Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/75

Cette page n’a pas encore été corrigée
1585
1586
l’HOTIUS. LA RESTATHATION


velle procédure, le séparer de sa communion. Il voulait cependant recourir à une nouvelle sommation, mais celle-ci péremptoire : que, sans perdre de temps, Ignace fît revenir de Bulgarie ceux qui y avait nt été envoyés par lui et ses subordonnés. Si, dans les trente jours, il n’avait pas fait le nécessaire, il serait excommunié et, s’il persistait, déposé. Même menace était faite aux évêques grecs et au clergé de Bulgarie. On leur signifiait qu’on les tenait pour excommuniés ; s’ils n’avaient déguerpi dans les trente jours, ils devraient se considérer comme suspens. Jaffé, n. 3134.

Or, tout ce grand déploiement de force allait se révéler inutile. Quand, ayant traversé la Bulgarie, les légats romains arrivèrent à Constantinople, à l’été de 878, ils trouvèrent installé sur le siège patriarcal, au lieu d’Ignace, contre qui ils venaient instrumenter, … Photius qui, depuis octobre 877, avait pacifiquement remplacé Ignace décédé.

II. LA RÉINTÉGRATION /<// PBOTIOS. — Pour comprendre tout ceci, il faut remonter un peu en arrière, avant d’expliquer ce que fut, à Constantinople, l’attitude de la légation romaine.

La rentrée en grâce de Photius.

Après le concile

de 869-870. Photius et son parti avaient connu de durs moments. Le patriarche déposé avait été relégué au couvent de Sképé où sa captivité était assez étroite ; pendant ce temps, ses partisans, conformément aux décisions du VIIIe concile, étaient remplacés sur les sièges épiscopaux par des créatures d’Ignace. Il serait intéressant de relever, dans la correspondance de Photius, les nombreuses lettres de cette époque, adressées aux amis des années précédentes, félicitant les uns de leur constance, gourmandant les autres de leur lâcheté, faisant honte à certains de leurs trahisons. Il faut au moins signaler la lettre qui fut envoyée, peut-être en avril 871, à l’empereur Basile, où le condamné se plaint du sort qu’on lui fait et que l’on aggrave à plaisir en le privant de ses papiers et de ses livres. EpisL, ii, 16 et 17, P. G., t. en, col. 765 sq. ; Valettas, n. 218.

Il est peut-être exagéré d’attribuer à cette lettre seule le revirement que l’on remarquera bientôt dans l’esprit du souverain. Quoi qu’il en fût de la manière dont il était arrivé au pouvoir, Basile ne manquait pas d’une certaine noblesse d’esprit. Et puis, il avait le sens du gouvernement. Il voulait, il avait voulu dès son avènement, la pacification religieuse. Cette pacification ne se pourrait obtenir, il l’avait dit aux premiers jours, que par la réconciliation des deux partis qui s’appelaient désormais et pour longtemps les ignaciens et les photiens. Il l’avait dit avant le concile, il l’avait dit pendant, il ne tardera pas à le dire après. A plusieurs reprises, dans sa correspondance avec Rome, postérieure à 870, il était revenu sur cette affaire, d’abord dans une lettre à Adrien II, Dôlger, n. 488 (texte dans Mansi, t. xvi, col. 203), puis dans une lettre à Jean VIII. ibid., n. 496, connue par la réponse de celui-ci, Jaffé, n. 3135 (il est bien difficile de penser, avec Hergenrôther, Photius, t. ii, p. 289, que, dans la lettre impériale à laquelle celle-ci répond, le souverain faisait une allusion voilée au rétablissement déjà effectué de Photius).

