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PRIÈRE. QUE PEUT-ON DEMANDER ?


ceux qui font notre béatitude OU qui nous permettent de la mériter ; ces biens-ci, les saints dans leurs prières les demandent sans condition, absolute. Il’II’, loc. cil. Et les autres, par conséquent, ne doivent être demandés que sous condition ; sous condition que, selon la prescience divine, ils ne nous seraient pas plus nuisibles qu’utiles en vint de notre salut.

Et, pour répondre aux objections particulières, spécialemenl à celle qui se tire de la parole de saint Paul, on peut dire que « bien que l’homme ne puisse de lui-même savoir ce qu’il doit demander, cependant l’Esprit, comme l’ajoute l’Apôtre, vieni en aide À notre faiblesse : nous inspirant de saints désirs, il rectifie nos demandes, recle postulare nos facil ». Ibid., ad l, im. Dans les Sentences, ad1 ii, ii, saint Thomas renvoie à l’interprétation de ce texte par saint Augustin : la parole de saint Paul ne concernerait que les prières par lesquelles nous demandons d’être délivrés des tribulations tem porelles, qui le plus souvent nous sont envoyées pour notre profit spirituel ; dans ces circonstances, on peut dire en vérité que nous ne savons pas ce que nous levons demander ; mais habit iiellenient nous savons

bien ce qu’il faut demander, comme nous savons ce qu’il faut désirer : de guibusdam bene scimus quod ea petere oportet, sicut et quod desiderare. D’autre pari, si l’on nous reproche de prétendre faire plier la volonté divine devant la nôtre, au lieu de conformer la nôl re à la sienne, répondons que « quand, dans la prière, nous

demandons ce qui concerne notre salut, nous conformons notre volonté à celle de I lieu, qui veul le salut de tous les hommes ». II » -Il æ, ad’." m.

Il LA DEMANDE DBS BIENS SPIRITUELS. l’.eprc

nanl les termes de saint Thomas, Suarez les définit d’abord : omnia honesta bonaquibus nemopotest maie uti, qu’il s’agisse de la grâce et des vertus surnaturelles et des œuvres qu’elles produisent, ou des vertus morales Requises et de leurs actes ». L. I, c. xvii, n.’' I n peu

plus loin, il ne s’agit plus que de la vie éternelle et de

tous les biens et moyens qui peuvent concourir a son Obtention >. C. XX, n. I. Ou’on puisse et qu’on doive les

demander à Dieu, de hue imita est controversia. Mais

quelques questions se posent pourtant à leur sujet.

i" Peut on les demander « indistincte ci absolute Tous les théologiens enseignent, après saint Thomas, qu’il y a précisément cette différence, entre les biens

spirituels et les temporels, que les premiers peuvent et doivent être demandes sans condition, et les seconds

seulement sous condition. Ibid., n.’_'. Pourtant, la

possession des biens spirituels n’est pas toujours

exempte de dangers : elle peut être l’occasion alieufus gravissimi malt, qnale est præsumptio, superl in. ingrali hulii in Deum vel quidpiamsimile. S..’!. Par conséquent,

il peut y avoir lieu de ne demander certains biens spn i

tuels, ceux qui ne sont pas strictement nécessaires au s.iiui, ceux qu’on peut appeler bona supererogationis et txcellentiæ cujusdam in vitæ sanctitate, n. I. quesous condition, que « si Dieu a prévu que ces biens ne sciaient pas pour nous une occasion de ruine. Encore faut il distinguer, en ce qui concerne ces biens spirituels surérogatoires, ceux qui constituent, pour ainsi « lire, l’essence de la sainteté, et c’est l’abondance de la grâce et de la charité, avec les vertus et les dons qui l’accompagnent ; et, d’autre part, certains biens spirii mis qu’on peut appeler accidentels, parce que la sainteté peut exister sans eux, comme ils peuvent se rencontrer sans elle : tels sont, par exemple, un certain degré de contemplai ion eminente. les v isions ou révéla lions, les douceurs ou suavités spirituelles, dont saint Bonaventure disail qu’elles sont communes aux bons 81 aux méchants ; pour les premiers, on peut les demander sans condition, même sous entendue, parce que, précisément, en demandant une sainteté parfaite, on demande une sainteté accompagnée d’humilité, quia

petendn perfeclam sanctilalem, petimus humilem sanctitatem (ut sic dicam) et solidam virtutem, qu ; v mm elatione esse non potest ; pour les autres, au contraire, on ne peut les demander qu’avec beaucoup de précaution, de prudence et d’humilité, donc pas d’une manière inconditionnelle N. 5.

