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PIE II. LE PONTIFICAT

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de la part des hérétiques. Tous les efforts de Pie II

tendirent à les faire abroger. Il semblait qu’il dût y

ùr facilement, car Georges Podiébrad, élu roi le

2 mais 1 158, avait fait serment, avant d’être couronné, d’abjurer solennellement l’erreur avec tout son peuple. Raynaldi, an. 1 158, n. 24. Mais Georges jouait double jeu : il jura aussi d’observer les privilèges du royaume. puis, durant des années, il dépensa des prodiges d’habileté pour faire croire au pape, d’une part, aux utraquistes, de l’autre, qu’il leur était tout dévoué. En février 1459, il fit prêter secrètement en son nom, par son chancelier, le serment d’obédience au Saint-Siège ; mais, en mai 1461, il proposa aux États de Bohême le maintien des Compactata et de la communion sous les deux espèces. Le pape exigeait, avant de le reconnaître officiellement comme roi, un serment public de fidélité engageant non seulement la personne du souverain, mais le royaume ; et quand l’ambassade de Georges finit par se présenter devant lui, ce fut pour lui demander, après avoir prêté serment, la confirmation des Compactata. Pie II rejeta la demande et justifia son refus par un discours prononcé en consistoire public, le 31 mars 1462. Texte dans Mansi, OraL, t.n, p.93-100. Puis, pour contraindre le roi à tenir les concessions du concile de Bàle pour annulées, il envoya en Bohême Fantin de Valle, jusque-là procureur de Podiébrad à Rome, en le chargeant de divulguer le serment fait jadis en secret par son maître. Son attente fut trompée. Loin de se rallier aux rites catholiques, le roi proclama à la diète de Prague, le 12 août, sa foi à la nécessité de la communion sous les deux espèces, et sa volonté d’y rester fidèle et de la défendre jusqu’à la mort ; puis il fit jeter en prison l’envoyé du pape.

Une intervention de l’empereur obtint bientôt la suspension des censures ecclésiastiques portées contre Podiébrad, pour lequel d’ailleurs le pape ne manquait pas de sympathie personnelle ; mais le roi eut l’insolence d’affirmer de nouveau, à la diète de Brunn, le 8 juillet 1463, ne pas vouloir abandonner les rites concédés par le concile de Bâle. D’autre part, l’hérésie ainsi soutenue faisait des progrès inquiétants. Pie II finit par céder aux instances des provinces catholiques du royaume, et surtout de la ville de Breslau ; il constitua un tribunal où devaient siéger Nicolas de Cuse et le cardinal de Sainte-Sabine ; puis, le 16 juin 1464, en consistoire public, il somma Georges Podiébrad de comparaître à Rome, pour répondre à l’accusation de parjure et d’hérésie. Bulle dans Cugnoni, p. 145-153. Seule la mort du pape arrêta la procédure.

8. Préparation de la croisade.

Depuis le congrès de Mantoue, Pie II n’avait cessé de penser à la guerre sainte. Quand il l’aurait oubliée, tout aurait contribué à lui en rappeler l’urgence. Ce fut d’abord l’ambassade du Syrien.Moïse Giblet, se présentant au nom des trois patriarches grecs et de plusieurs souverains orientaux, pour lui demander du secours, Commentarii, p. 103, puis une autre, plus brillante, conduite par le francistain Ludovic de Bologne, qui lui laissait entrevoir la possibilité d’une action concertée avec les armées de l’erse, de Géorgie, de Trébizonde, etc., contre l’ennemi commun. Commentarii, p. 127 sq. Ensuite, ce fut l’arrivée successive des souverains déchus, fuyant devant les troupes de Mahomet II : Thomas Paléologue, despote de Morée, et la reine de Chypre, Charlotte de Lusignan.

