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PIE II. LE PONTIFICAT


Bessarion, la couronne do Hongrie ; et le futur chef des croisés germaniques, Albert de Brandebourg, ne cultivait la faveur du pape que pour affermir plus facilement sa propre situation en Franconie, au détriment des evèques de Bamberg et de Wurzbourg.

Malgré de si maigres succès. Pie II n’en promulgua pas moins la croisade pour une durée de trois années. Il décréta ensuite la levée de taxes sur les revenus : un dixième pour les ecclésiastiques, un trentième pour les laïques, un vingtième pour les juifs ; puis il clôtura le congrès par un discours assez optimiste et partit se reposer à Sienne. Bulle Ecclesiam Christi, 16 janvier 1460, et autres, dans Raynaldi, n. 1 sq. ; discours dans Mansi. Orat., t. ii, p. 78-86. Mais une tâche préalable s’imposait pour rendre possible la réalisation de son grand dessein : celle de rétablir la paix dans la chrétienté.

2. Politique italienne.

A son avènement, Pie II trouvait l’Italie fort troublée et les États de l’Église particulièrement menacés. Piccinino, qui s’était emparé de divers territoires pontificaux, était toujours là, prêt à mettre ses bandes à la disposition du plus offrant ou à les jeter sur ses voisins pour vivre de pillage et de rançons ; Pedro Luis Borgia, gouverneur de Rome, avait pris possession, pour lui-même, de places fortes comme Civita Vecchia et Spolète ; Rimini était entre les mains de l’ambitieux et cruel Sigismond Malatesta ; le prétendant à la couronne de Naples, Ferdinand d’Aragon, occupait les villes de Bénévent et de Terracine, et demeurait hostile au Saint-Siège depuis ses démêlés avec Calixte III ; à Rome même, les Savelli, les Colonna, les Anguillara, toute une noblesse turbulente brûlait du désir de susciter des troubles ou d’en tirer profit.

La politique du pape fut de s’appuyer sur Milan et sur Xaples pour assurer la pacification ou la libération de ses États. Les Sforza étaient tout acquis à ses vues. Il gagna Ferdinand en signant avec lui un traité où il s’engageait à lui donner l’investiture, 17 octobre 1458, dans Raynaldi, n. 20-26, et en le faisant couronner roi par le cardinal Orsini le 3 décembre. Pedro Borgia se laissa acheter ; Piccinino, menacé, jugea prudent de reculer ; la conjuration républicaine de Tiburce et Valérien di Maso fut étouffée ; Jacques Savelli dut capituler dans Palombara ; Sigismond Malatesta, excommunié et déclaré déchu, fut battu par Frédéric d’L’rbin et dut capituler dans Rimini le 25 septembre 1463. Dans l’intervalle, Jean d’Anjou, duc de Calabre, avait fait opérer une descente à l’embouchure du Volturne à l’aide des trirèmes rassemblées à Marseille pour la croisade, et remporté les deux victoires de Sarno et de San Fabriano. Le roi de France soutenait les prétentions de René d’Anjou sur le royaume de Naples. Pie II, sur le point de céder, fut soutenu par le duc de Milan. Ses troupes se joignirent à celles de Ferdinand d’Aragon et d’Alexandre Sforza pour écraser à Troja les armées de Jean de Calabre et de Piccinino, 18 août 1462. Le fils du roi René, peu à peu abandonné de tous, finit par se rembarquer sans espoir de retour.

3. A brogation de la Pragmatique sanction de Bourges.

— Au point de vue ecclésiastique, la France vivait depuis vingt ans sous le régime de la Pragmatique sanction de Bourges. Tous les efforts des papes pour y mettre fin avaient échoué. Plus que tout autre, Pie II déplorait la « lourde servitude » qui en était résultée pour l’Église, vis-à-vis du Parlement et du bon plaisir royal. Commentarii, p. 166. Dès le congrès de Mantoue, il demanda aux ambassadeurs français d’attirer l’attention de Charles VII sur les conséquences « monstrueuses » de la Pragmatique. Il pensait à elle aussi, quoique pas aussi directement que l’a cru Pastor, p. 124, quand, dans la bulle Execrabilis, il interdit, sous peine d’excommunication, tout appel du pape au

DICT. DE THÉOL. CATIIOL.

concile. Mais ni l’Université, ni le Parlement n’étaient prêts à faire bon marché des « libertés de l’Église gallicane » ; et la position déjà prise par Pie II dans l’affaire de la succession de Naples, n’avait pu qu’indisposer le roi contre lui. Rien d’étonnant à ce que Charles VII soit resté sourd à ses invital ions. Noël Valois, Histoire de la Pragmatique sanction de Bourges sous Charles VII, 1906.

