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    1. PRÉDESTINATION##


PRÉDESTINATION. DOCTRINE DE L’ÉGLISE

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qu’elle n’exclue pas notre coopération, mais la suscite, selon un mode mystérieux.

Le can. 12e est une formule du principe de prédilection : Taies nos amal Deux, quales futuri sumus ipsius dono, non quales sumus nostro merito. Extrait de la 56e sentence de Prosper. Il suit immédiatement de là : Taies magis amal Deus, quales fuluri sunt meliores ipsius dono. En d’autres termes, nul ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu. En rapportant ce canon, Denzinger, n. 185, renvoie à Y Individus de gralia Dei, ibid., n. 134, où il est dit : Xemo uliunde Deo plæel, nisi ex eo quod ipse donaveril, et donc nu) ne plaît plus à Dieu qu’un autre, sans avoir plus reçu de Dieu. Si, au contraire, la grâce était rendue cflicace ; ’/i aclu secundo par notre consentement, il arriverait que, de deux hommes également aidés, l’un deviendrait meilleur, meilleur sans avoir été plus aimé, plus aidé, meilleur sans avoir plus reçu. Ce n’est pas ce que nous lisons dans le concile d’Orange, ni dans l’Indiculus de gralia, collection des déclarations de l’Église romaine, composée selon toutes vraisemblances par le futur pape saint Léon I er. Ce recueil de déclaration de l’Église est reçu partout vers l’an 500. Voir en particulier, dans cet Indiculus, les n. 131, 133 : Nemo, nisi per Christum libero bene ulitur arbilrio ; n. 134, 135, 137, 141 : Auxilio Dei non aufertur liberum arbilrium, sed liberalur… Agit quippe in nobis, ut, quod vult et velimus et agamus ; n. 142 : Gratiæ Dei operi ac dignalioni nihil penitus substrahendum est. S’il en est ainsi, comment l’acte salutaire, en tant que détermination libre, ne dépendrait-il pas de l’efficacité de la grâce, mais rendrait-il celle-ci efficace de fait ? Le principe de prédilection est encore exprimé sous d’autres formes dans le concile d’Orange ; cf. can. 16 : Nemo ex eo quod videtur habere, glorietur, lanquam non acceperil ; can. 20 (n. Î93) : Mulla Deus facit in homine bona, quæ non facit homo, nulla vero facit Iwmo bona, quæ non Deus præslal ut facial homo. Cet extrait de saint Augustin et de la 312e sentence de Prosper signifie que t oui bien dérive de Dieu, soit comme auteur de la nature, soit comme auteur de la grâce, et donc que nul n’est meilleur, sans avoir plus reçu. C’est aussi le sens du can. 22 : Nemo habet de suo nisi mendacium et peccatum. Si quid autem habet homo verilalis alque juslitise, ab illo fonte est, quem debemus silire in hac eremo, ut ex eo quasi gutlis quibusdam irrorali non depeiamus in via. Cet extrait de saint Augustin, In Joannem, tract, v, 19, parle de Dieu auteur des biens de la nature et des biens de la grâce, comme cela apparaît plus explicitement par le can. 19 ; il ne suit donc pas de là que toutes les œuvres des infidèles sont des péchés ; certaines ont une bonté morale d’ordre naturel, comme payer ses dettes, pourvoir à la vie de ses enfants ; mais même cette bonté naturelle vient de Dieu, auteur de tout bien, et ce n’est pas indépendamment de lui que tel acte naturellement bon se trouve en tel homme plutôt qu’en tel autre, en qui est permis le péché contraire. Tous ces textes du concile d’Orange, extraits des écrits de saint Augustin ou de saint Prosper, montrent que le moins qu’on puisse dire est ce qu’affirme dom H. Leclercq dans une note de sa traduction française de Y Histoire des conciles, de Hefele, t. ii, p. 1102 : « Ce qui paraît fondé incontestablement, c’est l’adoption par l’Église (au concile d’Orange) de la théorie augustinienne dans les principes fondamentaux défendus contre les pélagiens et semi-pélagiens : péché originel, nécessité et gratuité de la grâce, dépendance absolue de Dieu pour tout acte salutaire. »

Il n’est donc pas étonnant que les augustiniens et

les thomistes aient vu dans le sens obvie des termes de

ce concile le principe de prédilection, principe qui

suppose l’efficacité intrinsèque de la grâce. Ils voient

de même ce principe dans les paroles de saint Paul : Deus est qui operatur in vobis velle et per/icere, pro bona voluntate (Phil., ii, 13) ; Quis enim le discernit ? Quid autem habes quod non accepisti ? I Cor., iv, 7.

