Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/113

Cette page n’a pas encore été corrigée

21 t

    1. PRIÉ HE##


PRIÉ HE. QUALITÉS

.’12

citée, cf. Œuvres, t. iii, p. 89-119, sans compter l’appendice à cette Instruction, p. L32-1 16, où il a rassemblé un grand nombre de textes « sur la question (le la prière continuelle par les bonnes œuvres », pour répondre aux critiques de Suarez ; le P. Grou, L’école de Jésus-Christ, M’leçon. De la prière continuelle, l’entend de « la prière du cœur ». Cf. R. Plus, (’.uniment toujours prier ? Toulouse, 1932.

Si nous ne sommes pas obligés de toujours prier, c’est-à-dire de consacrer tous nos loisirs à la prière, il n’en reste pas moins vrai que les textes scripturaires paraissent bien nous obliger à prier souvent, fréquemment. Mais peut-on préciser davantage quelle doit être la fréquence de la prière ? Est il obligatoire de prier eliaque jour, ou même trois fois par jour, comme le voulait Origène ? Cf. son traité De la prière, trad. Bardy, t. xii, 2e part., p. 62. Pour répondre à cette question, n’oublions pas que nous ne parlons ici que de la prière de demande, qui n’est obligatoire que dans la mesure où elle est nécessaire, et non des prières d’adoration, d’action de grâces ou de repentir, qui sont obligatoires à d’autres titres. Tous les théologiens sont d’accord avec saint Thomas pour déclarer qu’il est impossible d’apporter des précisions rigoureuses en cette matière : Doctores catlwlici fatentur præceplum hoc, quatenus divinum et naturale est, non afjerre secum certam et claram temporis delerminationem. Suarez, op. cit., t. I, c. xxx, n. 8. Le texte de saint Thomas sur lequel on s’appuie est celui de Y In 1 V am Sent., dist. XV, q. iv, a. 1, sol. 3 : « La prière est obligatoire et determinate et indeterminate. Sont tenus à certaines prières determinate ceux qui sont établis intermédiaires d’office entre Dieu et le peuple… Est tenu de prier indeterminate quiconque est obligé de se procurer des biens spirituels qui ne peuvent lui venir que de Dieu et qu’il ne peut par conséquent se procurer qu’en les lui demandant. » Il semblerait que le motif de l’obligation suffirait à en déterminer l’étendue et les limites : nous serions obligés de prier toutes les fois que nous aurions besoin du secours de Dieu pour repousser une tentation grave ou pour accomplir un devoir grave, mais nous n’y serions obligés que dans ces cas de nécessité. C’est, en effet, l’opinion que Suarez déclare « commune » : Est tertia et communis sententia, quæ hoc tempus determinandum pulat ex necessitale diuini auxilii pro aliquo tempore occurrentis. Ibid., n. 13.

Suarez la trouve insuffisante, particulièrement parce que, selon lui, l’obligation de prier ne repose pas seulement sur le besoin que nous avons du secours de Dieu, mais s’impose, comme nous l’avons vii, col. 209, ex vi solius religionis ; et par conséquent non tantum nbligat quasi per accidens propler necessilatem contingentent et extrinsecam sed habet proprium tempus suæ obligationis, et hoc est quod inquirimus. N. 14. De plus, même en se plaçant au point de vue de l’opinion commune, ce n’est pas seulement en certaines circonstances particulièrement graves que nous avons besoin du secours de Dieu, c’est à tous les instants de la vie : « la vie humaine est une guerre continuelle, et par conséquent constitue un danger continuel, que nous savons ne pouvoir surmonter que par l’assistance et la protection continuelles de Dieu ». N. 15. Donc, ce n’est pas seulement en ces circonstances particulièrement graves que nous sommes obligés de prier, mais en d’autres temps encore. Il ne faut pas seulement demander du secours au moment de la tentation pour n’y pas succomber, il faut encore demander d’être préservé de la tentation. N. 17. On ne peut contester la justesse de ces observations ; il faut donc compléter la règle posée par l’opinion dite commune et dire : il ne suffit pas de prier au moment même où l’on a un besoin plus urgent du secours divin, il faut prier à intervalles réguliers et assez rapprochés pour qu’on puisse encore appeler cette prière une prière

fréquente : obligal ergo oratio swpius ac per se ralione pressentis status. N. 15.

