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    1. PRÉDESTINATION##


PRÉDESTINATION. SA CAUSE

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il suit : Igitur non volenlis, neque currentis, sed thiserentis est Dei. ix, 16.

Enfin, il preuve cette dernière assertion par un principe irréfragable, qui est une nouvelle forme du principe de prédilection : Quis prior dedit Mi (Dco) et retribuetur ei ? Quoniam ex ipso et per ipsum et in ipso sunt omnia. xi, 35. C’est toujours le principe suprême invoqué aussi, I Cor., iv, 7 : Quis enim te diseernit ?

Le sens de tous ces textes de saint Paul est confirmé par la réponse qu’il donne, Rom., ix, 19, aux objections qu’il se fait et qui furent reprises plus tard par les pélagiens et semi-pélagiens : « Le potier n’est-il pas maître de son argile, pour faire de la même masse un vase d’honneur et un vase d’ignominie ? Et si Dieu, voulant montrer sa colère (sa justice vengeresse) et faire connaître sa puissance, a supporté avec une grande patience des vases de colère, disposés à la perdition, et s’il a voulu faire connaître aussi les richesses de sa gloire à l’égard des vases de miséricorde qu’il a d’avance préparés pour la gloire, (où est l’injustice ?) ».

Saint Augustin et saint Thomas ont vu dans tous ces textes de saint Paul la gratuité de la prédestination au salut ; en d’autres termes, ils ont vu le motif de celle-ci dans une miséricorde spéciale. Augustin a dit souvent : Si Dieu accorde la persévérance finale à celui-ci, c’est par miséricorde ; s’il ne l’accorde pas à celui-là, c’est par un juste châtiment de fautes, généralement réitérées, qui ont éloigné l’âme de Dieu. Cf. saint Augustin, De præd. sanct., viii, 15 ; saint Thomas, la, q. xxiii, a. 5, ad 3°™ ; Ila-Ilæ q. ii, a. 5, ad l » m. Saint Prosper a énoncé la même idée en ces paroles, conservées par le concile de Quierzy : Quod quidam saloantur, salvantis estdonum ; quod autem quidam pereunt, pereunlium est merilum. Denzinger, n. 318.

On s’explique dès lors que des théologiens comme Tanquerey, Synopsis theologiæ dogmaticæ, t. ii, De Deo uno, 1926, p. 325, écrivent après avoir analysé ce que dit saint Paul de la prédestination : Porro l.a’c omnia nihil aliud sunt nisi ipsissima tkemislarum thesis ; supponunt enim Deus nos eligere ad gloriame beneplacito suo, cmnia bona fluere ex hac eleetione, eliam mérita noslra.

A ces raisons tirées de la sainte Écriture et qui sont le fondement de la doctrine de saint Thomas, I a, q. xxiii, a. 5, sur la cause de Ja prédestination, s’ajoute un argument de raison théologique indiqué par le saint docteur, ibid., a. 4 : Prædeslinalio est pars providenlise. Prui’identia autem, sicut et prudenlia, est ratio in intelleetu existens præcepliva ordinationis aliquorum in pnern. Non autem præcipitur aliquid ordinandum in fmem, nisi præexislente voluntate finis. Unde preedeslinatio aliquorum in salutem œiernam prsesupponit secundum ralionem, quod Deus Morum Délit salutem, ad quod perlinel eleelio et dileetio. I », q. xxiii, a. 5.

En d’autres termes, quiconque agit sagement veut la fin avant les moyens. Or, Dieu agit avec une souveraine sagesse, et la grâce est moyen par rapport à la gloire ou au talent. Donc, Dieu veut d’abord à ses élus la gloire (dileetio et eleelio), puis la grâce pour les y faire parvenir.

Saint Thomas, on le voit, avait nettement exprimé cette raison théologique avant Scot, et en cela Bellarmin et Suarez sont d’accord avec lui.

C’est un des points où l’on voit le mieux que saint Thomas et avec lui les plus grands théologiens ne craignent ni la logique ni le mystère, et c’est la logique même qui les conduits à la transcendance du mystère, objet de la contemplation, très au-dessus du raisonnement.

