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    1. PRÉDESTINATION##


PRÉDESTINATION. LES DOCTEURS DU MOYEN AGE

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Documents conciliaires. — Concile de Mayence (Sis), Mansi, Concil., t. xiv, Paris-Leipzig, 1902, col. 913 ; — Concile de Quièrzy (849), ibid., col. 919 ; — Concile de Quierzy (853). ibid., col. 995 ; cf. Denzinger, n. 316-319 ; Cavallera, Thésaurus, n. 861, 1051 ; — Concile do Valence (855), Mansi. t. xv, col. 3-7 ; Denzin^er, n. 320-325 ; C.avalfôia, Thésaurus, n. SG2 ; — Concile de Langres (l.ingonense), t. xv, col..537-538 ; — Concile de Thnzey (Conciliant Tullense, apud Tusiacum), Epist. synodalis, ibid., col. 563-590.

B. Lavaud.

V. LA PRÉDESTINATION D’APRÈS LES DOC-TEURS DU MOYEN AGE. — La question de la prédestination a été étudiée par les docteurs du Moyen Age à la lumière des principes formulés par saint Augustin pour défendre la doctrine de l’Évangile et de saint Paul contre les pélagiens et semi-pélagiens. Plusieurs théologiens, après saint Anselme, se contentent, comme Pierre Lombard, de recueillir les principaux enseignements de saint Augustin en les éclairant les uns par les autres et en rappelant l’erreur prédestinatienne opposée à celle des pélagiens. Un bon nombre cherche aussi à concilier la doctrine de saint Augustin avec ce qu’a écrit saint Jean Damascène sur la volonté salvifique universelle, appelée par lui antécédente.

Pour mieux voir le sens et la portée de ces travaux du Moyen Age, il convient donc de rappeler au début la différence des points de vue de saint Jean Damascène et de saint Augustin. Le Damascène, De ftde orth., t. II, c. xxix, n’a guère considéré la question que du point de vue moral, par rapport à la bonté de Dieu et aux péchés des hommes. Si Dieu est souverainement bon, se demandait-il, d’où vient que tous les hommes ne sont pas sauvés ? Il répondait simplement : cela s’explique parce que plusieurs pèchent et persévèrent dans leur péché : conséquemment Dieu les punit ; mais antécédemment au péché, Dieu veut le salut de tous les hommes, parce qu’il est souverainement bon ; s’il punit après le péché, c’est qu’il est aussi souverainement juste.

Cette réponse de saint Jean Damascène, qui est une réponse de sens commun et de sens chrétien, de nature à être comprise par les fidèles, faisait en quelque sorte abstraction de la toute-puissance divine et de l’efficacité de la grâce. Aussi laissait-elle subsister au point de vue spéculatif bien des difficultés, celles mêmes auxquelles répondait saint Augustin dans sa lutte contre les pélagiens, qui prétendaient, en niant le mystère de la prédestination, que Dieu veut également le salut de tous les hommes, et abusaient ainsi du texte de saint Paul, I Tim., ii, 4.

Sans doute, le Damascène avait bien affirmé au même endroit que « tout bien vient de Dieu » et que le mal n’arrive pas sans être permis par lui. Mais, cependant, après avoir lu sa distinction de la volonté antécédente et de la volonté conséquente, plusieurs se demandaient : Si Dieu est tout-puissant, comment expliquer que sa volonté antécédente du salut de tous les hommes ne s’accomplisse que partiellement ? La volonté divine trouve-t-elle un obstacle insurmontable en la malice de plusieurs ? Et que devient, dans cette conception, le mystère révélé de la prédestination, qui ne permet pas d’affirmer avec les pélagiens que Dieu veut également ou de la même manière le salut de tous ?

Tandis que le Damascène avait insisté sur la volonté sal ilique universelle, saint Augustin, pour corriger les interprétations pélagienne et semi-pélagienne du texte de saint Paul, I Tim., ii, 4 : Deus omnes homines vull sali’os fteri, avait mis l’accent sur le mystère de la prédestination, tout en maintenant que Dieu ne commande jamais l’impossible, et veut rendre ainsi et rend de fait le salut réellement possible à tous ceux qui ont à observer les préceptes.

