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    1. PRÉDESTINATION##


PRÉDESTINATION. INTERVENTION DE JEAN SCOT

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un défilé de textes patristiques (Augustin, Fulgence, Isidore). Il explique que, lorsque saint Augustin se sert de l’expression : les méchants sont prédestinés ad inlcrilum, interitus s’entend non du péché mais de la peeeati oindieta. Il s’applique à mettre en lumière l’idée principale de Gotescale dans sa seconde profession, que la prédestination de la peine aux méchants et des méchants à la peine est un acte bon, parce qu’il suit et suppose la prévision du péché. Si Dieu ne prédis tinait au châtiment qu’après l’accomplissement du péché de l’homme, il y aurait en lui changement. Hatramne reste donc fidèle à la doctrine de son ami.

L’entrée en scène de Jean Scot.

Par Charles le

Chauve. Hincmar eut communication des écrits de Prudence et de Hatramne et peut -être de ceux de Loup. Il demanda l’appui de Rhaban, dès avant Pâques 850. Rhaban, vieilli, malade, répondit brièvement, renvoyant à ses précédents écrits, dont il expédiait une copie authentique, parce que Gotescalc, disait-il, les avait altérés. Il se montre sévère pour le moine, s’étonne qu’on l’ait laissé communier. Ces controverses devraient cesser. Rhaban ne semble pas avoir compris exactement ce que disait Prudence et il rejette l’assimilation des deux prédestinations l’une à l’autre, comme si cela impliquait la contrainte au péché, ce que, ni Prudence ni même Gotescale n’avait dit. Cette lettre est d’un homme lassé. Texte dans P. L., t. cxii, col. 1518.

Parmi les auteurs consultés par Hincmar se trouvait Amalaire dont aucun écrit sur la prédestination ne nous est parvenu. D’une bien autre conséquence fut l’intervention du fameux Jean Scot Érigène, qui avait été expressément sollicitée par Hincmar. Jean écrivit en 851 un livre De pnvde.stinalione, P. L., t. cxxii, col. 355-440, qui fit scandale, attira contre l’imprudent auteur tous les traits des défenseurs de Gotescale et compromit les adversaires du moine, soupçonnés dès lors de partager ou de favoriser les erreurs formidables de Scot, tout en se posant contre Gotescale en champions de l’orthodoxie. Voir P. L., t. cxxii, col. 349-356, les pages indignées de Prudence de Troyes et de Florus de Lyon.

Scot procède surtout en dialecticien, selon la quadruple voie SioapeTixr ;. ôp’tTTiy.rj, àrcoSsiXT’-xr), àvaXu-T » oj (divisoria. definiliva, demi nslraliva. resolutiva). Il se réfère pourtant aux Pères de l’Église, et même â saint Paul, pour confirmer de leur autorité ses élucubrations à tendances pélagiennes, naturalistes et panthéistes qu’il a l’audace de présenter comme la vraie foi. Selon lui, la prédestination ou prescience, car c’est tout un (le grec ôpâw et 7tpoopâoj signifiant tout à la fois prævideo, prædi/inio, prædestino), est identique à la Sagesse de Dieu et à Dieu même. Aussi est-elle unique, car rien ne saurait être double en Dieu. Cette unique prédestination est celle des justes. Il ne saurait y avoir une prædeslinatio ad pœnam, car il n’y a en réalité que ce que Dieu fait. Le péché que Dieu ne fait pas n’a pas d’existence réelle. C’est une pure négation, une absence d’être ; de même, la peine du péché se réduit au déplaisir du pécheur qui n’a pu atteindre son but mauvais. Quand les Pères disent que les pécheurs sont prédestinés, c’est par antiphrase, comme notre Seigneur appelle Judas son ami, comme on dit : lucus a non lucendo, et Parcw, quod nulli parcant. Il ajoute à ses 19 chapitres un épilogue en forme de prière où on lit : « Il n’est permis à aucun catholique de croire que la bonté souveraine, principe de tout bien, prédestine personne â aucun mal, et que la vie souveraine, ex qua et in qua et per quani omnia vivunt, prédestine personne à la mort ou à la peine, alors qu’elle ne permet même pas de périr à celui qui se perd lui-même. Aussi, quand j’entends tes prédicateurs, ô bienheureuse Vérité, … dire que tu as pré destiné les impies à la mort et la mort aux impies, j’entends immédiatement, grâce à ta lumière… et je vois que tu as prédestiné, c’csl-à-dire fixé avant les siècles, dans tes lois immuables, le nombre de ceux qui devaient mourir dans leur impiété, laquelle jamais, ni nulle part, tu n’as prédestinée. En d’autres termes, tu as prédestiné. Seigneur, dans ta prescience, qui ne peut ni se tromper, ni changer, le nombre de ceux qui prépareraient la peine et la mort de leur impiété, devant, quant â toi, non les punir en ce que tu as fait, mais les laisser punir en ce que tu n’as pas fait. Telle est ma foi, ô lumière éternelle des âmes, au sujet de ta prédestination qui est toi-même. Et par là, avec tous les fidèles orthodoxes, j’anathématise ceux qui disent qu’il y a deux prédestinations, ou qu’elle est géminée, bipartite ou double. S’il y en a deux, la substance divine n’est plus une. Si elle est géminée, elle n’est plus indivise (individuel). Si elle est bipartite, elle n’est plus simple, mais composée de parties. Si elle est double, elle est compliquée. Que s’il nous est interdit de dire l’unité divine triple, par quelle folie un hérétique ose-t-il la dire double ? Arrachons donc de nos cœurs, jusqu’à la racine, un dogme aussi monstrueux et vénéneux et croyons qu’il n’y a qu’une seule prédestination du Dieu Seigneur, et uniquement pour ce qui existe, mais n’ayant rien à voir avec ce qui n’est pas. » Col. 438-440.

