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    1. PRÉDESTINATION##


PRÉDESTINATION. SA CAUSE

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chain j’aurai du blé, que je sème ou non, j’en aurai. « N’allons pas nier ce qui est très clair, dit saint Augustin, parce que nous ne comprenons pas ce qui est caché. » De dono pers., xiv, 37. lui réalité, selon la Providence qui porte sur la fin et sur les moyens, sans violenter la liberté, comme le blé ne s’obtient que par la semence, les adultes n’obtiennent la vie éternelle que par les bonnes œuvres. En ce sens, il est dit dans Il l’ctr.. i. H) : « Appliquez-vous par vos bonnes œuvres à affermir votre vocation et votre élection. » Bien que l’élection soit éternelle en Dieu, dans le temps ou dans l’ordre d’exécution, elle s’affermit en nous par nos bonnes œuvres. Il ne faut pas brouiller les perspectives du temps et de l’éternité. Par la prédestination éternelle, la grâce est donnée aux élus, dit saint Augustin, non pas pour qu’ils s’endorment dans la négligence, mais précisément pour qu’ils travaillent à leur salut, datur ut agant, non ut ipsi niliil agant. Telles sont les principales conséquences de la définition et de l’existence de la prédestination.

3° Comment définir à i opposite la réprobation ? — Le terme réprobation s’emploie communément par rapport à une erreur que rejette un jugement de l’intelligence et par rapport à un désordre moral que réprouvent et l’intelligence et l’aversion de la volonté. En ce sens, l’Écriture parle de ceux que Dieu a réprouvés de toute éternité. C’est ainsi que saint Paul écrit, I Cor., ix, 27 : Casligo corpus meum… ne forte, cum aliis prædicaverim, ipse reprobus efjlciar. L’Écriture emploie aussi des termes équivalents, maledktio, Matth., xxv, 41 ; vasa irse et contumeliee, Rom., ix, 22 ; filii gehennæ, Matth., xxiii, 33 ; filii perditionis, Joa., xvii, 12. Le fait que certains sont réprouvés est donc certain d’une certitude de foi.

Saint Thomas l’explique en remarquant qu’il appartient à la Providence universelle de permettre pour le bien général de l’univers la défaillance ou déficience de certaines créatures défectibles, autrement dit le mal physique et le mal moral. C’est ainsi que la Providence permet la mort de la gazelle pour la vie du lion, et le crime des persécuteurs pour la patience héroïque des martyrs. Or, les créatures intellectuelles, défectibles par nature, sont ordonnées à la vie éternelle par la divine Providence. Il appartient donc à celle-ci de permettre, pour un bien supérieur, que certains défaillent et n’atteignent pas cette fin. C’est la réprobation négative, bien distincte de la réprobation positive, qui inflige la peine de la damnation pour le péché d’impénrtence finale. I a, q. xxiii, a. 3.

Rien du reste n’arrive que Dieu de toute éternité ne l’ait voulu, si c’est un bien, ou ne l’ait permis, si c’est un mal. Or, selon la révélation, certains se perdent par leur faute et sont éternellement punis. Cf. Matth., xxv, 41. Cela donc n’arriverait pas si Dieu de toute éternité n’avait permis leur faute, dont il n’est d’ailleurs nullement cause, et s’il n’avait décidé de les en punir.

La réprobation est-elle la simple négation de la prédestination ? Elle comporte en outre la divine permission du péché d’impénitence finale (c’est la réprobation négative) et la volonté divine d’infliger pour cette faute la peine de la damnation (c’est la réprobation positive). Si la réprobation était la simple négation de la prédestination, elle ne serait pas un acte de la Providence et la peine de la damnation ne serait pas infligée par Dieu. Aussi saint Thomas dit-il : Sicul prœdestinatio includil voluntatem con/erendi gratiam et gloriam ; ita reprobatio includil voluntatem permiltendi aliquem cadere in culpum et inferendi damnationis pœnam pro culpa. [ », q. xxiii, a. 3.

Après avoir défini la prédestination et la réprobation, il faut chercher quel en est le motif.

