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PRIÈRE. <MJI PEUT-ON PKI 1.1 : ?


juxla velocilatem orantis. Pour suint Thomas, la durée, comme la fréquence, de la prière facultative doheni être calculées d’après les dispositions de celui qui prie et d’après l’utilité spirituelle qu’on en retire ; la refile ou le principe posé par saint Thomas n’est pas exactement le même dans les Sentences et dans la II-’-II 1’: là, il nous dit : « I) ; uis la prière, il faut tenir compte de la dévotion de celui qui prie, et par conséquent la prière devra se prolonger autant de temps que la dévotion pourra se conserver ; donc, si la dévotion peut se conserver longtemps, la prière doit être diuturna et prolixa ; si, au contraire. la prolixité engendre le dégoût ou l’ennui, il ne faut pas la prolonger. » Dans la IIM I’, la durée de la prière variera d’après le profit spirituel qui en résultera : « Toute chose doit se proportionner à sa fin. I) convient donc que la prière dure aussi longtemps qu’il est utile pour entretenir la ferveur du désir. Lorsqu’elle dépasse cette mesure au point de ne pouvoir se prolonger sans dégoût, il ne faut pas s’y étendre davantage. » Et cette règle si sage, qu’il emprunte à saint Augustin, saint Thomas voudrait qu’on l’appliquât à la prière publique aussi bien qu’à la prière privée : et sicut hoc est atlendendum in oratione singulari per comparationem ad intentionem orantis, ita etiam in oratione communi per comparationem ad populi devotionem. Donc, pas de trop longs offices pour « le peuple », et, a pari, pouvons-nous ajouter, que la longueur du bréviaire soit calculée de telle sorte que le prêtre puisse le réciter avec dévotion et qu’il ne lui soit pas trop à charge : la qualité vaut mieux que la quantité. De la règle posée par saint Thomas, Suarez tire cette conclusion qu’on ne doit pas s’imposer une multitude de prières vocales que, vu ses occupations, on ne pourrait réciter qu’en les expédiant : cavendum est ne tôt multiplicentur vocales oraliones, ut sese quodammodo impediant, quia, consideratis aliis occupationibus, non possunt nisi nimia velocitale expleri.


VI. Qui peut-on prier ? — - I. la prière ne peut-elle s’adresser qu’a dieu ? — Cf. saint Thomas, In IV*™ Sent., dist. XV, q. iv, a. 5 ; dist. XLV, q. iii, a. 1-2 ; Ila-II*, q. lxxxiii, a. 4 ; Suarez, t. I, c. ix-xi.

A première vue, il semblerait bien que la prière ne peut s’adresser qu’à Dieu : « par définition » d’abord, comme dit saint Thomas, puisqu’on définit la prière ascensus intellectus in Deum ; puis, parce qu’elle est un acte de religion ou, ce qui revient au même, de latrie, donc un acte réservé à Dieu ; ensuite. Dieu seul, omniprésent et omniscient, est à même de connaître nos prières, même celles que nous faisons à haute voix ; enfin, même à supposer que les anges et les saints qui sont au ciel puissent nous entendre et intercéder pour nous, quel avantage aurions-nous à recourir à leur intercession ? « Dieu est infiniment plus miséricordieux que n’importe quel saint, et son cœur plus porté à nous exaucer que celui de n’importe quel saint. Il semble donc bien inutile de placer les saints entre Dieu et nous, pour qu’ils intercèdent pour nous. » D’ailleurs, il semble encore inutile de prier les saints pour une autre raison : « Si nous sommes dignes de leur intercession, ils prieront pour nous, même si nous ne le leur demandons pas ; et, si nous n’en sommes pas dignes, ils ne prieront pas pour nous, même si nous le leur demandons. » Suarez, après avoir énuméré tous les hérétiques qui ont contesté la légitimité de la prière adressée aux saints, Vigilantius, les apostoliques, les cathares, les pauvres de Lyon, les vaudois, Wiclef, Luther, etc., c. x, n 1, rapporte toutes les raisons qu’ils lui opposent, n. 2 : il n’en est qu’une que nous n’ayons pas encore mentionnée, celle qui se tire de la parole de saint Faul : Unus enim Deus, unui et mediator Dei et hominum, homo Christus Jésus, I Tim., ii, 5 : " prendre les saints comme médiateurs entre Dieu et nous, c’est faire injure au Christ ». Parmi les erreurs de Nicolas Serru rier, condamnées par Martin Y, dans la bulle Ad hoc prœcipue du G janvier 1120, figure cette proposition : Oralio non débet diriiji nisi ad Deum solummodo, et non ad sanctos. De Guibert, Documenta…, n. 333.

