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PIE II. LE PONTIFICAT

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Hohenzollern. Quand il arriva à celle de Wonns, le’29, la guerre venait d’être déclarée, d’abord par l’archevêque de Mayence, Diether d’Isenbourg, à l’électeur palatin Frédéric, puis par le Palatin et Louis de Bavière-Landshut au margrave de Brandebourg, Albert-Achille. Quoique, dans l’intervalle, le pape lui eût adjoint le juriste François de Tolède, Bessarion ne lut pas plus heureux à Vienne.’L’empereur lui fit le meilleur accueil, mais la diète, fixée au 30 mars, puis remise au 1 er septembre, en raison du peu d’empressement des princes, ne put s’ouvrir que le 17. Il y avait là treize princes, dix évêques et archevêques, les délégués de trente-quatre villes ; mais tout ce inonde n’était rien moins que favorablement disposé. Le discours d’ouverture du légat, imprudent peut-être dans la forme, souleva des murmures qui se transformèrent vite en protestations explicites : Bessarion aurait parlé comme exécuteur du pape, comme si l’avis de la diète ne comptait pas ; il aurait réclamé du clergé la dîme, avec menace d’excommunication, d’emprisonnement et de privation de bénéfices ; il aurait fait appel au concours des laïcs pour appuyer ses exigences. Le légat se défend, au contraire, d’avoir outrepassé les instructions pontificales et dénonce, comme cause de tout ce tapage, ses bonnes relations avec l’empereur. Rapport du 29 mars 1461, dans Pastor, Gesch. der Pàpste, 4e éd., t. ii, append. n. 44, p. 728-732. Renonçant aux grandes réunions, il reçut les délégations chez lui ; mais excitées en sousmain par Henri Leubing, elles se dérobèrent l’une après l’autre sous des prétextes divers, si bien qu’impatienté, il se laissa aller à les invectiver, même par écrit, et finit par leur refuser audience. Les délégués partirent sans prendre congé (octobre 1460).

Sur les instances du pape, Bessarion passa l’hiver à Vienne, essayant en vain de décider l’électeur Palatin à prendre la tête de la croisade et de réconcilier l’empereur avec la Hongrie, ou caressant des chimères, comme le projet de recruter lui-même une armée de 10 000 hommes pour aller délivrer le Péloponèse. Enfin, malade et découragé, il rentra à Rome le 20 novembre 1461. Ludwig Mohler, Kardinal Bessarion als Theologe, Humanist und Slaalsmann, Paderborn, 1923, p. 294-302.

5. Le conflit tyrolien.

Pendant ce temps, la situation au Tyrol, tendue depuis longtemps, était devenue tragique. L’évêque de Brixen, Nicolas de Cuse, n’avait jamais été parfaitement accepté par ses ouailles. Il était venu dans son diocèse animé des meilleures intentions ; mais son œuvre réformatrice, menée parfois avec plus de zèle que d’habileté, avait indisposé contre lui bien des gens, puis son indépendance affichée à l’égard du duc et les prétentions de plus en plus larges qu’il émettait en matière temporelle avaient excité l’hostilité de Sigismond d’Autriche. De part et d’autre, on avait eu recours à la force, puis on en avait appelé au pape et à l’empereur.

Pie II, qui connaissait de longue date le duc et le cardinal-évêque, espérait les réconcilier sans peine. Malheureusement, Sigismond venait de prendre à son’service un avocat brillant et retors, qui avait joué un grand rôle à l’époque de la neutralité allemande et restait un adversaire irréductible de Rome : Grégoire de Heimbourg. Les pourparlers engagés à Mantoue pendant la diète, puis à Trente, étant restés sans résultat, Nicolas de Cuse menaça de remettre à l’empereur tous les fiefs de l’évêché. Ce fut le signal de la guerre. Assiégé dans la citadelle de Bruneck, l’évêque dut se rendre et souscrire à toutes les revendications territoriales du duc ; mais, à peine rendu à la liberté, il passa en Italie en proclamant la nullité des actes qui lui avaient été dictés par la violence. Sommé de comparaître à Sienne, Sigismond répondit par un appel au

pape mieux informé. Pie II prit en mains l’administration du diocèse de Brixen, et, après une nouvelle sommation, fulmina contre le duc l’excommunication majeure. Bulle du 18 août 1160, dans Dùx, Derdeutsclie Kardinal Nicolas von Cites und die Kirche seiner Zeil, t. ii, Ratisbonne, 1817, p. 470. Sur quoi, Sigismond adressa un manifeste à tous les princes chrétiens et en appela au futur pape ou au futur concile.