Oui, mais peut-on déterminer d’une manière plus précise quelle doit être la fréquence de la prière ? On est un peu étonné quand, après qu’on les a entendus proclamer si fort la nécessité de la prière, on voit ensuite les théologiens réduire extrêmement les exigences du précepte divin à son sujet : « Je pense, dit Suarez, que la prière est si nécessaire pour mener une vie honnête, ad reditudincm vitse, qu’il ne faudrait pas manquer de prier tous les ans, ni même peut-être tous les mois, ut non sit permittenda ditalio unius anni. nec fartasse unius mensis. » N. l(i. Encore hésitent-ils à déclarer que cette obligation de prier une fois par mois, ou tous les deux mois, soit une obligation grave. Pour le détail des opinions, voir Ballerini-Palmieri, Optu theologicum morale, 3e éd., t. ii, Prati. 1899, p. 237.

Pratiquement, il n’y a pas à se demander si l’on est en règle avec le précepte divin de la prière quand on observe le précepte ecclésiastique de la messe dominicale. C’est ce que faisait déjà remarquer saint Thomas, loc. cit. : « Pour tous les fidèles, l’Église paraît avoir établi un temps déterminé où ils doivent prier, puisque, d’après les canons, ils sont obligés d’assister aux divins offices les jours de fête et de s’y unir d’intention aux ministres qui prient pour eux. » Suarez, ibid., n. 11-12, chipote un peu à ce sujet, mais Jean de Saint-Thomas, loc. cit., p. 77-1, montre bien qu’il n’y a pas lieu de s’arrêter à ses chicanes.


V. Qualités et conditions de la. prière. —

II importe de distinguer la question que nous abordons maintenant de celle que nous nous poserons au sujet de l’efficacité de la prière : plus tard, nous nous demanderons à quelles conditions la prière sera efficace, c’est-à-dire sûre d’être exaucée ; parmi ces conditions figureront certaines des qualités de la prière que nous allons étudier, par exemple la persévérance, mais encore d’autres conditions qui n’ont rien à voir avec les qualités de la prière, par exemple qu’elle soit faite à l’intention de celui qui prie et non au profit du prochain. Ici, il s’agit de savoir quelles qualités doit avoir la prière pour être une vraie prière, une bonne prière, une prière chrétienne, selon les enseignements de l’Écriture et de la tradition catholique.

Ces qualités sont fort diverses et difficiles à classer selon un ordre logique. Saint Thomas, Opusc, v, Expositio orationis dominicæ, en énumère cinq : débet enim esse oratio secura, recta, ordinata, devola et humilis. Le P Grou, L’école de Jésus-Christ, 32e leçon, cinq aussi, mais qui ne coïncident pas tout à fait avec celles de saint Thomas : « Quelle autre prière peut nous inspirer ce divin Esprit qu’une prière attentive, une prière humble et respectueuse, une prière amoureuse, une prière pleine de confiance, une prière persévérante ? En outre, parlant, dans la 33e leçon, des dispositions requises pour bien prier, ce qui n’est guère différent des qualités de la prière, il en signale trois : l’humilité, la simplicité, la docilité. Landriot, dans Y Instruction pastorale de 1864, Œuvres, t. iii, p. 507-594, indique huit « conditions et qualités de la prière » : l’humilité, l’attention, la ferveur, la confiance, la persévérance, qu’elle soit faite au nom de Jésus-Christ, la pureté de vie, la joie. Enfin le Catéchisme romain, part. IV. c. viiviii, veut qu’on apporte à la prière les dispositions suivantes : l’humilité et la reconnaissance de sa misère spirituelle ; la douleur des fautes qu’on a commises, ou du moins une certaine peine de ne pas s’en repentir assez ; une conscience pure de certains péchés et de certaines passions : la foi et l’espérance certaine d’être exaucé ; la conformité à la loi et à la volonté de Dieu ; il faut prier « en esprit et en vérité », ce qui veut dire « de toute l’ardeur et de toute I’alTcction de son cœur » ; il ne faut pas prier comme les païens en multipliant les