Le concile de Trente, en sa x.w" session, Denz.-Bannw. , n. 981, a défini la doctrine opposée à i erreur : « Le saint concile ordonne, à tous les évêques et à tous ceux qui ont charge d’enseigner, d’instruire avec soin les fidèles de ce qui concerne l’intercession et l’invocation des saints, d’après l’usage reçu dès les premiers temps du christianisme dans l’Église catholique, d’après le sentiment unanime des saints Pères et d’après les décrets des sacrés conciles ; leur enseigne que les saints qui régnent avec le Christ ofïrent à Dieu leurs prières pour les hommes, qu’il est bon et utile de leur adresser des supplications et invocations et de recourir à leurs prières et à leur aide et secours pour obtenir de Dieu ses bienfaits par l’intermédiaire de son Fils, Jésus-Christ, Notre-Seigneur, qui est notre seul rédempteur et sauveur ; et que ceux-là sont animés de sentiments impies : 1. qui disent que les saints qui jouissent dans le ciel de l’éternelle félicité ne doivent pas être invoqués ; 2. ou qui prétendent : a) ou bien qu’ils ne prient pas pour les hommes ; b) ou bien que les invoquer, afin qu’ils prient pour chacun de nous en particulier, est une idolâtrie, ou que cela est contraire à la parole de Dieu et opposé à l’honneur de Jésus-Christ, l’unique médiateur entre Dieu et les hommes ; c) ou bien enfin que c’est une folie d’adresser des supplications vocales ou mentales à des êtres qui régnent dans le ciel. On peut donc commettre à ce sujet cinq hérésies.

La solution du problème se trouve dans la considération de la manière bien différente dont nous prions Dieu et dont nous prions les saints, différence qui fait qu’en réalité le recours à l’intercession des saints n’est pas une véritable prière et qu’en réalité la vraie prière ne s’adresse qu’à Dieu, directement ou indirectement. » Il y a deux manières de présenter sa requête à celui qu’on prie : on peut lui demander d’accomplir lui-même ce qu’on désire, ou bien de nous le faire obtenir. Dans le premier cas, la prière ne peut s’adresser qu’à Dieu… [Je laisse de côté pour l’instant la raison qu’en donne saint Thomas ] C’est l’autre forme de prière que nous adressons aux saints, aux anges et aux hommes. Ce faisant, nous n’attendons pas d’eux qu’ils fassent connaître à Dieu notre requête, mais nous attendons de leur intercession et de leurs mérites qu’elle obtienne son effet… Cette différence (entre la manière dont nous prions Dieu et celle dont nous prions les saints) ressort des expressions mêmes que l’Église emploie dans ses prières officielles : à la sainte Trinité nous demandons d’avoir pitié de nous ; aux saints, quels qu’ils soient, de prier pour nous. » Ila-II®, toc. cil. Aucune prière adressée à un saint, quel qu’il soit, donc pas même à la très sainte Vierge, pour ne pas parler de celles qui s’adressent aux saints anges, ne devrait donc lui demander de nous donner lui-même ce que nous souhaitons, pas même des biens ou avantages temporels, si minimes qu’ils soient, par exemple de retrouver un objet perdu, mais seulement de nous l’obtenir de Dieu, non quasi per ipsum implenda, sed sicut per ipsum impetranda ; cf. Suarez, c. ix, n. t-5. La raison en est que Dieu seul est capable de nous procurer « par lui-même » ce que nous désirons ; car ce per seipsum, explique Suarez. comporte quatre choses : primo, quod propria virtute possil conferre bonum quod postulatur ; secundo, ut in co bono conjerendo, si velit, a nullo pendeat ; tertio, quod a nemine impediri possil ; quarto, ut ipse sua virtute et voluntate possit vcl aujerre impedimenta, vcl disponerc omnia aliunde necessaria ut talis efjectus fiai. S’il se rencontre, dans les prières que l’Église adresse aux saints, des expressions qui pa-