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P MOT 1US. LA RESTAURATION

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que Formose ; le pape Adrien déclarait qu’il accepterait tout candidat qu’on lui présenterait, sauf Formose. Boris, qui avait la décision prompte, se tourne alors vers Constantinople dont il s’était écarté trois ans plus tôt. A l’hiver 869-870, une nouvelle mission bulgare est expédiée à la capitale byzantine, et. pour bieh marquer le sens de sa démarche, Grimoald, le chef de la mission latine, est prié de s’en retourner en Italie (cf. Lib. pont., t. ri, p. 185, 1. 20-30. l’auteur de la notice n’est pas tendre pour cet évêque).

La mission bulgare arrive à Constantinople juste au moment où se terminait le V 1 1 Ie concile. Sur les événemeiits qui se passèrent alors, nous sommes renseignés par Anastase le Bibliothécaire, dans sa préface aux actes du X" 1 1 Ie concile, et par l’auteur de la notice d’Adrien au Liber pontifie/dis, t. ii, p. 182-1X4. Anastase, à son grand regret, n’a pas été tenu au courant de toutes les négociations. Le rédacteur du Liber pontificalis, lui, a des renseignements qui ne peuvent venir que de témoins oculaires.

Anastase masque son ignorance des détails en dissertant assez longuement des droits historiques de Borne sur l’Illyricum et donc sur le nouvel État bulgare. Tout ce qu’il sait de positif, c’est qu’à l’issue de conférences fort secrètes on a remis aux Bulgares un document rédigé en grec. Suivant cette pièce, les représentants des sièges patriarcaux d’Orient, faisant fonction d’arbitres entre Ignace et les Bomains, avaient déclaré que le territoire bulgare serait du ressort de Constantinople. Mais, continue Anastase, ceci nous parait bien douteux. Les légats romains se sont retranchés derrière leurs instructions ; quant aux représentants des patriarcats, nous conjecturons qu’ils n’ont pas voulu intervenir. » C’est pourtant, n’en déplaise à Anastase, ce qui s’était passé. Pour éviter d’entrer en conflit direct avec Borne, Ignace s’était défilé derrière l’empereur ; c’était bien aux représentants d’Alexandrie. d’Antioche et de Jérusalem que l’on avait confié le soin de trancher le différend entre Byzantins et Bomains. Ayant d’abord excipé de leur incompétence, les légats s’étaient ensuite laissé entraîner dans la discussion ; des propos assez vifs avaient été échangés entre eux et les représentants des patriarcats. La séance se termina assez mal. Les légats déclarèrent abolir de leur autorité la sentence arbitrale des Orientaux attribuant la Bulgarie à Constantinople ; ils exhibèrent une lettre du pape dont ils n’avaient pas fait mention jusque-là et interdirent formellement à Ignace d’envoyer aucun des siens en Bulgarie. Ignace pr.t en main la lettre pontificale, mais ne voulut pas, malgré les avertissements des légats, la lire sur le moment ; il se contenta d’une vague protestation de respect à l’endroit du Siège apostolique, sans prendre aucun engagement. — En fait, peu de temps après, il sacrait un archevêque pour la Bulgarie, et postérieurement une dizaine d’évêques.

L’altilude de Rome ù l’égard d’Ignace.

On

imagine sans peine le mécontentement de la curie romaine. Les légats n’y arrivèrent qu’au cours de 871, ayant eu sur mer les pires aventures ; leurs papiers mêmes leur avaient été volés. Heureusement, Anastase, qui avait pris un autre bateau, avait déjà fourni au pape un proces-verbal détaillé des actes du concile, qu’il avait eus en main avant son départ de Byzance.

Assez mécontent de ce qu’il apprit, mettant sur le compte du mauvais vouloir de Byzance les mésaventures arrivées a ses gens, Adrien répondit aux basileis (Basile et ses lils). le lo novembre 871, par une lettre, Jalïé, n. 2013. que l’on peut considérer comme une approbation telle quelle du VIIIe concile. Voir ici, t. iii, col. 1301. La reconnaissance d’Adrien, assez vivement exprimée au début, s’y tempère vite de quelques plaintes, causées surtout par les empiétements

d’Ignace en Bulgarie. Si ce dernier continue, il n’échappera pas à la sévérité des canons ; quant à ceux qui, en Bulgarie, usurpent l’autorité épiscopale, le pape

les considère comme d’ores et déjà exe munies.

