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PHOTIUS. LE CONCILK DE 879


patriarches d’Alexandrie, d’Antioche, de Jérusalem et le métropolite d’Arménie se joignirent à la sentence romaine. — La m c séance fut consacrée à répondre à la lettre que Jean VIII avait adressée à l’épiscopat oriental. Le pape demandait que fût définitivement réglée la question des « néophytes », point de départ de toute l’affaire photienne. —Mais il fallut bien, sur ce point, tenir compte des répugnances de l’Église byzantine ; elle avait ses règles canoniques, Rome avait les siennes : mieux valait que chaque Église conservât pacifiquement ses usages. Sur ce point donc, les légats ne purent obtenir la satisfaction que désirait leur maître. — Ils voulurent y revenir à la iv° séance, sans plus de succès d’ailleurs, de même qu’ils ne purent obtenir grandes précisions sur la question bulgare, où, de toute évidence, les Byzantins refusaient de prendre des engagements définitifs. Mais si, en ces matières, le concile se montrait réservé, il accepta d’enthousiasme les deux capitula pontificaux, contenus dans le Commonitorium et relatifs tant à l’annulation du VIIIe concile qu’à la condamnation des adversaires de Photius. — La Ve séance appliqua à Métrophane de Smyrne, chef de l’opposition ignaciemie, les sanctions prévues ; il fut excommunié par les légats. Un canon disciplinaire généralisa les mesures prises : il fut entendu que les deux sièges de Rome et de Constantinople reconnaîtraient mutuellement la valeur de leurs sentences d’excommunication. Bien qu’il n’ait pas toute la portée que veulent lui donner les annotateurs latins des actes dans les collections conciliaires, le texte n’en laisse pas moins une impression assez fâcheuse ; il faut une lecture attentive pour y découvrir que Rome ne cesse pas de rester le premier siège auquel il est toujours loisible d’appeler. La séance se termina par l’apposition des signatures et la déclaration solennelle du cardinal Pierre, recevant Photius, annulant le concile de 869870, canonisant enfin le VIP concile (IIe de Nicée) sur lequel Rome ne s’était pas encore définitivement prononcée. Voir Nicée (IIe concile de), t. xi, col. 440.

Les deux dernières sessions, à en croire le texte actuel, furent séparées de la ve (26 janvier) par un intervalle de six semaines : elles auraient eu lieu le 3 et le 13 mars. Il n’y a rien d’invraisemblable, quoi qu’on ait prétendu, à ce que Photius ait voulu rouvrir la question du Filioque. Parmi les griefs formulés par lui en 867 contre les innovations latines, l’addition au symbole était le principal. A lire ce que Photius en dit en son encyclique, à voir le feu de son argumentation dans la Myslagogie, il est évident que la question lui tenait particulièrement à cœur. Il pouvait y avoir, en cette affaire, une cause ultérieure de difficultés avec l’Église romaine ; le mieux était de les prévoir et d’en supprimer à l’avance la cause. Il suffisait, en somme, de faire maintenir officiellement par les légats l’attitude qu’avait prise, en 801, le pape Léon III. Celui-ci, on l’a dit, avait refusé net aux envoyés de Charlemagne l’insertion dans le symbole du mot Filioque, et la manifestation ultérieure à laquelle il s’était livré accentuait encore la portée de son refus. Sans doute, son opposition s’expliquait par des motifs tout différents de ceux qui vont désormais inspirer l’Église grecque. Mais il n’est pas impossible que, dans les négociations avec les légats romains qui ont dû précéder la VIe session, Photius ait insisté davantage sur ce qui le rapprochait de Home que sur ce qui l’en séparait. En faisant appel à des événements encore tout récents, il n’était pas malaisé de faire entendre aux légats que l’on ne désirait en somme, à Constantinople, que le maintien du sta’u quo anle. C’est ce que sanctionne, en définitive, la ice du 3 m us, telle que la rapporte le texte grec actuellement connu. Après que le basileus et le patriarche eurent demandé que l’on récitât, sans au : une addition, la formule de Nicée, celle-ci fui