Première réplique à Jean Scol.

Un tel adversaiie

n’était vraiment dangereux que pour ceux dont il voulait servir la cause. Hincmar dut se repentir d’avoir sollicité sa collaboration. Le parti adverse publia aussitôt des réfutations vigoureuses. Wénilon, archevêque de Sens, fit des extraits de chaque chapitre et les envoya à Prudence de Troyes qui composa un grand ouvrage sur la prédestination : De pneeleslinalione eontra Joannem Scotum. P. L., t. cxv, col. 1109-1366.

L’ouvrage fut publié en 852, précédé d’une préface à Wénilon. C’est une discussion serrée non seulement des extraits envoyés par Wénilon, mais de tout l’ouvrage du dialecticien, chapitre par chapitre. Prudence connaissait Scot, mais il le traite sévèrement, l’accusant d’avoir renouvelé les hérésies des pélagiens, d’Origène et des collyriens ( ?) : Pelugianæ venena perjidise, et aliquoties Origenis amentiam, eollijrianorumque hwrelicorum jurioaiteilem. Il use contre lui d’une ironie mordante : Te solum cmnium aeutissimum Galtiæ transmisil Hibernia, ul qua’nullus absque le scire polerat luis erudilionibus oblinucrit. Il l’exhorte à abandonner ses folies et à professer la vraie foi, à quitter son quadrivium de vanité, qui l’entraîne loin ce la vérité jusqu’au blasphème, et à se laisser emporter dans la voie droite par le quadrige de l’humilité qui représente les quatre é angélistes, les vertus cardinales, etc.

Scot est un nouveau Julien d’Éclane et l’on dirait qu’un même esprit l’inspire : Deprehendi quantum divinitus inspiratus potui Pelagii, Civleslii, eorumque sequacis ac defensoris aeerrimi Juliani per omnia seclatorem, Joannem videlieel Scotum, tanta impudentia orthodoxæ fidei Patribusque catholicis oblatranUm ac si unus spiritus Julianum Joanneihque docuerit. Col. 101 1. (.’est une fantaisie de sa part, ne répondant à rien de réel, d’imaginer une hérésie aux antipodes du pélagianisme et d’attaquer, sous le nom de Gotescalc, une prétendue combinaison des deux, qui n’est en réalité que la pure doctrine augustinienne. Le mx 1’et dernier chapitre est une récapitulation où Prudence formule brièvement, dans les termes mêmes du dialecticien, les principales erreurs de Scot et leur oppose les répliques de l’orthodoxie, col. 1351 sq. Citons quelques exemples. :

Tu dis : « La prédestination et la prescience en Dieu sont son essence, comme sa volonté, sa sagesse et sa