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    1. PHOTIUS##


PHOTIUS. LES SÉQUELLES DE LA CRISE

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ecclésiastiques. Cette consécration était loin d’être régulière. Etienne avait seize ans ; à la vérité, il n’était pas « néophyte » au sens canonique du mot, ayant reçu tout jeune les ordres inférieurs (il avait été ordonné diacre par Photius lui-même). Son consécrateur, Théophane, était lui-même une créature de Photius.

Quelle allait être, devant ce fait nouveau, l’attitude des ignaciens, c’est-à-dire de ceux qui, n’ayant pas voulu, au concile de 879-880, reconnaître la restauration de Photius et son absolution par l’Église romaine, avaient été exilés ? Sitôt Photius renversé pour la seconde fois, ils avaient reparu à Constantinople et s’agitaient fort, sous la conduite de Stylien de Néocésarée. Tout l’effort de Léon VI serait de les amener à la reconnaissance du nouveau patriarche, ce qui emportait la reconnaissance des ordinations faites par Photius et ses créatures. Là était précisément la difficulté, car, depuis qu’en 858 Photius avait été ordonné par Grégoire Asbestas, ses adversaires avaient tenu pour illicites et nulles (on distinguait à peine entre ces deux concepts) tant l’ordination de Photius que celles qu’il avait conférées depuis. Certaines expressions des lettres pontificales de Nicolas, d’Adrien II étaient bien faites pour les confirmer dans ces vues. Col. 1573 et 1579. Pourtant, il était impossible de persévérer en ces errements. La grande masse de l’épiscopat s’était ralliée au nouveau patriarche Etienne, et une bonne partie des évêques, à la date où nous sommes arrivés, avait été ordonnée par Photius. Pouvait-on tenir compte des répugnances d’un petit groupe d’exaltés, dont les exigences ne pouvaient que compromettre une paix religieuse vainement cherchée depuis si longtemps ?

Parmi les ignaciens, un certain nombre comprirent. Stylien se fit le chef de ceux que nous pouvons appeler les politiques et qui décidèrent de se rallier autour du patriarche Etienne, en acceptant toutes les conséquences que ce geste comportait. Mais un groupe d’ignaciens persista dans son intransigeance. Quelle fut, dans leurs rapports avec Rome, l’attitude des uns et des autres ?

Les politiques et Rome.

A la fin de 886,

Léon VI avait prévenu Rome du remplacement de Photius par le jeune Etienne. Dôlger, n. 513. Dès 887, Stylien se mettait en rapport avec le pape Etienne V, lui demandant la reconnaissance du jeune patriarche et, par le fait même, celle des ordinations de Photius. Lettre’H tou 0soû xaOoXixv) dans les actes du VIIIe concile, IIIe partie, pièce 7, Hardouin, t. v, col. 1121 A ; Mansi, t. xvi, col. 425. Le pape répondit, en 888, par une lettre demandant de plus amples renseignements et l’envoi à Rome de représentants des deux partis (entendons des créatures de Photius et des ignaciens ralliés), Jafïé, n. 3452 ; cette pièce figure à la suite de la précédente dans le dossier du VIIIe concile. Le pape y témoignait de quelque perplexité. Comment Photius était-il descendu de son siège ? De lui-même, comme le basileus le lui avait annoncé, ou bien déposé par les partisans de Stylien ? Sur tout ceci, il aurait voulu être très explicitement renseigné. Il faut croire que la lettre pontificale donna aux ignaciens modérés l’impression que le pape tenait pour canonique la situation de Photius, au moment où il avait été destitué. Leur réplique au pape, en effet, témoigne de leur surprise devant les hésitations de la curie romaine. A leurs yeux, la situation anticanonique de Photius ne faisait point question, et leurs explications tendent à montrer que, depuis le pape Marin, la communion était rompue entre Rome et Photius. Fidèles néanmoins à leur première attitude, ils demandent au pape la reconnaissance des ordinations où Photius a participé. Pièce 9 du dossier. Hardouin, col. 1129 D ; Mansi. col. 437.

Cette lettre ne fut écrite que trois ans après la première adressée par Stylien à Etienne V, donc en 890.