L’interdit ayant été proclamé, un blocus économique s’établit autour du Tyrol et les confédérés suisses envahirent la Thurgovie, tandis que le duc faisait occuper militairement l’évêché. Heimb mrg, cité, inonda l’Allemagne et même l’Italie de pamphlets où il se moquait de l’excommunication, proclamait la supériorité de l’assemblée des apôtres sur Pierre et dénonçait dans le pape une source de désunion pour l’Église. Textes dans Freher-Struvius, Rerum germanicarum scriptores, t. ii, p. 221 et 228. Il fut déclaré hérétique, le 1 er avril 1461. Reg. vatic. 1K0, fol. 112. Malgré de nombreuses tentatives de conciliation, la lutte se poursuivit pendant trois ans, et l’affaire ne fut réglée définitivement, par l’intervention de l’empereur, qu’en 1464, quelques jours après la mort de Pie II et du cardinal de Cuse.

6. Le conflit rhénan.

Dans la vallée du Rhin, l’agitation n’était pas moindre. Diether d’Isenbourg, qui s’était fait élire archevêque de Mayence le 18 juin 1459, ayant refusé de comparaître personnellement devant le pape et de payer les annates avant la ratification de son élection, fut excommunié par sentence judiciaire, mais passa outre et prit à son service celui-là même qui venait d’envenimer la querelle tyrolienne au point de lui faire avoir des répercussions dans l’Europe entière. L’ambitieux prélat se mit aussitôt à la tête du mouvement antipapal en Allemagne. Il réunit les princes électeurs à Nuremberg, mars 1461, et publia coup sur coup deux appels au futur concile. Le plus grave était que l’opposition allemande prenait contact avec la française et menaçait de reproduire, en pays germanique, la Pragmatique sanction de Bourges. Déjà les princes sommaient l’empereur de comparaître à la diète de Francfort, fixée au 13 mai, exigeaient la convocation d’un concile, et s’engageaient à l’unanimité à n’entreprendre séparément aucune négociation avec la curie. Heureusement, comme l’écrit Pastor, dans leur bouche « les grands mots d’honneur et de liberté de l’Allemagne » n’étaient « qu’un masque sous lequel ils dissimulaient leurs visées égoïstes ». Gesch. der Papste, t. ii, p. 185. Leur bloc n’allait pas tarder à s’effriter.

Les nonces du pape, François de Tolède et l’habile doyen du chapitre de Worms, Rudolphe de Rudesheim, n’eurent pas de peine, à force d’explications, de promesses ou d’excuses, à détacher de Diether, d’abord l’électeur de Brandebourg, puis celui du Palatinat et l’archevêque de Trêves. L’empereur, de son côté, tenta d’affirmer son autorité et, sur son ordre, Francfort refusa de recevoir l’assemblée projetée. Celle-ci s’ouvrit à Mayence. Heimbourg en fut exclu et les nonces affirmèrent solennellement que Pie II n’avait pas l’intention d’imposer en Allemagne les dîmes décrétées à Mantoue, ce qui acheva la débandade des conjurés. Diether fut déposé par bulle du 21 août et remplacé par Adolphe de Nassau. Mais, bientôt, soutenu par l’électeur palatin auquel il venait d’abandonner la Ber^strasse, il tenta de recouvrer son siège par la force, et la guerre sévit, en dépit de l’interdit et de l’excommunication, pour ne prendre fin que deux ans plus tard, par la soumission de Diether et de Frédéric.

7. L’abrogation des « Compactata ». — En Bohême, les choses tournèrent plus mal. Les Coihpælata d’Iglau conclus entre le concile de Bàle et les utraquistes le 5 juillet 1436, n’avaient été que tolérés par les papes et leur interprétation avait donné lieu à bien des abus