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PRIÈRE. QUE PEUT-ON DEMANDER ?


saillis ; l'Église Me prie dune pas le Christ en tant qu’homme, mais en tant que Dieu, et cela pour éviter

le scandale, pour ne pas paraître ! < prier tanquam ad purum imminent. N. 1<h. Cependant, per se et intrinsece, ou pourrait demander au Christ d’intercéder pour nous, puisque, en réalité, contrairement a l’opinion de certains théologiens, n. l I. le Chris ! continue de prier pour nous dans le eiel. comme il le faisait dans sa vie terrestre, n. 15 ; veriOT sententm est. Mais il faudrait bien prendre garde, si on le faisait, de ne pas tomber dans le ncsloriauisiue, id est non dividende) personas sed mitants. X. 18.

2° L"s âmes du purgatoire ? Cf. saint Thomas, In /V"" Sent., disl. XV, q. iv. a.."), qu. 2 ; II » -I1°, q. lxxxiii, a. 4, ad3um ; a. 11, ad 3 "" ; Suarez, I. I, c. x, n. 2. r)-28.

Suarez constate que la doctrine commune, commuais sententia, enseigne qu’il ne faut pas prier les âmes du purgatoire. Elle s’appuie particulièrement sur l’autorité de saint Thomas, qui en donne les raisons suivantes : 1. D’abord, ce n’est pas l’usage dans l'Église : et idzo eorum sufjràgia non imploramus orando, a. 1, ad 3 '" s’il avait trouvé l’usage établi, il aurait bien su découvrir des raisons pour le légitimer). — 2. fuis, « comme ceux qui so : it en purgatoire ne jouissent pas encore de la vision du Verbe, il n’est pas en leur pouvoir de connaître ce que nous pensons ou disons ». tbid. — 3. « Dieu veut que les êtres inférieurs soient secourus par ceux qui leur sont supérieurs. Or, ceux qui sont en purgatoire, s’ils nous sont supérieurs par leur impeceabilité, nous sont inférieurs par les peines qu’ils endurent », a. 11, ad 4 ura et ad 3 nm ; dans les Sentences, au lieu de l’impeccabilité, c’est leur sécurité qu’il oppose à leur peine, quamvis sinl in majori securitate quam nos, tamen sunt in majori afjlictione ; en outre, ils ne sont plus en état de mériter ; donc « ils ont plus besoin qu’on prie pour eux qu’ils ne sont en état de prier pour les autres ». — 4. « On ne prie pas ceux pour qui l’on prie », non est ejusdem orari et quod pro eo oretur. — 5. « On ne prie les saints qu’en tant qu’ils participent pleinement à la divinité ; mais ils ne participent pleinement à la divinité qu’en tant qu’ils participent à la béatitude ; donc il ne faut prier que ceux qui sont dans la béatitude. » — 6. Enfin, nemo dat quod non habet ; < par conséquent, comme, en priant, c’est toujours en définitive la béatitude que nous demandons, la prière ne peut être adressée qu'à ceux qui possèdent déjà cette béatitude ».

Toutes ces raisons, d’inégale valeur, n’ont semblé péremptoires, ni à.Médina, Codex de oratione, q. iv et v, ni à Suarez ; cf. la note de Mennessier, p. 264-267. Celui-ci constate d’abord « la pratique privée des fidèles qui prient fréquemment les âmes du purgatoire », pratique que l'Église n’a pas réprouvée, donc qu’elle tolère, bien qu’elle « ne la confirme pas de sa pratique publique ». Pour la justifier, dit Suarez, deux choses sont suffisantes mais nécessaires : que les âmes du purgatoire puissent prier pour nous et qu’elles puissent connaître les prières que nous leur adressons ; encore la seconde paraît-elle moins nécessaire que la première, car elles pourraient toujours prier, comme nous le faisons nous-mêmes, pour ceux qui se recommandent spécialement à leurs prières, ou pour ceux qui, par leurs suffrages, leur viennent en aide, sans les connaître nommimsnt ; Suarez n’admet pas cependant cette restriction : pour qu’on puisse prier les âmes du purgatoire, il faut, selon lui. qu’elles puissent avoir connaissance de nos prières. Or, pourquoi ne pourraient-elles pas prier pour nous '? Xi les peines qu’elles endurent, ni le fait qu’elles sont hors d'état de mériter, ne peuvent les empêcher de prier pour nous ; les raisons invoquées par saint Thomas à ce sujet ne paraissent pas très sérieuses Mais peuvent-elles, et comment,