Somme toute, le trouble ne faisait que croître, depuis surtout qu’à Rome, en 869, et à Constantinople, en 869-870, on avait déclaré (nulles ou) illicites les ordinations faites par Photius, procédé à des dépositions et à des remplacements. Il fallait en finir, et la pacification ne s’obtiendrait point par des mesures violentes. Ignace était âgé, il pouvait disparaître d’un moment à l’autre. Serait-il impossible, à sa mort, de lui substituer Photius ? Ce serait peut-être le moyen de tout arranger. Que, très explicitement, Basile ait fait toutes ces déductions, on ne saurait l’affirmer ; mais n’y avait-il

pas quelque chose de cela dans le geste par lequel le souverain, en mars 873, faisait venir Photius au Sacré Palais et lui confiait, peu après, l’éducation de ses enfants ? II n’y a guère de fond à faire sur les histoires que raconte Xicétas relativement aux petites manigances par lesquelles Photiivs serait rentré en grâce. Sur ht question de la généalogie de Basile fabriquée par Photius, voir A. A. Vasiliev, L’ascendance de l’empereur Iiasile le Macédonien, dans Vizant. Vremennik, t. xii, 1906, p. 148-165 ; cf. Bury, op. cit., p. 165, n. 4.

A en croire Stylien, Photius aurait dès lors machiné contre Ignace et même troublé les offices de Sainte-Sophie. Pour un peu, les ignaciens de 890 accuseraient le patriarche en retraite d’avoir accéléré la mort, trop lente à venir, du patriarche en exercice. Nous avons dit quel fond il convient de faire sur tous ces ragots, en provenance de milieux particulièrement excités. Il semble, au contraire, que la réconciliation se soit faite entre les deux concurrents de jadis. Ignace, désormais en lutte contre Rome, n’avait pas intérêt à contrecarrer les projets pacificateurs du basileus ; Photius savait attendre. Le 23 octobre 877, le vieux patriarche descendait dans la tombe et, trois jours après, d’ordre du souverain. Photius remontait sur la chaire patriarcale. Il n’eut pas de peine à rallier autour de sa personne la plus grande partie de l’épiscopat grec. On doit se rappeler la difficulté qu’avaient eue, en 870, les évêques du patriarcat à lâcher Photius et à se rallier à Rome. Le souvenir des libelli satisjactionis restait cuisant pour ceux qui, ordonnés par Ignace, mais ralliés à Photius, avaient dû les signer ; les anciennes créatures de Photius acclamaient, cela va de soi, le retour de leur patriarche. Bien entendu, quelques ignaciens, anciens ou récents, ne pouvaient applaudir à ce bouleversement nouveau, ceux-là surtout que le retour des prélats photiens allait faire descendre de leurs sièges. C’est dans les derniers mois de 877 et au début de 878 que se forme définitivement le parti ignacien. C’est de lui seul que proviennent les renseignements que nous avons sur tout ceci. C’est dire avec quelle précaution il les faut accueillir. Mais, quoi qu’il en soit, on avouera que la situation des légats romains à leur arrivée à Constantinople, à l’été de 878, ne manquait pas d’imprévu.

L’attitude des légats romains à Constantinople.


Au dire de Stylien, dans sa lettre au pape Etienne, Hardouin, t. v, col. 1121 sq. ; Mansi, t. xvi, col. 432, les légats auraient, sitôt arrivés, reconnu Photius. En assemblée publique, ils auraient déclaré qu’ils étaient venus pour instrumenter contre Ignace et pour reconnaître l’ancien condamné de 869. Défions-nous de Stylien, dont les accusations sont ici contradictoires. Dans une lettre à Photius envoyée plus tard, Jaffé, n. 3273, Jean VIII fait précisément allusion à une plainte du patriarche restauré, disant que les légats n’avaient pas voulu « communier avec lui >. Et le pape d’expliquer « que ses envoyés n’étaient point blâmables en la circonstance, puisqu’ils n’avaient pas reçu d’instruction sur cette éventualité ». Ii semble donc bien que les légats romains soient restés sur la défensive. Ils ne se sont pas crus autorisés à agir de manière hostile contre le patriarche. Ce qu’ils entendirent à Constantinople leur permettait de conjecturer le sens dans lequel les choses allaient s’arranger. Le mieux était de ne rien compromettre, soit par une reconnaissance prématurée de Photius, soit par une trop grande précipitation à l’anathématiser. Il n’est même pas impossible qu’ils aient suggéré à leur maître qu en somme le meilleur arrangement serait celui qui reconnaîtrait le fait accompli. Tout, à Constantinople, se préparait pour une réconciliation de Photius avec l’Église romaine. Un singulier personnage, Théodore