Les princes chrétiens demeurant insensibles à ses appels, le pape songea un instant à l’emploi des moyens pacifiques. Le cardinal de Cuse lui ayant dédié, au cours de l’hiver 1460-1461, sa Cribratio Alchoran, voir Nicolas de Cusa, col. 601, il rêva d’une conversion de Mahomet II qui amènerait son peuple au christianisme, comme Clovis y avait amené ses Francs, et il adressa au sultan une lettre pressante

où se retrouve cette apostrophe empruntée à la Cribratio : Incipe tu accedere, et scquentiir te omîtes sectte illius principes. Texte dans Raynaldi, an. 1461, n. 44112. La lettre n’atteignit pas son destinataire ou demeura sans écho. L’année I 162 fut marquée par la chute de Lesbos ; la suivante par la perte de la Bosnie. Pie II, encouragé par la découverte, providentielle à ses yeux, des mines d’alun de Tolfa qui lui procuraient d’abondantes ressources, prit alors en secret l’héroïque résolution de se mettre lui-même à la tête de la croisade et d’inviter le duc de Bourgogne à le rejoindre, espérant que cet exemple serait contagieux. Commentarii, p. 189-191.

L’activité de ses légats obtint d’abord d’heureux résultats. Par l’entremise de Carvajal, le traité de Wiener-Neustadt, 24 juillet 1463, amena la réconciliation de Frédéric III et de Mathias Corvin. Voigt, Enea Siloio, t. iii, p. 681 sq. Bessarion réussit à décider la république de Venise à déclarer la guerre aux Turcs. Lettres des 26 et 29 juillet et du 28 août, dans Pastor, Gesch. der Papsle, t. ii, append. n. 57 a, 57 b, 58 a ; L. Mohler, Kardinal Bessarion, t. i, p. 310 sq. Assagi par une grave maladie, le duc de Bourgogne se déclara prêt à tenir son serment et à se croiser au printemps de 146 1. Discours de son ambassadeur Guillaume Filastre, évêque de Tournai, le 8 octobre 1463, publié par Sauerland dans Romische Quartalschrift, t. v, 1891, p. 352-363. Déjà Pie II, dans un discours émouvant, avait fait connaître son projet aux cardinaux réunis en consistoire secret le 23 septembre. Texte dans Mansi, Orationes, t. ii, p. 168-179. Il conclut, ainsi que le duc de Bourgogne, une alliance avec Venise, aux termes de laquelle ils s’engageaient à combattre ensemble et à ne pas conclure de paix séparée, 19 octobre. Extraits dans Vast, Le cardinal Bessarion, Paris, 1878, p. 70. La république avait signé, en septembre, un traité analogue avec la Hongrie, en spécifiant que la ligue restait ouverte à tous les souverains. Texte dans Raynaldi, an. 1463, n. 50-51.

La bulle de croisade fut publiée en consistoire public, le 22 octobre. Texte dans Raynaldi, an. 1463, n. 29-40. Des nonces, des prédicateurs, des collecteurs furent envoyés par toute l’Europe. Niccolo Piccolomini fut chargé de gérer les fonds de guerre et le cardinal Forteguerri de commander la flotte. Malheureusement, les susceptibilités, l’intérêt privé, les suspicions entre princes, villes ou nations devaient avoir raison de ce bel élan et entraver une fois encore la grande entreprise. Ni le duc François Sforza, ni le roi Ferdinand de Naples, ni le doge Cristoforo Moro n’acceptèrent de prendre part à l’expédition. Le duc de Bourgogne lui-même se déroba en se faisant donner, par Louis XI, l’ordre d’ajourner son départ à un an. Seules, se mirent en route, des divers pays, des bandes de croisés, souvent dépourvues d’armes et d’argent, sur la puissance offensive desquelles on ne pouvait guère compter.

9. Mort de Pie II.

Fatigué, miné par la maladie, soutenu seulement par Carvajal et quelques autres cardinaux, Pie II n’en persista pas moins dans son dessein : il se croisa à Saint-Pierre, le 18 juin 1 164, et partit après avoir prononcé un dernier discours. Texte dans Anecdota litteraria ex manuscriptis codicibus eruta, Rome, 1772 sq., t. iii, p. 287-296. Il arriva à Aucune, exténué, le 19 juillet. Venise, son dernier espoir, faisait défaut ; manifestement, la république ne s’armait que pour conquérir à son profit le Péloponèsc. Elle finit par envoyer deux vaisseaux ; mais, quand ils parurent, le. Il août, il ne restait presque plus rien des bandes que la peste avait décimées ou que la démoralisation avait dis-persées. Quatre jours plus tard, le 15 août, le pape expirait.

Une plaque de marbre recouvre à Ancône, dans le