Les deux aspects extrêmes du mystère se trouvaient

ainsi affirmés, l’effort des théologiens consistait à les bien formuler, de façon que l’un ne soit pas l’exclusion de l’autre. Et tous accordaient que leur intime conciliation est inaccessible, comme celle de l’infinie miséricorde et de l’infinie justice.

I. Saint Anselme, il. Pierre Lombard. III. Alexandre de Haies. IV. Saint Bonaventure. V. Saint Albert le Grand. VI. Saint Thomas. VII. Les premiers thomistes. VIII. Duns Scot. IX. Conclusions.

I. Saint Anselme.

C’est dans son traité De concordia

prœscienliic et prædestinationis nec non gratia-Dei cum libero arbilrio, P. L., t. clviii, col. 507-542, qu’Anselme examine la question de la prédestination. Nous savons par Eadmer, Vila, t. II, n. 71, col. 114, qu’Anselme l’écrivit dans les derniers temps de sa vie.

Comme le titre l’indique, ce traité se divise en trois questions. L’opinion d’Anselme sur les sujets de la première et de la troisième n’a pas lieu d’être étudiée ici. Nous résumerons seulement la marche et le contenu de la q. ii, De concordia prædestinationis cum libero arbilrio, col. 519-521, malheureusement la plus brève du traité.

C. i. Le problème que pose l’accord de la prédestination avec la liberté humaine. Après avoir donné la définition commune de prédestination, l’auteur appuie sur la difficulté de saisir l’accord de celle-ci avec notre libre arbitre. Si Dieu prédestine bons et méchants, plus rien ne reste au libre arbitre, mais tout arrive par nécessité. S’il prédestine seulement les bons, le libre arbitre aurait pour champ d’action tout ce qui est mauvais. Les deux termes semblent donc s’exclure.

C. ii. Après ce début, qui paraît aujourd’hui tout à fait vénérable, saint Anselme recherche en quel sens on peut parler de prédestination non seulement des bons, mais encore des méchants : Deum prædestinare malos, et eorum mala opéra, quando eos et eorum mala opéra non corrigil. Sed bona specialius… quia in illis facit quod sunt et quod bona sunt , in malis autem nonnisi quod sunt essentialiler, non quod mala sunt .

C. m. L’auteur en vient enfin au point précis : comment, dans l’accomplissement ou dans les effets de la prédestination, l’action divine n’intervient-elle pas seule, comment est-elle accompagnée dé la coopération de l’homme, sans que l’un des facteurs supprime l’autre ? Anselme répond surtout par des affirmations. D’abord, non… habet justitiam, qui eam non servat libéra voluntate. Puis, quædam… prædeslinatu non eveniunl ea necessilate quæ preecedit rem et facit, sed ea quæ rem sequitur. Ensuite, le grand point de la doctrine de l’auteur : Dieu, quand il prédestine, ne le fait pas en forçant la volonté humaine ou en lui résistant, mais in sua illam potestate dimiltendo. Et, bien que notre volonté use de son pouvoir, elle ne fait cependant rien que Dieu ne réalise par sa grâce dans les bons, alors que la faute des mauvais doit être imputée à leur seule volonté.

On voit le procédé adopté par saint Anselme : une application, peut-être trop succincte et aussi trop facile, de son exposé antérieur de la prescience divine. Dieu prévoit infailliblement et sans porter atteinte a leur contingence les actions libres futures ; il peut donc prédestiner à ces actions. Les effets de cette prédestination dans le temps pourront être réalisés ou non, si l’on considère leur cause, par notre volonté libre ; ils sont prévus et réglés par Dieu de toute éternité et sont immuables et nécessaires, en vertu (l’une nécessité de conséquence. Dans le troisième et le plus important chapitre de son traité, l’auteur, à côté de la grâce, fait ressortir la nécessité de initie libre coopération.

Anselme ne trouve vraiment aucune idée originale pour tenter de résoudre le probjème. il cherche la solution chez saint Augustin. Cependant, Scot Érigèhe et Gotescale ont déjà interprété l’évêque d’1 lippone, et il