4° Quelle est la cause de la prédestination et de l’élec tion divine par laquelle Dieu a choisi ceux-ci plutôt que ceux-là pour les conduire à la vie éternelle ?

On se rappelle la liberté de l’élection divine, dans l’Ancien Testament : Seth élu et non pas Caïn, puis Noé, Scm de préférence à ses deux frères, Abraham, Isaac de préférence à Ismaël, et finalement Jacob-Israël. Qu’en est-il maintenant pour ce qui est de chacun des élus ?

Nous avons vii, par les définitions de l’Église aux conciles de Cartilage (418) et d’Orange (529) contre les pélagiens et les semi-pélagiens, que cette cause ne saurait être la prévision divine des bonnes œuvres naturelles de certains, ni celle d’un commencement naturel de bonne volonté salutaire (initium salulis), ni celle de la persévérance dans le bien jusqu’à la mort sans grâce spéciale. Denzinger, n. 183.

D’après les mêmes définitions du concile d’Orange (Denzinger, n. 183) et celles du concile de Trente (ibid., n. 806, 826, 832) qui sont relatives à la grâce spéciale delà persévérance finale, il est aussi certain que la prédestination à la gloire ne saurait avoir pour cause la prévision de mérites surnaturels que certains conserveraient sans grâce spéciale jusqu’à la mort :.S’; ' quis dixeril, justificalum vel sine speciali auxilio Dei in accepta juslitia perseverare posse, vel cum eo non posse, A. S. Denzinger, n. 832 ; cf. n. 804 et 806.

Saint Thomas, par ailleurs, montre qu’on ne saurait admettre l’opinion de ceux qui disent : Dieu a élu ceux-ci plutôt que ceux-là parce qu’il a prévu le bon usage qu’ils feraient de la grâce (au moins à l’article de la mort), comme le roi donne un beau cheval à un écuyer parce qu’il prévoit le bon usage qu’il en fera. Saint Thomas remarque : on ne peut admettre cette opinion, car on ne peut distinguer en nos actes salutaires une part de bien qui ne proviendrait pas de la cause première, source de tout bien ; et donc le bon usage de la grâce, dans les élus, est lui-même un effet de la prédestination ; il ne peut donc être sa cause ou son motif. Saint Thomas ajoute même : « Tout ce qui ordonne au salut tel homme qui sera sauvé est en lui effet de la prédestination », et donc même la détermination libre de ses actes salutaires. I a, q. xxiii, a. 5.

Cette réponse de saint Thomas vaut-elle contre l’opinion moliniste qui soutient que la prédestination à la gloire a pour cause la prévision divine de nos mérites ? Nous laissons aux lecteurs le soin d’en juger.

Rappelons que, d’après le principe de prédilection, la cause de la prédestination et de l’élection, par laquelle Dieu a choisi ceux-ci plutôt que ceux-là poulies conduire à la vie éternelle, n’est pas la prévision de leurs mérites, mais c’est la pure miséricorde, comme le disent, avec saint Augustin et saint Thomas, tous les thomistes, les augustiniens, les scotistes, et aussi Bellarmin et Suarez.

Or, le fondement du principe de prédilection n’est pas seulement évident dans l’ordre naturel, mais il est révélé. L’Ancien et le Nouveau Testament nous disent sous les formes les plus variées que, sans exception, tout bien vient de Dieu, de l’amour de Dieu, que nul bien n’existe sans que Dieu par amour l’ait efficacement voulu, que tout ce que Dieu veut efficacement arrive, que nul mal physique ou moral n’arrive et n’arrive ici plutôt que là, sans que Dieu l’ait permis. Ce sont là les principes les plus universels qui dominent toute la question, et qui furent rappelés au début du concile de Thuzey, ci-dessus, col. 2931 et 299. r > : /// cœlo et in terra cmnia quæcumque voluil (Dcus) fecil (Ps. cxxxiv), par exemple la persévérance finale de Pierre plutôt que celle de Judas. Nimi. enim in cœlo vel in terra fil, nisi quod ipse mit propilius facit (si c’est un bien), aut fieri juste permitlit (si c’est un mal).

Cette vérité fondamentale se trouve exprimée en une foule de textes de l’Ancien et du Nouveau Testa-