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    1. PRIÈRE##


PRIÈRE. EFFICACITÉ

condition est renfermée dans la première, parce qu’on ne peut avoir la charité qu’avec la grâce sanctifiante. On voil par là que saint Thomas ne parle que du mérite de condigno.

l’ourlant, si le mérite a pour objet principal la béatitude et si, par conséquent, ce que nous méritons par la prière qui procède de la charité, c’est un accroissement de béatitude, on peut cependant par la prière, comme d’ailleurs par les autres bonnes œuvres qu’on accomplit, « mériter » autre chose que la béatitude, mériter par exemple que Dieu nous accorde tout ce que nous lui demandons dans la prière, à condition du moins que cela soit utile à la béatitude et concerne le salut. Ici encore, puisque saint Thomas assimile la prière aux autres bonnes œuvres, c’est-à-dire sans doute à celles que nous accomplissons en état de grâce, il n’est encore question que du mérite de condigno.

Suarcz, op. cit., n. I, estime que l’état de grâce n’est pas nécessaire pour que notre prière, pnsitis ponendis, puisse nous « mériter », mais cette fois dp congruo, que Dieu nous accorde ce que nous lui demandons : meritum de congruo sufjicere probabile est ut ratione illius Deus petitionem compleal. Et il ramène au mérite de congruo la « causalité dispositive » que l’on attribue à la prière et qui peut exister même en ceux qui n’ont pas encore recouvré l’état de grâce. Cf. supra, col. 222, la mention que nous avons faite de cette « causalité dispositive » attribuée à la prière.

Il VALEUR SATISFACTOIRE DE LA PRIÈRE

Cf. saint Thomas. In I V" » Sent, dist. XV, q. iv. a. 7 ; II » II- 1’. q. lxxxiii, a. 12 ; Suarez, I. I, c. xxii, n. 7-8.

La question de savoir si la prière possède une valeur satisfactoire intéresse particulièrement les théologiens qui traitent du sacrement de pénitence : ils se demandent si la prière est une de ces œuvres pénibles que l’on peut imposer comme « pénitence », pour l’accomplissement du troisième acte du pénitent, la satisfaction. La réponse affirmative paraît à Suarez certa de fuie, à cause d’un canon du concile de Trente qui range la prière parmi les œuvres pieuses et pénibles par lesquelles on peut donner à Dieu satisfaction pour le péché. Sess. xiv, can. 13, Denz.-Bannw., n. 923. Saint Thomas démontre que la prière possède pleinement les caractères d’une vraie satisfaction pénitentielle. » La satisfaction, en effet, dit-il, a pour but de réparer (récompensai ionern) l’injure faite à Dieu par le péché passé, et de nous préserver, en nous guérissant, d’une faute nouvelle (nous dirions maintenant qu’elle doit être en même temps vindicative et médicinale, cf. Denz.-Bannw., n. 905). Or, la prière possède ces deux propriétés : tout péché, en effet, a son principe et sa racine dans l’orgueil ; dès lors, soumettre humblement son esprit à Dieu dans la prière, c’est tout à la fois réparer l’offense que nous avons faite à Dieu par notre orgueil passé et couper court à une faute nouvelle en en retranchant la racine. La prière possède donc bien les qualités nécessaires à l’œuvre satisfactoire. A vrai dire, il n’était pas indispensable de prendre ce détour pour démontrer que la prière possède une valeur satisfactoire : il suffisait de prouver que la prière est une œuvre pénible ; c’est ce que saint Thomas établit dans l’ad l u ". aussi bien pour la prière mentale que pour la prière vocale. Celle-ci » nécessite’un travail, un effort extérieur, et donc comporte une certaine peine » ; celle-là, « en dépit de la joie qu’elle procure, n’est pas non plus exemple de peine : élever son espril est chose affligeante pour la chair, et celle affliction retentit sur l’âme qui lui est unie » ; cf. Meit nessicr, op. cit., p. 275.

/// VA LEUR ISIPÉTRA TOIRE PL’LA PRIÈRE. — 1° Dis tinctiondel’impétrationet <lu mérite. Cf. saint Thomas, III l. q. lxxxiii, a. 15 ; In I Y" ".s’enL, dist. XV, q. iv, a. 7, qu. 3 ; Suarez, I. I, c. xxiii. n. 1-2 : c. xxvii. n. I.

