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PRIMAUTÉ. S. GRÉGOIRE LE GRAND


nople : moins de soixante dix ans après le 28° canon de Chalcédoine, sur la base d’un document qui émanait du pape seul, le patriarche byzantin Taisait entière soumission au Siège apostolique.

2. De.Iran I, r à Pelage II. La paix procurée par rlormisdas ne pouvait se maintenir longtemps, mena cée qu’elle était sans cesse par les ambitions renaissantes des patriarches de la nouvelle Rome et par le cesaro papisme du hasileus.

a) Avec Justinien, l’empire trouva un unificateur et un organisateur remarquable : mais l’Église eut en ce prince un protecteur autoritaire, toujours prêt à se muer en persécuteur.

Dans le conflit de juridiction qui mil aux prises l’Occident et l’Orient, au sujet de l’illyricum, Boniface II (530-532) vit, en 531, le patriarche Épiphane de Constantinople frapper Etienne de Larisse, uniquement, déclarait ce dernier, s pour se poser en maître et juge îles Églises de Thessalie ». Etienne eut beau taire appel à Rome et protester que c’est le pape qui est maître directement dans « son Illyricum », ce fut peine perdue ; il fut déposé, avec la connivence de Justinien. Cf. Hefele-Leclercq, op. cit., t. n b, p. 11171119.

b) Bien plus heureux fut le pape Agapet 1 er (535-530). Théodora avait réussi à faire élever le monophysite Anthime sur le siège de Constantinople. Amené à la cour par des affaires politiques, Agapet le démasqua et le lit déposer. Mais ce succès devait coûter cher à la papauté. Agapet mourait à Constantinople presque aussitôt, et après le règne éphémère de saint Silvère (536-537), arrêté et exilé par Bélisaire, Théodora obtenait en lin le pape de son choix, Vigile (538-555). Ce n’est pas ici le lieu d’apprécier le rôle doctrinal de ce pape. La controverse des Trois-Chapitres (545-553) lui donna l’occasion de réagir parfois avec courage et clairvoyance contre les abus de pouvoir du basileus qui le tenait à sa merci. Sa primauté n’était pas discutée, mais exploitée au profit de l’orthodoxie impériale. II fut invité à confirmer les canons et anathèmes du Ve concile œcuménique (Constantinople, 553) : ce fut son dernier acte de souveraine juridiction. La pression qu’il subit, en dépit de ses faiblesses, dénonce en lui le chef suprême de l’Église. Il convient aussi de remarquer que le concile, tout en se séparant de lui personnellement, déclara vouloir rester en communion avec le Siège apostolique. Première manifestation précise de la fameuse distinction entre sedes et sedens.

Son successeur, Pelage I er (555-561), reconnut, lui aussi, le Ve concile, dont l’œcuménicité ne fut d’ailleurs admise que peu à peu en Occident.

c) Malgré tout, le droit du Siège apostolique n’était pas contesté en principe par les Grecs. Jean le Scolastique, qui deviendra en 565 patriarche de Constant inople, donne place aux canons de Sardique dans sa Concordia canonum. En pratique, l’ambition personnelle des patriarches, les ingérences abusives des princes entretiennent une perpétuelle menace de rupture. En 588, Jean le Jeûneur n’hésite pas à s’attribuer le titre de patriarche œcuménique : il occupe le siège de la nouvelle Rome, ville impériale, et le basileus a la prétention, depuis les campagnes de Justinien. d’avoir reconquis toute l’oikouménè… Pelage II (579-590) protesta comme il convenait, affirmant une fois de plus que « le Siège romain est, de par l’institution du Seigneur, la tête de toutes les Églises ». P. £, ., t. i.xxii, col. 738.

