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    1. PHOTIUS##


PHOTIUS. LE CONCILE DE 879

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au premier moment, Jean VIII aurait reconnu de la façon que nous avons exposée, les décisions du concile. Mais, disent certains historiens — dont Hergenrôther peut être considéré comme le meilleur représentant — le pape, à l’automne de 880 (et donc quelques mois à peine après cette lettre), aurait envoyé à Constantinople Marin, évêque de Cère, qui, en 869, avait joué un rôle considérable au VIIIe concile. Celui-ci aurait eu pour mission d’enquêter sur le récent concile. Mais il aurait été empêché par le basileus de remplir sa mission et, sans procéder contre Photius, serait revenu à Rome, où le pape aurait décidé de prendre contre le patriarche de graves mesures.

Or, cette ambassade de Marin à Constantinople nous paraît ; ainsi qu’au P. Lapôtre, Jean VIII, p. 68 sq., impossible à prouver. Laissons de côté la question des dates où pourrait s’inscrire ce voyage ; l’objection la plus sérieuse que l’on puisse faire à cette hypothèse, c’est qu’elle ne repose que sur une interprétation contestable de la lettre du pape Etienne V à Basile I er, mentionnée ci-dessus, col. 1582. Cette lettre parle, d’après des on-dit, d’ennuis que Marin aurait eus à Constantinople, où il aurait encouru la colère de Basile ; à quelle date ? en quelles circonstances précises ? elle ne le dit pas. L’auteur d’une dissertation insérée dans les collections conciliaires, à partir de l’édition romaine, en tête de ce que l’on avait de renseignements relatifs au concile photien, Hardouin, t. v, col. 1152 C et sq., et qui argumente contre le caractère œcuménique de ce concile, est peut-être le premier à avoir fait l’hypothèse que l’ambassade de Marin, dont parle Etienne V, a eu lieu sous Jean VIII. Après avoir rapporté le propos de ce pape, il ajoute, après une argumentation qui n’est pas limpide : « Il est donc vraisemblable, eôxoç 8s, que Marin était envoyé par Jean comme apocrisiaire, quand il résista au basileus. » Loc. cit., col. 1161 D. La conjecture vaut ce qu’elle vaut. La logique veut que l’on raisonne autrement : nous connaissons un séjour de Marin à Constantinople, durant l’hiver de 869-870 ; c’est à ce séjour certain qu’il faut de préférence rapporter les indications, passablement réticentes, fournies par la lettre d’Etienne V. Mais la logique peut aussi être en défaut.

3. L’anathème prononcé par Jean VIII contre Photius. — Ayant admis la légation de Marin à Contantinople, à l’hiver 880-881, Hergenrôther continue ainsi la reconstitution des événements ; Jean VIII, instruit par Marin de ce qui s’était passé, prononça solennellement l’anathème contre Photius. A l’appui de quoi, Hergenrôther apporte les références suivantes : Mansi, t. xvi, col. 449 A, 452 C ; t. xvii, col. 537 ; t. xviii, col. 101 et 202. Éliminons ces trois dernières ; elles sont hors de cause, il suffit de s’y reporter.

Les deux premières sont empruntées à cette diatribe antiphotienne publiée par Rader en appendice aux actes du VIIIe concile, et dont nous avons donné, ci-dessus, col. 1552 sq., l’économie générale. En rigueur de démonstration, ces deux témoignages ne comptent que pour un, provenant du même auteur qui répète, à deux reprises, le fait. Comme nous l’avons dit, il s’agit pour lui de démontrer la nullité des ordinations dérivant de Photius. Pour atteindre ce résultat, il faut prouver qu’à aucun moment Photius n’a été reconnu par Rome et que chacun des papes successifs, depuis Léon IV ( !) jusqu’à Jean IX (contre les décisions duquel le pamphlétaire écrit) a fait un acte plus ou moins positif contre le patriarche intrus. C’était évident pour Nicolas I effet pour Adrien II ; voici comment l’auteur s’explique sur Jean VIII. « Diacre d’Adrien, Jean avait pleinement approuvé la sentence de’son maître. Devenu son successeur, il anathématisa aussi Photius, quand celui-ci trompa la légation d’Eugène venue par la Bulgarie. Prenant, en effet, l’évangile et montant à