Entre le mérite et l’impétration. ou mieux entn procurer une chose en la méritant et l’obtenir par le seul fail qu’on la demande convenablement, » il y -a cette différence, dit saint Thomas, lu /V u " Sent., toc. cit., que le mérite comporte un rapport de justice- ; c’est la justice, en effet, qui demande que le mérite soit rétribué par la récompense : tandis que l’impétration comporte un rapport « le boulé et de libéralité d part du donateur ; en sorte que le mérite possède par lui-même ce qu’il faut pour parvenir à la recompi tandis que la prière, abstraction faite de sa valeur méritoire, ne possède pas par elle-même de valeur impétratoire : cette valeur fin vient d’une libre disposition ou de la libéralité de celui qui l’exauce, et idei meritum ex seipso habit unde perueniatur ad præmium, sed oratio impetrarc volentis non Iiabet ex seipsa unde impetret, sed ex proposito net liberulitale dantis » ; c’est-à-dire que, si Dieu exauce nos prières, cela tient a et qu’il a décidé, décrété librement qu’il les exaucerait, ou bien à ce que sa libéralité est telle que toute prière bien faite est immanquablement exaucée. On pourra donc prouver de deux manières que la prière possède une valeur impétratoire : à priori, étant donnée la libéralité divine, et c’est ce que fait saint Thomas dans le (’.ont. uent., t. III, c. xc.v ; ou à posteriori, en recherchant dans l’Écriture sainte si Dieu nous a fait connaître son intention, sa détermination d’exaucer les prières qui lui seraient adressées ; en d’autres termes, s’il s’est engagé à, s’il nous a promis d’exaucer nos prières ; on pourra d’ailleurs découvrir cette intention dans le seul fait que Dieu nous aura engagés à prier, selon la remarque de saint Augustin : non nos hortaretur ut peteremus, nisi dare vellet ; cf. II a -II-<% toc. cit.

2° La prière possède une valeur impétratoire, elle est immanquablement exaucée, lorsqu’elle est faite dans certaines conditions. — Cette thèse est déclarée de foi par Yermeersch, op. cit., p. 14 : fide certa est in/allibilis efjicacia orationis quæ debitis stipata fuerit condicionibus, tant les textes de l’Kcriture sont clairs à ce sujet. Il cite le Petite et dabitur vobis, Matth., vii, 7 ; le Omnia quæcumque petieritis in oratione credentes, accipietis. Matth., xxi, 22 ; le texte de I Joa., v, 15 : scimus quia audit nos quicquid petierimus, scimus quoniam habemus petiliones quas postulamus ab eo, ibid., p. 19. Le Catéchisme romain, part. IV, c. ii, n. 3, s’exprime ainsi à ce sujet : « Il n’esl pas douteux que Dieu ne reçoive notre prière et qu’il ne l’exauce dans sa bonté : l’Écriture en fournit la preuve en une foule d’endroits qu’il est facile à tout le monde de consulter… » ; puis il en appelle à l’expérience : Les exemples de ceux qui ont obtenu de Dieu ce qu’ils lui demandaient par la prière sont trop nombreux et trop connus pour qu’il soit nécessaire de les rapporter. > Cela pose un problème, et même deux : l’expérience peut-elle être appelée en preuve ou en confirmatur de la thèse qui statue que toute prière bien faite est infailliblement exaucée î peut-elle même nous garantir que Dieu exauce quelquefois notre prière ?

Non, notre croyance à l’exaucement infaillible de la prière bien faite ne repose pas sur l’expérience, mais sur la révélation. La preuve en est que l’expérience paraît démentir la thèse et qu’il faut expliquer les échecs apparents de bien des prières : le Catéchismi romain en fail lui-même la remarque : « Il arrive quel quefois que nous n’obtenons pas de Dieu ce que nous lui demandons ; mais alors Dieu veut encore notre bien : ou il nous accorde quelque chose de plus grand et de plus précieux que ce que nous demandions, ou l’objet de notre prière n’était ni nécessaire ni utile, ou peut-être encore il nous serait devenu funeste et pernicieux si Dieu nous l’avait accordé, i Ibid.. n. I. Kn d’autres termes, nous croyons que notre prière est exaucée. même si nous n’obtenons pas ce que nous demandons