Le pape fut plus heureux avec son successeur. Louis XI, très personnel, ne s’embarrassait guère des idées de son père. Pie II s’était adressé à lui alors qu’il était encore dauphin et en avait obtenu, grâce aux intrigues de Jean Jouffroy, évêque d’Arras, une promesse d’abrogation. La promesse fut tenue et, le 24 novembre 1461, le nouveau roi pouvait lui annoncer la suppression de la Pragmatique, « instrument forgé… contre le Saint-Siège » et propre seulement à détruire « tout droit et toute loi ». Lettre dans Opéra, éd. de Bâle, p. 863. Ce fut grande liesse à Rome, à l’annonce de cette nouvelle ; mais il semble bien qu’en prenant une mesure de cette gravité, contre le sentiment du Parlement, de l’Université et d’une notable partie du clergé de France, le roi ait compté sur un changement dans la politique pontificale à l’égard de la maison d’Anjou, et qu’il ait été trompé en cela par son négociateur. Le fait est qu’à l’audience du 16 mars 1462, où fut solennellement proclamée l’abrogation, sa demande relative à Naples fut écartée, et que son acte inouï ne fut récompensé que par l’octroi du chapeau à Jean Jouffroy. Ch. Fierville, Le cardinal Jean Jouffroy et son temps, 1874.

Son irritation fut extrême et son hostilité agissante. On craignit un rétablissement de la Pragmatique ; Louis se contenta de la faire revivre partiellement, au nom des droits de la couronne et de « l’autorité de sa court de Parlement », par de multiples ordonnances « pour la restauration des libertés gallicanes et leur défense contre les empiétements de Rome », 1463 et 1464. J. Combet, Louis XI et le Saint-Siège, 1903.

4. Légation de Bessarion en Allemagne.

Les difficultés rencontrées par Pie II en France ne sont rien auprès de celles qu’il trouva en Allemagne. Il entendait s’appuyer sur l’empereur, qu’il connaissait de longue date ; mais, tandis qu’en France l’unité politique était à peu près réalisée, la division régnait dans le Saint-Empire et l’autorité de Frédéric III était presque partout battue en brèche ou tenue en échec par des princes pour lesquels l’intérêt personnel était la grande loi. Sous des prétextes divers, l’autorité du pape n’était ni moins contestée, ni moins combattue. Déjà, à Mantoue, en entendant les amères récriminations de Grégoire de Meimbourg, Pie II avait eu un écho des dispositions alors dominantes en pays germanique ; il allait bientôt pouvoir en mesurer les conséquences. La première fut l’échec complet de la mission de son légat Bessarion.

A vrai dire, le cardinal de Nicée, ce savant, ce lettré, cet idéaliste, profondément touché des malheurs de sa patrie et pénétré de la nécessité d’une croisade, mais ignorant tout de l’état d’esprit qui régnait en Allemagne et des intrigues qui s’y enchevêtraient, étail mal préparé pour aller présider les diètes dont la tenue avait été décidée à Mantoue. Une bulle du 15 janvier 1160 le chargeait de proclamer la guerre contre les Turcs, de rassembler une armée et de lui choisir un chef, de publier les lettres pontificales décidant la croisade et la levée des dîmes, enfin de traiter toutes questions d’un intérêt général pour la chrétienté. 1 iaynaldi, ad an., n. 18. A la diète de Nuremberg, le 2 mars, son discours invitant les princes à rétablir la paix dai pays et à se croiser ne pouvait que demeurer écho, car toute l’attention était absorbée par l’extrême tension des rapports entre les Wittelsbach et les

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