Quand elle arriva à Rome, c’était Formose qui occupait la chaire pontificale (891-896). Celui-ci, adversaire très décidé de la politique de Jean VIII, y répondit, en 892, par la lettre, Jaffé, n. 3178 (à la suite de la précédente dans le dossier conciliaire). Les demandes de Stylien apparaissaient bien contradictoires à Formose ; contre Photius, le pape renouvelait l’excommunication ; quant à ceux qui avaient été consacrés par lui, ils pourraient avoir leur grâce à condition qu’ils fissent, par écrit, une demande de pardon. C’était revenir, en somme au point de vue de Nicolas I effet d’Adrien II, et aux libelti salis/actionis de 869-870. La lettre pontificale annonçait, en même temps, l’envoi à Constantinople d’une légation. Sur ce que fit celle-ci nous n’avons plus aucun renseignement. On peut supposer qu’elle reconnut le patriarche Etienne († 17 mai 893) et son successeur Antoine Cauléas, un très vieil ecclésiastique qui avait encore été ordonné par Ignace lui-même. Quand il mourut, en 895, Antoine fut remplacé par Nicolas le Mystique (voir son article) qui dut être lui aussi reconnu par Rome. Il est vraisemblable que, dans ces années 893 et suivantes, la paix religieuse se fit entre politiques et photiens.. Il y a quelques renseignements là-dessus, mais bien insuffisants, dans la Vila Euthymii, x, 25, éd. citée, p. 34. A quelles conditions se rétablit-elle, les libelli satisfactionis eurent-ils plus de succès qu’en 870, nous ne saurions le dire, faute de documents. Dès ce moment, les archives constantinopolitaines ne fournissent plus rien ; celles de Rome sont plus muettes encore. Le concile « cadavérique » de 897 est la première et terrible manifestation de l’état d’anarchie où s’enfonce quelque temps l’Église romaine, au début du xe siècle.

Les intransigeants et Rome.

Pendant que le

calme se rétablissait peu à peu dans l’ensemble du patriarcat, une petite minorité s’exaltait de plus en plus contre les concessions faites par les politiques. On comparerait volontiers l’attitude de ce parti à celle de la Petite Église en France, sous la Restauration. Bientôt, elle fut aussi hostile à Stylien qu’à Photius lui-même ou à ses partisans ; tous ces gens-là étaient désignés sous le nom deStauropates, c’est-à-dire de renieurs de signatures (ils avaient foulé aux pieds la croix qui leur servait de signature). De son esprit on jugera au mieux par la lecture attentive du factum qui forme l’appendice des actes du VIIIe concile et dont nous avons donné l’analyse, col. 1552 sq. Inlassablement on y répète que, dès le début, l’ordination de Photius était frappée d’invalidité du fait qu’elle avait été conférée par Grégoire Asbestas. De ce chef, toute la série des évêques qui devaient leur ordination à Photius était privée de tout pouvoir ; bientôt même, la suspicion s’étendit aux gens qui, comme Stylien, étaient passés à l’ennemi. Dans ce groupe, en définitive, on ne reconnut ni le patriarche Etienne, ni son successeur Antoine Cauléas, ni le patriarche Nicolas le Mystique.

Le parti prétendait fort bruyamment s’appuyer sur Rome, être le représentant, à Constantinople, des idées romaines. Les diverses réponses données soit par Etienne V, soit par Formose, loin de rabattre ses prétentions, lui donnèrent occasion de multiplier les déclamations. Les réponses des papes avaient soigneusement distingué entre Photius. dont la mémoire était condamnée, et les gens ordonnés par lui dont on reconnaissait l’ordination. On s’obstina, dans le parti, à démontrer que la condamnation de Photius était la déclaration d’invalidité de toutes les consécrations faites par lui.

Stylien semble avoir été plus ou moins entamé par toute cette agitation, du moins s’il faut en croire l’auteur du factum. « Sept ans après qu’il eut reçu de Rome, dit notre pamphlétaire, la lettre recopiée ci-dessus (ce doit être la lettre de Formose de 892), il fut