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PRÉDESTINATION. SA CERTITUDE


(ail eflectum) habet infallibilem certitudinem ; nec tamen causa proxima salutis orclinatur ad eam nccessario, sed contingenter, scilicet libarum arbitrium.

C’est le commentaire de ces paroles de Jésus : « La volonté de celui qui m’a envoyé est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés. » Joa., vi, 33. Mais, comme la causalité divine, loin de supprimer îes causes secondes, les applique à agir, les prières des saints aident les élus dans leur marche vers l’éternité, et nos bonnes œuvres nous méritent la vie éternelle et nous l’obtiendront de fait, si nous ne perdons pas nos mérites et mourons en état de grâce. En ce sens, il est dit : « Assurez par vos bonnes œuvres votre vocation et votre ébetion. » II Petr., i, 10 ; cf. saint Thomas, I a, q. xxiii, a. 8.

Le nombre des’élus est-il certain ? — Dieu connaît infailliblement le nombre de ceux qui seront sauvés et quels sont ceux qui seront sauvés ; autrement, la prédestination ne serait pas certaine. Jésus dit : Ego scio quos elegerim (Joa., xiii, 18), et Paul écrit : Cognovit Dominus qui sunt ejus. II Tim., ii, 19.

2. Certitude subjective. Peut-on avoir sur terre la certitude d’être prédestiné ? — Le concile de Trente, sess. vi, c. xii, répond : Nemo, quamdiu in hac mortalilate vivitur, de arcano divinæ prædestinationis myslerio usque adeo præsumere débet, ut certo statuai, se omnino esse in numéro prædeslinalorum, quasi verum cssel quod juslificalus aul amplius peccare non possil, aul, si peccaverit, cerlam sibi resipiscenliam promittere debeat. Nam, nisi ex speciali revelatione, sciri non potest, quos Deus sibi elegerit. Denzinger, n. 805 sq., cf. n. 82(5. La raison en est que, sans révélation spéciale, on ne peut connaître avec certitude ce qui dépend uniquement de la libre volonté de Dieu. Nul parmi les justes, à moins de révélation spéciale, ne sait s’il persévérera dans les bonnes œuvres et dans la prière. « Nous serons, dit saint Paul, héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ, si tamen compatimur, ut et congloriftcemur, si toutefois nous souffrons avec lui (avec persévérance ) pour être glorifiés avec lui. » Rom., viii, 17.

Y a-t-il pourtant des signes de la prédestination qui donnent une sorte de certitude morale qu’on persévérera ? Les Pères, notamment saint Jean Chrysostome, saint Augustin, saint Grégoire le Grand, saint Bernard et saint Anselme, ont, d’après certaines paroles de l’Écriture, indiqué plusieurs signes de la prédestination, que les théologiens ont souvent énumérés comme il suit : a) une bonne vie ; b) le témoignage d’une conscience pure de fautes graves et prête à la mort plutôt que d’offenser Dieu gravement ; c) la patience dans les adversités pour l’amour de Dieu ; d) le goût de la parole de Dieu ; e) la miséricorde à l’égard des pauvres ; f) l’amour des ennemis ; g) l’humilité ; h) une dévotion spéciale à la sainte Vierge, à qui nous demandons tous les jours de prier pour nous à l’heure de notre mort.

7° Y a-t-il un grand nombre de prédestinés ? — Le nombre des élus est très grand d’après ce qui est dit dans l’Apocalypse, vii, 4 : « J’entendis le nombre de ceux qui avaient été marqués du sceau (des serviteurs de Dieu), cent quarante-quatre mille de toutes les tribus des enfants d’Israël… Après cela, je vis une foule immense que personne ne pouvait compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue. Ils étaient debout devant le trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches et tenant des palmes à la main. »

Le nombre des élus est-il inférieur à celui des réprouvés ? Saint Augustin et saint Thomas le pensent, à cause surtout des paroles de Notre-Seigneur : « Il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. » Matth., XX, 16 ; xxii, 14. « Entrez par la porte étroite ; car la porte large et la voie spacieuse conduisent à la perdition, et nombreux sont ceux qui y passent ; car elle est

