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    1. PRIMAUTÉ##


PRIMAUTÉ, LE TU ES PETRI S

sente j) ; i r Pjerre. Ce ne pouvait être à la personne de Pierre que furent promises les « clefs du royaume », mais, par Pierre, à l’Église universelle. Jusqu’au jour où L’on s’est avisé de contester l’authenticité du logion, on a maintenu (et certains, comme Allen, Strack und Billerbeck, Box, maintenaient récemment encore, et vaille que vaille) ces fantaisies surannées et inconsistantes. Du jour où l’on a cru pouvoir rejeter l’authenticité du texte, celui-ci a retrouve son sens naturel et obvie ; et quant aux arguments apportés contre l’exégèse catholique, on les a dès lors dirigés contre l’authenticité, la position demeurant identique à rencontre de la primauté. « . Il n’est vraiment pas nécessaire, dit M. Loisy, de prouver que les paroles de Jésus s’adressent à Simon, fils de Jona, qui doit être et qui a été la pierre fondamentale de l’Église, et qu’elles ne concernent pas exclusivement la foi de Simon, ou bien tous ceux qui pourraient avoir la même foi que lui ; bien moins encore, la pierre peut-elle être ici le Christ lui-même. De telles interprétations ont pu être proposées par les anciens commentateurs en vue de l’application morale, et relevées par l’exégèse protestante dans un intérêt polémique ; mais si l’on veut en faire le sens historique de l’Évangile, ce ne sont plus que des distinctions subtiles et qui font violence au texte. » A. Loisy, Éuang. synopt., t. ii, p. 7-8.

Remarquons, en premier lieu, que le Tu es Petrus, autant « par son contenu que par son caractère sémitique, est en parfaite harmonie avec le contexte immédiat et avec l’Évangile tout entier. E. von Dobschùtz ne fait pas difficulté de reconnaître qu’il représente une tradition authentique. Die Kirche im Urchristentum, dans Zeitschr. fur die N. T. Wissenschaft, 1929, p. 114. Jésus a pu dire « mon Église », c’est-à-dire mon groupe, ma communauté, knischta, comme il a pu dire « le « royaume du Fils de l’homme », Matth., xiii, 41, et comme il dit èy.é dans Marc, viii, 27 ; Luc, ix, 18 ; car il veut donner aux disciples une leçon sur sa personne et son œuvre. » J.-B. Colon, La conception du salut d’après les évangiles synoptiques, dans Rev. des sciences relig., 1931, p. 391. Ne trouve-t-on pas le titre d’ « Église du Seigneur », « Église de Dieu » donné dans l’Ancien Testament à l’assemblée du peuple ou à de pieuses réunions ? Deut., xxiii, 1, 2, 3, 8 ; Jud., xx, 2 ; I Par., xxviii, 8 ; Mich., ii, 5 ; Neh., xiii, 1. Bien plus, ne trouve-t-on pas dans les Lamentations, i, 10, « ton Église », ’Exx)y ; aîav aou ?

a) Au surplus, le caractère araméen, le rythme évidemment sémitique de tout le passage, en dominent impérieusement l’exégèse. Le sens est clair, la suite incontestable. À la profession de foi de Simon, Jésus répond par une formelle et solennelle approbation, qui en fait valoir aussitôt l’importance. La bénédiction — promesse et prophétie tout ensemble — paraît bien être le décalque de la salutation sémitique. Les bénédictions grecques, au contraire, ne comportent qu’assez rarement la formule xay.6pioç el. Cf. G.-L. Dirichlet, De veterum macarismis, dans Religionsgesehichtlichc Versuçhe und Vorarbeiten, t. xiv, fasc. 4, 1914. Le L{[16jv BapiœvS n’est que la transcription de l’araméen, que le IV 1 évangile finira par traduire, i, 42 ; xxi, 15 sq. L’expression « chair et sang » n’a rien que d’un sémitisme indiscutable, et quant au jeu de mots du verset 18, on ne peut soutenir qu’il ait pu être conçu primitivement en une autre langue que l’araméen : « Tu es (une) kepha et sur cette kepha » ; si l’origine en était grecque, le changement de genre Trarpa-TTÉTpcç aurait été évité. Ce changement, au contraire, s’explique au mieux du fait que, lors de la rédaction grecque du I" évangile, le nom propre ITÊrp’-c était déjà consacré par l’usage. Dans les « portes de I’Hadès », on ne peut non plus s’empêcher d’avouer un sémitisme connu, comme aussi l’opposition « terre et cieux ».