l’ambon, il dit au su de tous : Quiconque ne tient pas’Photius pour légitimement anathématisé, comme « l’ont décidé mes prédécesseurs, Adrien et Nicolas, « qu’il soit lui-même anathème. » Hardouin, t. v, col. 1140 15 ; Mansi, t. xvi, col. 449 A. Continuant sa diatribe, l’auteur entame plus loin le procès de Jean IX. « Quel pape sera assez audacieux pour aller à rencontre de ces décisions et recevoir ce Photius anathématisé partant de pontifes, lui, ses ordinations et les renégats contempteurs de leur signature (stauropates ) ? Est-ce que Photius n’a pas été anathématisé pendant quarante-cinq ans, depuis le pape Léon jusqu’à Formose ?.., et aucun des successeurs de Nicolas ne l’a délié : nul n’en avait le pouvoir, oû8è yàp efyov iÇouatav. Jean (VIII) envoya la légation d’Eugène pour la question bulgare à Ignace (encore vivant) ; mais Photius, mettant la main sur les légats et les ayant tourmentés de diverses manières, les contraignit à se joindre à sa communion, après les avoir trompés tous. Revenus à Rome, ils furent déposés par Jean qui les anathématisa du haut de l’ambon. » IbiJ.. col. 452 C. Et la diatribe continue sur ce ton pendant des pages.

Il est facile de voir que l’auteur de ce factum n’est même pas consistant avec lui-même, puisque, à un moment, il fait prononcer par Jean VIII l’anathème contre Photius, à l’autre contre les légats. Nous ne croyons donc pas manquer aux règles de la critique historique en récusant purement et simplement ce témoin anonyme, passionné, incohérent, unique. A peine est-il besoin d’ajouter que la reconstitution d’Hergenrôther, faisant état de l’hypothétique légation de Marin, dont le pamphlétaire ne parle pas d’ailleurs, et de ce témoignage controuvé, n’a aucun droit à passer pour parole d’évangile ?

Tout ceci, le P. Lapôtre l’avait très bien vu. Voulant néanmoins retenir le « fait de l’ambon », fait dont le pamphlétaire grec a pu mal interpréter le sens, il propose la combinaison suivante : Charles le Gros, qui vient d’être choisi comme empereur, a eu vent des négociations entre Jean VIII et Constantinople ; il en est fort irrité ; une lettre du pape, Jafîé, n. 3321, de la mi-juillet 880 s’efforce de le calmer. Elle n’y parvient pas entièrement ; quand le nouvel empereur vient à Rome chercher la couronne, en février 881, Jean essaie de s’expliquer ; mais ne pouvant entièrement convaincre le souverain, il recourt à la « purgation par serment » et jure que, dans ses rapports avec les Grecs, il n’a pas sacrifié les intérêts de l’empereur. C’est de cet incident que le pamphlétaire grec a tiré son histoire de la condamnation solennelle de Photius.

— Nous préférons pour notre part la pure et simple récusation.

Il nous paraît donc, comme au P. Lapôtre, Jean VIII, p. 63 sq., et comme à Fr. Dvornik, op. cit., p. 317 sq., que Jean VIII n’est jamais revenu sur les décisions d’août 879, entérinées au concile de 879-880. Nous en avons donné comme preuve la manière dont Photius, en des documents postérieurs à la mort de Jean VIII (882), parle de celui-ci. Voir la lettre au métropolite d’Aquilée qui daterait, d’après Lapôtre, des années 882-884 ; cette lettre, de même inspiration que la Mystagogie, fait état, pour confirmer la doctrine de l’unique procession, de l’attitude prise au synode de 879-880 (évidemment à la vie session) par les légats du bienheureux pape Jean, toû èv âyioiç’Iwtxvvo’j Traita. P. G., t. en, col. 820. Sans vouloir forcer le sens des mots grecs, -roù èv ccyloiç, il faut y voir l’expression d’un hommage rendu à la mémoire d.u pape défunt. Cet hommage est beaucoup plus développé dans la Mystagogie, composée après la seconde déchéance ; voir ibid., col. 380. Il s’agit encore d’invoquer le témoignage du pape : « Quant à mon Jean, écrit Photius