avoir connaissance de nos prières ? Médina et Suarez estiment qu’il n’est pas incroyable que nos prières leur

soient transmises par le ministère des anges gardiens. Quoi qu’il en soit, conclut Suarez, on ne peut blâmer ceux qui estiment pouvoir recourir aux suffrages des âmes du purgatoire ; d’ailleurs, quand leur épreuve sera terminée, elles auront sans doute connaissance des prières que nous leur aurons adressées durant I temps de leur épreuve, et par conséquent, un jour ou l’autre, notre prière parviendra à destination ; et. comme pour Dieu le temps ne compte pas, c’est au moment même où nous aurons prié les âmes du purgatoire que nous pourrons bénéficier de leurs suffrages ultérieurs. Cf. J.-B. Walz, Die h' tir bitte der armen Seelen und ihre Anrufung durcit dit : Claubigen auf Erden, Bamberg, 1933.


VII. Que peut-on demandes m pour qui ? —

I. LA QUKSTIOX PRÉALABLE : EST-IL PERMIS, EST-IL 1 VANTA QEUX D’ADRESSER.1 DIBO DE8DEMANDES PARTlCULifilŒS ? — Cf. saint Thomas, In IV"" Sent., dist. XV, q. iv, a. 1 ; ID-II ', q. lxxxiii, a. 5 ; Suarez, t. I, c. xvii, n. 1-2.

Au rapport de Valère Maxime, dit saint Thomas, « Socrate pensait qu’on devait se borner à demander aux dieux immortels de nous être bienfaisants : il estimait qu’ils savent ce qui est utile à chacun, tandis que la plupart du temps nous escomptons de nos vœux ce qu’il vaudrait mieux que nous n’obtenions pas. » Wiclef. dit Suarez, devait penser comme Socrate, puisqu’il prétendait qu’il ne fallait pas prier spécialement pour telle ou telle personne en particulier : logiquement cette interdiction entraîne l’autre, puisqu’elles s’appuient sur la même raison. Enfin, Suarez fait encore allusion à des « hérétiques appelés illuminés, qu’on dit avoir aussi partagé ce sentiment : ils déclaraient qu’il ne faut rien demander à Dieu, sinon que sa volonté s’accomplisse, parce que nous ne pouvons désirer que cela et que cela est préférable à tous les biens ».

La raison principale qui semblerait justifier cette interdiction se trouve dans la parole de saint Paul, qui paraît faire écho à celle de Socrate : Quid oremus sicut oportet, nescimus. Rom., viii, 2<>. Si nous ne savons pas ce qu’il nous faut demander, parce que nous ne savons pas si telle ou telle chose ne nous sera pas plus nuisible qu’utile, ne vaut-il pas mieux nous abstenir de formuler à Dieu des demandes particulières ? Si Dieu allait nous exaucer, cela tournerait à notre dam. Et puis. « adresser à quelqu’un une demande déterminée, c’est tenter d’incliner sa volonté à faire ce que nous voulons : or, nous ne devons point tendre à ce que Dieu veuille ce que nous voulons, mais bien à conformer notre volonté à la sienne ». Enfin, celui qui adresse à Dieu des demandes particulières ne paraît pas dans les dispositions de confiance et d’abandon à Dieu recommandées par le psalmiste : Jacla super Dnminum curam tuam. et ipse te cnutrict.

A rencontre : l’autorité décisive en cette matière, c’est la formule de prière que le Seigneur nous a donnée et qui contient des demandes particulières. Aussi, Suarez n’hésite pas à dire que la légitimité de demandes spécifiées est de foi : quod censeo esse de fide, su/Jicienlerque probari ex oratione dominica.

Le principe de solution de toutes les dillicultés soulevées contre cette thèse se trouve dans la distinction entre les choses dont nous pouvons bien ou mal user, comme « les richesses, qui, pour continuer la citation de Valère Maxime, ont été la ruine de bien des gens ; les honneurs, qui en ont perdu un grand nombre ; les règnes dont on voit l’issue souvent misérable ; les alliances splendides qui plus d’une fois bouleversent à fond les familles » ; et les biens dont on ne peut mal user et qui ne peuvent avoir d’issue fâcheuse : ce sont