Mêmes plaintes dans la lettre à Ignace, Jaflé, u. 2944, à qui l’on reproche de plus d’avoir ordonné prématurément des laïques comme diacres.

Le successeur d’Adrien, Jean Y 1 1 1 (872-882) allait accentuer encore cette altitude mécontente, oserait-on dire tatillonne, à l’endroit du patriarche. Elle ressort de la lettre véhémente adressée, dès la première année du pontificat, au roi des Bulgares. « Si les perfides Grecs ne sortent pas de chez vous, écrit Jean VIII, nous déposerons Ignace ; quant aux prêtres et évêques grecs qui sont en Bulgarie, ils seront déposés et anathématisés ; il parait, en effet, qu’ils sont en très grande partie des gens ordonnés par Photius. ou qui sont dans ses sentiments. » Jatte, n. 2002. Yoici beaucoup plus fort : lettre à Boris, Jaflé, n. 2990 (année 874-875) : « Ignace, dit Jean, a été délié par nos prédécesseurs (évidemment des sentences portées contre lui par le concile byzantin de 861), mais sous cette réserve que, s’il tentait quelque chose en Bulgarie contre les droits du Saint-Siège — - ce que Photius lui-même n’avait pas osé ( !)

— il retomberait sous le coup de la condamnation ancienne. » L’allusion à Photius ne vaut-elle pas la peine d’être relevée ? De toute évidence, un revirement s’opère à la curie en faveur du condamné de 809. Les lettres n. 3130-3132 (du 16 avril 878) sont encore plus symptomatiques : « A suivre les Grecs, la nation bulgare risque de tomber dans le schisme et l’hérésie dont ceux-ci ne sont jamais sortis complètement. L’hérésie est, chez eux, à l’état endémique du fait soit des basileis. soit des patriarches, soit des uns et des autres. Les Bulgares risquent fort, à se faire leurs clients, de courir, la même aventure qui est jadis arrivée aux Goths. »

Dirait-on, à lire ces lignes, qu’il s’agit d’une Église qui est encore officiellement en communion avec le Siège apostolique ? Aussi bien cette communion menaçait de se rompre bientôt. La lettre n. 2999, de 874-875, adressée au basileus, se répand en plaintes contre les agissements d’Ignace : celui-ci devra venir à Borne pour se justifier de his et aliis excessibus. C’est la deuxième sommation adressée au patriarche, si l’on compte — et c’est bien ainsi, pensons-nous, que raisonnait la curie — pour une première la lettre d’Adrien -II, Jaflé, n. 2944. Ainsi, cjès ce moment, c’est presque la rupture entre les deux chefs ecclésiastiques.

Enfin, aucune de ces sommations n’ayant produit d’effet, la curie romaine se décida, en avril 878, à prendre contre le patriarche rebelle des mesures de rigueur. Le 16 avril, le pape signait toute une série de lettres qu’emporterait une légation romaine ayant à sa tête les évêques Eugène et Paul ; par la Bulgarie, l’ambassade s’acheminerait vers Constantinople. A la cour de Boris, elle déposerait, en passant, les lettres 3130-3132 analysées ci-dessus ; elle remettrait au basileus la lettre 3135 (le n. 3118 est un post-scriptum ajouté, quelques jours plus tard, pour signaler au basileus les attentats dont l’Église romaine vient d’être victime, il s’agit de l’affaire de Lambert de Spolète), au patriarche les lettres 3133 et 313 1. De ces trois missives, la première est intéressante en ce qu’elle semble répondre à des ouvertures faites par Basile I r - celui-ci, dans une lettre que nous n’avons plus ici. Dôlger, n. 196), avait sollicité l’envoi de légats qui mettraient fin aux troubles de Constantinople (sur ce qu’étaient ces troubles, nous nous expliquerons plus loin) ; Quant à la lettre adressée a Ignace, elle était conçue eu termes extrêmement sévères. Le pape lui reprochait son in titude ; étant données les deux premières monitii qui lui avaient été adressées, Jean aurait pu. san> non-