Ainsi s’éclaire le motif de la prédestination et, en même temps, celui de la réprobation négative, comme l’explique saint Thomas, I », q. XXIII, a. ">, ad 3um :

C’est dans la bonté divine elle-même qu’on peut trouver la raison de la prédestination de certains et de la réprobation des autres. On dit que Dieu a tout fait pour sa bonté, c’est-à-dire pour manifester sa bonté dans les choses. Or, il est nécessaire que la divine bonté, en elle-même une et simple, soit représentée dans les choses sous des /ormes diverses ; car les choses créées ne peuvent atteindre à la simplicité divine. C’est pourquoi la perfection de l’univers exige divers ordres de choses, dont les unes tiennent un haut rang et d’autres un rang infime. Et, afin que la diversité, des degrés se maintienne, Dieu permet que se produisent certains maux, sans lesquels beaucoup de biens supérieurs ne sauraient exister. Considérons donc tout le genre humain comme nous faisons de l’universalité des choses. Parmi les hommes, Dieu a voulu, en certains qu’il prédestine, faire apparaître sa bonté sous la forme de la miséricorde qui pardonne ; et, en d’autres, qu’il réprouve, sous la forme de la justice qui punit. Telle est la raison pour laquelle Dieu choisit certains et réprouve les autres. « C’est cette cause qu’assigne l’Apôtre, Rom., îx, 22, 23, en disant : « Dieu voulant montrer sa colère (c’est-à-dire la vindicte de sa justice) et faire connaître sa puissance, a supporté (c’est-à-dire permis) avec une grande patience des vases de colère, disposés à la perdition, et il a voulu aussi faire connaître les richesses de sa gloire à l’égard des vases de miséricorde qu’il a d’avance préparés pour la gloire. » Et ailleurs, II Tim., ii, 20, le même Apôtre a écrit : « Dans une grande maison, il n’y a pas seulement des vases d’or et d’argent, mais il y en a aussi de bois et de terre ; les uns pour des usages honorables, les autres pour des usages vils. » « Mais pourquoi Dieu choisit-il ceux-ci pour la gloire et pourquoi réprouveil ceux-là ? Il n’y en a pas d’autre raison que la volonté divine. C’est ce qui a fait dire à saint Augustin (Super Joannem, tr. xxvi) : « Pourquoi attire-t-il celui-ci et pourquoi n’attire-t-il pas celui-là ? Garde-toi d’en vouloir juger, si tu ne veux pas te tromper. » Ainsi, dans la nature, on peut donner une raison pour expliquer que la matière première, de soi tout uniforme, soit distribuée en partie sous la forme du feu, en partie sous la forme de la terre créée par Dieu au commencement : c’est afin d’obtenir une diversité d’espèces parmi les choses naturelles. Mais pourquoi telle partie de la matière est-elle sous telle forme, et telle partie sous telle autre ? Il n’y en a de raison que la simple volonté divine, comme de la seule volonté de l’architecte dépend que celle pierre-ci soit en cet endroit du mur et cette autre ailleurs, bien que l’art de la construction exige nécessairement qu’il y ait ici une pierre et une autre là. Et ce n’est point de la part de Dieu une injustice de préparer ainsi à des êtres non inégaux des choses inégales ; ce serait contre la justice si l’effet de la prédestination était conféré au nom d’un droit, au lieu de l’être comme une grâce. Là où l’on donne par grâce, chacun peut à son gré donner ce qu’il veut, plus ou moins, pourvu qu’il ne refuse à personne ce qui lui est dû ; cela sans préjudice de la justice. C’esl ce que dit le père de famille de la parabole : « Prends ce qui te revient et retire-toi… Ne m’est-il pas permis de faire de mon bien ce que je veux. » Matth., xx, 14.

Ce qui est dû à chacun, ce que Dieu ne refuse à personne, c’est la grâce suffisante pour le salut, qui rend réellement possible L’accomplissement « les préceptes. Dieu ne. commande jamais l’impossible. Quant à la grâce efficace, surtout à la grâce de la persévérance finale, c’est par miséricorde qu’il l’accorde ; mais, parmi les adultes, ceux-là seuls en sont privés, qui la refusent par une résistance coupable. Les docteurs de l’Église l’ont souvent remarqué en comparant la mort du bon larron à celle du larron impénitent, qui résista au dernier appel-