2 Peut-on les demander absque alla limitatione » ? Ibid.. c. xxi, n. 2. Os biens spirituels, dont nous venons de dire qu’ils constituent l’essence de la sainteté et qu’on peut les demander sans condition, peut-on aussi les demander sans limite ? Si oui, on pourra donc demander d’atteindre a la sainteté des apôtres, et même de la très sainte Vierge, <, und dicere absurdum cv S, / Sinon, on ne peut plus dire qu’il soit permis de demander ces biens sans condition ; quel que soit le degré de sainteté que je demande, il faudra toujours que je SOUSentende : a condit ion qu’il soit conforme aux v lies de la

Providence que je parvienne a m degré de sainti ergo /K, // Ucet sanctilalem absolute petere, maxime in aliquo /le /in Un gradu, sed solum su h eonditione, si id /lient consentaneum divins : voluntati. l’eul -on répondre

a ce dilemme 7 Oui. mais en distinguant les biens spirituels, la sainteté, qui peuvent être obtenus de Dieu secundum legem ordinariam, par les voies ordinaires de

sa providence, et les biens spirituels, la sainteté, dont

l’obtention nécessite une intervention extraordinaire de I)icu : potest peti absolute tota illa perfectio qutt secundum legem ordinariam comparari potest per média prssstituta a Deo, quai sine miraculu conferri si lent i btd.,

n in lai somme, cela rev ient a duc qu’on peut demander a Dieu, d’une manière inconditionnelle. îles biens spirituels, une perfection, une sainteté, sans limites lixes. mais mm vraiment illimités. On ne peut demander, d’une manière Inconditionnelle, d’atteindre a tel ou tel degré’de sainteté, d’obtenir ces faveurs particulières, ces miracles de la grâce, qui mènent a la haute sainteté : Dieu a ses privilégiés, qu’on pelll envier, mais qu’on ne peut demander, sans condition, d’égaler

imn oportet erga ad tuée parlicularia deseendere, mulio que minus ad /lelenda siiii/ularia privilégia, uut exIra/T dinaria dona />cr se non necessaria ad substantialem sanctilatem. Ibid.

III LA DEUA w / : l’i s’// i Est-il

permis de les demander’Cf. saint’rb.nu.is. In l

Sent, dlst. XV, q. iv, a. 4, qu. 2 ; Il II, q. lxxxiii, Suarez, I. I. c. viiii.

i i pourquoi ne le serait ce pas’Saint Thomas en donne plusieurs raisons : i. d’abord, parce que, sel. m

l’Evangile, nous ne devons pas les i..li.it h. i ; or. les

demander, c’est les rechercher ; ’_'. ensuite, parce que,

toujours d’après l’Évangile, nous ne devons pas mais en soucier, nous en mettre en peine ; or. les demander, c’est s’en soucier, s’en mettre en peine :. ; de plus, la

prière n’est elle pas, par définition, uni- élévation divers Dieu ? or. demander des biens temporels,

c’est au ci ni ra ire l’abaisser vers des choses qui sont au dessous d’elle, petendn tem/ OTalia dsi I ndil (mi Us tadea

quæ infra se sunt ; I. enfin, on ne doit demander que

ce qui : ’st bon et utile ; or. les biens terrestres sont parfois nuisibles, aussi bien temporellement que spirituellement .

oila les objections. Voici les autorités.pic saint Thomas apporte en sens contraire : 1. le l’nnen ;

trum quolidianum de l’oraison dominicale, qu’il faut

entendre de la nourriture du corps aussi bien que de celle de l’âme ; 2. le lexte des l’rovci I es. xxx.S : I ri bue tantum rie/ai mat meessana : À celui de saint Bernard : Petendn sunt temporalia quantum nécessitas petit.

I.a solution rationnelle de la question se trouve dans le principe énonce par saint Augustin : On peut demander tout ce que l’on peut désirer. Or. on peut désirer les biens temporels, » non pas sans doute princi/>aliter et à litre de tin dernière, mais comme des