étroite la porte, et resserrée la voie qui conduit à la vie, et il en est peu qui la trouvent I » Matth., vii, 14 Saint Thomas a plusieurs fois remarqué que, bien que tout soit ordonné au bien dans l’ensemble de l’univers et dans les différentes espèces, s’il s’agit du genre humain, depuis le péché originel, le mal est plus fréquent, en ce sens que ceux qui suivent les sens et leurs passions sont plus nombreux que ceux qui suivent la droite raison, malum videtur esse ut in pluribus, in génère humano. I a, q. xlix, a. 3, ad 5um ; q. lxiii, a. 9, ad lum ; la-na : ( q. L xxi, a. 2, ad 3°™ ; 7.S’enL, dist. XXXIX, q. ii, a. 2, ad4um ; Contra gentes, ]. III, vi ; De potentia, q. iii, a. 6, ad 5™ ; flema/o, q. i, a. 3, ad 17um ; a. 5, ad 16um. Les élus sont une élite. I a, q. xxiii, a. 7, ad 3um. Saint Thomas tient pourtant (I a, q. lxiii, a. 9) que le nombre des anges sauvés dépasse celui des démons, et il a écrit de même, I Sent., dist. XXXIX, q. ii, a. 2, ad 4um, au sujet des anges : Malum invenitur ul in paucioribus in natura angelica, quia multo plures fuerunt rémanentes quam cadentes et forte eliam plures quam omnes damnandi dsemones et homines. Sed in natura humana bonum videtur esse ul in paucioribus. .. propler corruplionem humanse naturse ex peccato originali… et ex ipsa natura condilionis humanse… in qua perfectiones secundse, quibus diriguntur opéra, non sunt innatse, sed vel acquisilæ vel infusse.

Dans la Somme théologique, I a, q. xxiii, a. 7, ad 3um, on lit : Bonum proporlionalum communi statui naturæ accidil, ut in pluribus, et defectus ab hoc bono, ul in paucioribus. Sed bonum, quod excedil communem stalum naturæ invenitur ul in paucioribus, et defectus ab hoc bono ul in pluribus… Cum igitur bealiludo œterna, in visione Dei consislens, excédât communem stalum naturse et præcipue secundum quod est gralia destituta per corruplionem peccali originalis, pauciores sunt qui salvantur.

Retenons que d’après le texte du Commentaire sur les Sentences, que nous venons de citer avant celui-ci et que celui-ci ne contredit pas, si parmi les élus on compte les anges et les hommes, le nombre des élus est peut-être supérieur à celui des réprouvés.

L’opinion commune des Pères et des anciens théologiens est que, parmi les hommes, ceux qui sont sauvés ne représentent pas le plus grand nombre. On cite en faveur de cette opinion les saints Basile, Jean Chrysostome, Grégoire de Nazianze, Hilaire, Ambroise, Jérôme, Augustin, Léon le Grand, Bernard, Thomas, et, plus près de nous, Molina, Bellarmin, Suarez, Vasquez, Lessius, saint Alphonse. Au siècle dernier, se sont écartés de cette opinion commune le P. Faber en Angleterre, Mgr Bougaud en France, le P. Castelein, S. J., en Belgique.

Ce serait surtout parmi les hommes qui ont précédé la venue de Notre-Seigneur, et parmi ceux qui n’ont pas été évangélisés, que se vérifierait la formule de saint Thomas : Malum videtur esse ut in pluribus in génère humano, bien que Dieu ne commande jamais l’impossible et donne à tous les grâces suffisantes pour l’accomplissement des préceptes manifestés par la conscience. Derzinger, n. 1677.

Au contraire, il semble bien que le plus grand nombre da baptisés comprenant les enfants et les adultes, est sauvé ; nombreux sont les enfants qui meurent en état de grâce avant l’usage de la raison.

On ne saurait dire si le plus grand nombre des adultes baptisés, mais non catholiques, est sauvé ; cf. Hugon, O. P., Dogmalica, 1927, t. i, p. 317. Certains auteurs tiennent comme probable que la majeure partie des adultes catholiques arrivent à la vie éternelle, à cause de l’efficacité de la rédemption et des sacrements ; cf. P. Buonpensiere, O. P., De Deo uno, In I’m, q. xxiii, et Tanquerey, De Deo uno, De prædest., n. H.

En toute cette question si mystérieuse, il est bon