N’est-ce pas là ce que niaient les semi-pélagiens en disant que Dieu veut sauver également tous les hommes et qu’il n’est pas l’auteur, mais le spectateur, de ce qui discerne le juste de l’impie, et les élus des autres hommes ?

Contre le prédeslinulianisme.

Les déclarations

de l’Église au concile d’Orange expriment un aspect du grand mystère qui nous occupe, l’autre asf ect est exprimé par ce que l’Église a enseigné contre le prédestinatianisme, puis contre le calvinisme, le baïanisme et le jansénisme.

1. Au Ve siècle. — Le prêtre Lucidus, accusé d’avoir enseigné le prédestinatianisme, ou la prédestination au mal, rétracta au concile d’Arles, probablement en 473, l’opinion ainsi formulée (Denzinger, 16e éd., n. 3026) : Quod Christus Dominus Salvalor nosler morlem non pro omnium salute susceperit ; … quod prœscientia Dei hominem violenter impellal ad morlem, vel quod cuiîi Dei pereant voluntate qui pereunt… Item rejicio sententiam ejus qui dicit alios depulatos ad morlem, alios ad vitam pnedestinatos. Lucidus, en se rétractant, affirma eum qui periit, potuisse salvari. Sur la signification de l’affaire, voir l’art. Lucidus, t. ix, col. 1020. Il faudrait se garder d’attribuer une valeur trop grande aux décisions prises contre Lucidus. Elles sont Je fait, on l’a dit, d’un milieu antiaugustinien.

2. Au IXe siècle. — On a vu plus haut (col. 2920 sq.) ce que furent au ixe siècle les décisions des conciles de Quierzy, en 853 (Denzinger, n. 316), de Valence, en 855 (n. 320), de Langres, de Toul et finalement de Thuzey. P. L., t. cxxvi, col. 123.

De ces divers textes, il ressort que : 1° Dieu veut d’une certaine manière sauver tous les hommes ; 2° qu’il n’y a pas de prédestination au mal, mais que Dieu a décrété de toute éternité d’infliger la peine de la damnation, pour le péché prévu d’impénitence finale, péché dont il n’est nullement cause, mais qu’il permet seulement.

Le sens et la portée de ces deux propositions apparaissent par les canons des conciles dont nous venons de parler.

Par le can. 1 de Quierzy est nettement exclue la prédestination au ma) ; pour ce qui est de la prédestination à la vie éternelle, elle apparaît comme une grâce (dépendante, peut-être, de la prescience et donc de la prévision de mérites). Ci-dessus, col. 2920.

Le can. 2 porte : Habemus liberuni arbilrium ad bonum, prævenluni et adjutum gralia, et habemus liberum arbilrium ad malum, desertum gralia. Ces derniers mots montrent que le péché n’arrive pas sans une permission de Dieu qui le laisse justement arriver en tel homme, tandis que, par miséricorde, il soutient tel autre.

Cette vérité apparaît plus encore dans le can. 3 dont l’essentiel est ceci : Deus omnipolens bmnes homines sine excepiione vult salvos fieri, licel non omnes salventur. Quod autem quidam salvantur, salvantis est donum, quod autem quidam pereunt, pereunlium est merilum. Ce canon est extrait des écrits de Prosper. On voit par ce can. 3 de Quierzy que, si la volonté salvifique est universelle, elle n’est pas égale pour tous, comme le voulaient les pélagiens ; elle n’est efficace que par rapport aux élus, et cela en vertu d’un don spécial ; mais il n’y a pas de prédestination au mal. Les deux aspects du mystère sont nettement affirmés, mais leur intime conciliation nous échappe.

Le can. 4 de Quierzy affirme que le Christ est mort pour tous les hommes.