3. La primante romaine sous saint Grégoire le Grand.

— Il est digne de remarque que les évêques de Home, quant à eux, n’ambitionnaient de porter aucun titre particulier, soucieux seulement de ne se point laisser dépouiller de leurs prérogatives essentielles. Les termes <le papa, apostolicus, vicarius Christi, summus pontifex,

sumimis sacerdos, ne leur étaient |ias exclusivement réservés, ils étaient usités pour d’autres évêques. Le litre de sedrs aposlolica était donné a d’autres sièges. Il n’est pas jusqu’au titre de sernus serooram bei, que va adopter Grégoire le Grand, qui ne se trouve déjà dans saint Augustin et ne soit employé par de nombreux évêques. Aussi bien n’est ce nullement par des innovations verbales, non pas même par des initiatives fortement accusées, que ce pape fait figure dans l’histoire de la primauté romaine : c’est par la force même des traditions apostoliques qui en lui s’accumulent et se maintiennent.

a) Grégoire le Grand (590-604) trouvait une situation en apparence paisible, mais de toutes parts minée ou semée d’embûches. En Orient, il sait bien que la soumission au siège de Rome est loin d’être sincère et loyale dans tous les cœurs. Il n’ignore pas que le patriarche Menas a déclaré en plein concile, à Constantinople, en 536 : « Rien de ce qui se fait dans la très sainte Église ne doit se faire sans l’avis et sans l’ordre de l’empereur, et, comme vous savez, nous suivons le Siège apostolique et lui obéissons, sa communion est la nôtre, nous condamnons ceux qu’il condamne. » P. Batiffol, L’empereur Justinien et le Siège apostolique, dans Hech. de se. rel., 1926, p. 193264. Grégoire sait combien est difficile pour un Oriental la conciliation dé ces deux principes de conduite. Il le sait d’autant mieux qu’il a rempli lui-même à la cour du basileus et auprès du patriarche ces fonctions d’apocrisiaire, qui sont une reconnaissance formelle, de la part de la nouvelle Rome, des prérogatives de la Rome apostolique.

Quand il traite avec les illustres sièges d’Alexandrie et d’x

tioche, il tient à en reconnaître et il en relève les privilèges : saint Pierre a honoré (decorauit) le siège d’Alexandrie en lui donnant comme fondateur son disciple Marc, l’évangéliste ; il a affermi ffirmauit) le siège d’Antioche en y siégeant lui-même durant sept années ; mais il a exalté (sublimaoit) le siège de Rome, qui a été le terme de sa course terrestre et le lieu de sa mort. EpisL, t. VII, xl, P. L., t. lxxvii, col. 882. On n’a voulu voir ici qu’une politique habile, pour s’assurer contre l’ambition du patriarche à prétentions œcuméniques de Constantinople ; on a voulu aussi y découvrir l’aveu d’une égalité de droits, en raison de leurs origines apostoliques, pour les trois grandes Églises d’Alexandrie, d’Antioche et de Rome. C’est faire bon marché des termes employés par Grégoire lui-même pour marquer la dignité de chacune. « L’erreur serait grande de confondre le principatus que I’évêque de Rome a hérité de l’apôtre Pierre et qui lui donne sur l’Église universelle une primauté de sollicitude, de responsabilité, de pouvoir aussi et d’assistance divine, de confondre ce prineipatus avec les droits stricts de métropolitain qu’il exerce sur les évêchés suburbicaires. Le principatus est un secours qui entre en jeu quand on fait appel au pape, et quand le pape juge son intervention opportune, nécessaire : le principatus n’a rien d’une centralisation organisée et imposée. « P. Batiffol, Saint Grégoire le Grand. Paris, 1928, p. 188-189.

Grégoire, d’ailleurs, ne fait pas difficulté de se conformer à l’orrfo sedium établi par Justinien, en confirmation du 28e canon de Chalcédoine, si résolument repoussé par saint Léon et qui donne le premier rang, après Home, au siège de Constantinople. Il en allait tout autrement lorsque Grégoire croyait découvrir dans un titre une usurpation, un empiétement, surtout une atteinte aux droits de la primauté romaine. C’est en recevant les actes d’un concile tenu à Constantinople que Pelage II, eu 588, avait découvert que le patriarche Jean le Jeûneur y était dénommé « patriarche oecuménique ». Pour cette raison, il avait cassé