoque de Genève, fort au courant des objections protestantes et des thèses rajeunies des théologiens pontificaux ; très au fait, par ailleurs, des visées des gouvernants et des juristes, François de Sales († 1022), contemporain de Suarez et de Bellarmin, est moins un théologien spéculatif qu’un controversiste et surtout qu’un apôtre travaillant directement les âmes, un évêque aussi de la reforme catholique. Qu’il s’agisse de démontrer à ses adversaires que l’Église catholique est « unie en un chef visible », il va droit à l’essentiel : « Je ne m’amuserai pas beaucoup en ce point, dit-il. Vous sçaves que tous tant que nous sommes de catholiques reconnoissons le pape comme vicaire de Nostre-Seigneur : l’Église universelle le reconneut dernièrement à Trente, quandelles’addressaà luy pour confirmât ion de ce qu’elle avôit résolu, et quand elle receut ses députes comme presidens ordinaires et légitimes du concile. » Les controverses, part. I, c. ni, art. 2, dans Œuvres complètes, éd. d’Annecy, t. i, 1892, p. 91. Cependant, l’apôtre du Chablais insiste, quand il y a lieu, sur la primauté du pape et, par exemple, lorsqu’il s’agit de démontrer que :

La cinquième caractéristique des hérétiques est le mépris du Siège apostolique, point où excelle Luther… Si l’on retranchait de Luther et de Calvin les insultes et calomnies déversées contre le Siège apostolique, il en resterait bien peu de piges. lit, cependant, si quelqu’un doute que le mépris

du Siège romain soit une caractéristique de l’hérésie, qu’il écoule les paroles par lesquelles le Christ a établi l’apôtre Pierre chef de l’Église : Et sur cette pierre je bâtirai mou Eglise. Par suite, celui-là n’appartient pas a l’Église, qui ne s’appuie pas sur la pierre que la bouche du <.lu i s t a si grandement magnifiée. Et, puisque le même Christ a coniie ses

brebis a la garde de Pierre, elle n’est |> ; is brebis du Christ, celle qui ne veut pas avoir Pierre pour pasteur. Que les hérétiques ne viennent » as après cela prétendre que le pontife romain n’est pas le successeur de Pierre ou que l’autorité accordée a Pierre n’a pas clé transmise au pontile romain ; car, cette autorité avant été conférée a Pierre pour le bien commun de l’Église, elle n’a pas du cesser avec Lierre, lequel devait disparaître par la mort au bout de peu d’années, mais durer autant que l’Église militante, qui demeurera Jusqu’à la fin du monde ; par conséquent, l’Église doit avoir un successeur revêtu de l’autorité même dont’ouïssait Lierre. Or, personne n’a jamais été appelé par l’Église successeur de Lierre, dans ce sens, en dehors du pontife romain. Reconnaissons donc, ce qui est vrai, que le siège du pontife romain est celle pierre sur laquelle a été bâtie l’Église, véritable bercail du troupeau du Seigneur…

Et François de Sales ne se prive pas de citer les nombreux témoignages des l’ères, de saint Cyprien à saint Bernard, qui abondent en son sens. Opuscules, ibid., t. xxiii, p. 144 sq.

L’évêque de Genève cependant n’ignorait rien des difficultés pratiques toujours possibles entre les évêques et la curie, presque inévitables entre les princes et le pontife romain.

2° Le développement du gallicanisme et des doctrines régaliennes. — Malgré la bulle de Fie IV (1559-1565) promulguant officiellement le concile, le 26 janvier 1564, et dans laquelle étaient révoquées toutes les concessions de privilèges ou d’exemptions contraires aux décisions tridentines, les gouvernements, qui avaient tant réclamé la réforme ecclésiastique, ne montrèrent que peu ou point d’empressement à l’accueillir. Ni en France ni en Suisse, il ne fut permis de publier les décrets conciliaires. Selon les parlements français, c’eût été porter atteinte aux libertés de l’Église gallicane, et c’est vainement que le clergé en réclamera encore la réception pure et simple aux Étals généraux de 1614. Il est vrai que les conciles provinciaux avaient souvent passé outre et mis en vigueur la nouvelle discipline, du moins quant à l’essentiel. Sur ce point voir V. Martin, Le gallicanisme et la réforme catholique : essai historique sur l introduction en France des décrets du concile de Trente (1563-1615), Paris, 1919.

En Italie, saint Charles Borromée († 1584) avait sans relard travaillé puissamment à l’application des décrets du concile et à leur parfaite assimilation par le clergé italien. Mais en Espagne, à Naples, dans les Fays-Bas. Philippe II n’avait donné son acceptation que conditionnelle, « sans préjudice des droits de la couronne. En revanche, les princes catholiques de l’Allemagne reçurent le concile de Trente à la diète d’Augsbourg de 1566, sans aucune réserve ; ainsi agirent la Pologne, le Portugal et la république de Venise. Mais, pratiquement, un peu partout, les gouvernements deviennent absolus et prétendent tout régenter, même la religion de leurs sujets, en n’accordant qu’un respect fort diminué et une obéissance fort intermittente au chef suprême de l’Église.

1. Le gallicanisme. - A Venise, à l’occasion d’un grave conflit de la Sérénissime république avec le Saint -Siège, le pape Paul V (1605-1621) fulmina l’anathème et l’interdit, le 17 avril 1606, pour défendre les droits de l’Église en matière d’immunités et de mainmorte. Le servile Fra Paolo Sarpi († 1623) était alors le théologien officiel du gouvernement. Il était surtout le chef d’une opposition à la fois politique et religieuse à la cour romaine. Car non seulement il prit à tâche de démontrer que les immunités ecclésiastiques, loin