b) Reprenant le nom de Kepha (Céphas) donné a Simon, (ils de Joua. Jésus l’explique et le justifie, en assignant a celui qui le porte un rôle de première importance dans son œuvre. Comme, dés à présent, la

confession de Jésus, fils du Dieu vivant, est le fondement de la foi chrétienne, ainsi Pierre, dans l’avenir, sera la pierre vivante, non pas la pierre d’angle —, Is., xxviii, 16, expression et rôle réservés à Jésus Christ, mais le fondement inébranlable sur lequel reposera l’édifice que le Seigneur va édilier, l’Église. Ce fondement est un rocher » : pas plus que la maison du sage, Matth., vii, 24-25, la communauté messianique ne sera renversée, ’faut qu’elle devra demeurer sur la terre, car c’est de l’avenir terrestre qu’il est ici question, les portes de I’Hadès, puissances redoutables de la cité inférieure (mort et enfer), ne prévaudront point contre l’Église fondée sur Pierre. Une lutte s’engagera donc, qui jettera toutes les forces de destruction, tous les éléments de dissolution contre cette Église ; mais. grâce à la solidité de son assise, elle ne sera point détruite.

c) Et c’est Pierre encore qui aura la garde des portes de la cité d’en-haut, le royaume des cieux. Autre image de couleur sémitique. » Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David, et s’il ouvre, nul ne fermera, et s’il ferme, nul n’ouvrira », a-t-il été dit du’Messie. Is., xxii, 22. Ainsi en sera-t-il du chef des apô| très, il aura sur l’Église pleine autorité. Liant ou déliant, il est assuré que ses ordonnances, défenses ou permissions seront eflicaces, ratifiées par Dieu même. Car « lier et délier signifient en langage rabbinique défendre et permettre et se disent des décisions formulées par les docteurs dans l’interprétation de la Loi. Ainsi, l’école de Hillcl déliait beaucoup de choses que celle de Schammaï liait. » A. Loisy, Évang. synopt., t. ii, p. 12. Voilà bien la primauté.

d) Sans doute, le Christ est la « pierre angulaire, Matth., xxi, 42-45 ; cf. Act., iv, 11 ; I Petr., ii, 7 : Rom., ix, 33, objet de scandale pour les Juifs ; ils l’ont rejetée, pour leur propre ruine. Sans doute encore, nous devons bâtir sur Jésus-Christ comme fondement et ne point nous appuyer sur des intérêts humains. I Cor., iii, 11. Il est vrai aussi, par ailleurs, que le Christ est pour nous un rocher spirituel, d’où jaillit l’eau vive qui garantit la vie éternelle. I Cor., x, 4 : cf. Joa., iv, 14. Mais dans ces métaphores diverses l’analogie est seulement verbale avec celle qui nous occupe ; ces textes ne peuvent être invoqués contre la primauté de Pierre. Et, de même, si certains Pères ont insisté sur la foi de l’apôtre, qui est un roc solide, ils la comprenaient concrète et inséparable de la personne : loin de songer à nier la promesse de primauté que-Pierre avait reçue en retour, ils l’ont, au contraire, surabondamment affirmée en maintes occasions.

e) Sans doute, enfin, le I er évangile, quelques pages plus loin, xviii, 18, contient un autre texte qui, dans une formule à peu près identique, confère au collège apostolique tout entier la puissance efficace et plénière de « lier et délier ». N’oublions pas toutefois que ce second logion, de l’avis des critiques, concerne le collège apostolique uniquement, et non pas l’ensemble des fidèles de l’Église universelle. Rappelons-nous de même que, pour ces critiques, ce texte du c. xviii n’est pas plus recevable que celui du c. xvi, ne pouvant non plus, selon eux, correspondre à la véritable et historique pensée de Jésus. Quoi qu’il en soit, et sans nous attarder ici à des démonstrations ou à des réfutations qui ont été faites ailleurs, voir art. Apôtres, Évêques, Église, bornons-nous à déclarer, à rencontre des affirmations intéressées ou convaincues de quelques auteurs. Réville, Origines de l’épiscopat. p. 37-38 ; Guignebert. Manuel d’hist. anc. du christianisme, p. 230 : Modernisme, p. 90, que l’incompatibilité qu’ils décou-