proclamée dans sa forme ancienne, et une décision canonique fut prise contre ceux qui, dans l’avenir, l’altéreraient par addition ou retranchement : les ecclésiastiques seraient déposés, les laïques frappés d’anathème. La séance suivante, tenue le 13 mars, fut consacrée à l’enregistrement de ces résolutions. Les légats romains se félicitèrent hautement de l’heureuse issue du concile, en même temps qu’ils accordèrent à Photius des louanges sur lesquelles renchérit encore l’évêque Procope de Césarée de Cappadoce. Les acclamations accoutumées en l’honneur du pape et du patriarche terminèrent cette séance qui fut la dernière du concile. Le plus touchant accord semblait régner, une fois de plus, entre l’Ancienne et la Nouvelle Rome.

3° Le pape Jean VIII et le concile photien de X7U-880.

— Mais rien n’était fait tant que la signature des légats ne serait pas ratifiée par le pape. Toute la question est de savoir si le pape a cassé ou approuvé la procédure du concile photien. Nous nous sommes, pensons-nous, suffisamment expliqué sur tout ceci à l’art. Jea.n VIII. II reste seulement à présenter quelques considérations accessoires et à donner quelques preuves supplémentaires.

1, Première approbation. — Les légats, porteurs des lettres de Basile et de Photius pour le pape, de Photius pour divers personnages ecclésiastiques, sont à Rome en août 880. Nous n’en sommes pas réduits à des conjectures sur l’attitude que prit alors Jean VIII ; elle s’exprime au mieux dans les deux lettres, Jafîé, n. 3322 et 3323, adressées respectivement à Photius et au basileus. Celle-ci remercie le souverain d’avoir mis fin aux divisions religieuses ; elle exprime aussi la reconnaissance émue du pape pour les secours d’ordre militaire et politique qu’il vient d’envoyer à l’Italie. Pour ce qui est de celle qui est adressée à Photius, nous l’avions jadis qualifiée de « très cordiale » et l’on nous a quelque peu chicané sur cette épithète. A relire ce texte pontifical, il nous est apparu que, si Jean VIII formulait des réserves sur la tournure que certaines affaires avaient prise au concile, l’expression de ses sentiments à l’endroit du patriarche ne témoignait d’aucune irritation. Sans doute, il donne à Photius une petite leçon d’humilité, qui commence assez durement, mais qui se termine par ces paroles :

Igitur laudabilis tua prudentia quæ dicitur immilitatem scire non moleste ferat quod Hcclesise Dei miserationeni jussa est postulare, quin potius se, ut exaltetur, humiliet et fralernum discat erga sui miserentem servare afjectum, quia nos, si tu debitam devotionem et fidelitatis incrementa erga sanctam romanam Ecclesiam et nostram parvitatem observare studuerts, te ut fratrem amplectemur et ut carissimum proximum retinemus. Nam et ea quie pro causa tuæ restitutionis synodali decreto Constantinopoli misericorditer acta sunt recipimus, et si fortasse nostri legati in eadem synodo contra apostolicam præceptionem egerint nos nec recipimus nec judicamus alicujus existere lirmitatis. Texte d’après Mon. Germ. hist., Episl., t. vii, p. 227-228.

Disons au moins que cette lettre est bienveillante ; des actes du concile elle ne détruit rien, sinon ce qui aurait été contraire aux décisions apostoliques : et, à coup sûr, la reconnaissance de Photius acquise dès août 879 ne saurait passer pour telle. Il n’est pas trop difficile d’imaginer ce qui avait pu déplaire au pape à la lecture des procès-verbaux du concile : ni la question des « néophytes » n’avait été tranchée comme il l’avait voulu, ni l’affaire bulgare n’avail reçu une solution définitive ; sans parler de la question du b’Moque, si elle s’est liquidée comme le disent les actes grecs. Sur ces divers points, le pape exprime des réserves ; il ne semble pas en formuler sur la " restitution » de Photius : quæ pro causa tuse reslilùlionis… misericorditer acta sunt recipimus. Tout ceci est d’accord, avec ce qu’on lit dans la lettre au basileus.

2. La légation de Marin à Constantinople.