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    1. PRÉDESTINATION##


PRÉDESTINATION. LA CONTROVERSE DU IXe SIÈCLE

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6° A/irès le concile d’Orange. — Saint Grégoire’le Grand est aussi nettement augustinien, il enseigne la nécessité d’une grâce prévenante pour le commencement de la foi et des bonnes œuvres, Moral., XVI. 30, P. L., t. lxxv, col. 1135, et la prédestination absolument gratuite à la firàce et au salut, tel le cas du bon larron. Moral., XVIII, 63, 64, t. lxxvi, col. 73-74.

Au viie siècle, saint Isidore de Séuille enseigne aussi que les élus sont gratuitement prédestinés au ciel, Sentent., II, vi, P. L., t. lxxxiii, col. 606, et que Dieu a préparé aux réprouvés les châtiments que méritent leurs fautes par lui permises. A la question : pourquoi Dieu a-t-il gratuitement choisi les uns et non les autres ? saint Isidore répond : In hac lanla obscurilate non valet homo divinam perscrulari disposilionem et occullum prsedestinationis perpendere ordinem. Ibid., n. 6.

Telle est la doctrine que l’on trouve chez les disciples de saint Augustin. Les deux aspects extrêmes du mystère sont affirmés par eux : la gratuité de la prédestination et la réelle possibilité du salut pour tous les adultes au moins pour tous les baptisés ; de plus, tous s’accordent à dire que nul ici-bas ne saurait voir l’intime conciliation de ces deux vérités, car ce serait voir l’intime conciliation de l’infinie justice, de l’infinie miséricorde et de la souveraine indépendance ou liberté de Dieu. L’équilibre se trouvait dans l’affirmation de ces deux aspects extrêmes du mystère et dans la contemplation supérieurede l’infinie bonté de Dieu, qui est à la fois le principe de sa miséricorde et de sa justice : la souveraine bonté est d’une part diffusive de soi, c’est le principe de la miséricorde, et elle a droit à être aimée par-dessus tout, c’est le principe de la justice.

Les disciples d’Augustin gardaient l’équilibre de l’esprit par la contemplation aimante de ces vérités dans l’obscurité de la foi ; cet équilibre sera compromis au ixe siècle par les assertions de Gotescaîc.

R. Garrigou-Lagrange, O. P.

IV. LA CONTROVERSE SUR LA PRÉDESTINA-TION AU IXe SIÈCLE. — Le problème théologique de la prédestination a donné lieu, au ixe siècle, à une très vive querelle, qui mit aux prises les augustiniens déclarés et les adversaires de l’augustinisme intégral.

— I. Avant le concile de Quierzy de 853. IL Les conciles antagonistes de 853 à 860 (coi. 2920).

I. Avant le concile de Quierzy (849-853). — 1. Les débuts, l’affaire de Gotescaîc. 2. Premières controverses autour de Gotescaîc. 3. L’intervention de l’Église de Lyon.

I. LES DÉBUTS. OOTESCALC, SES ADVERSAIRES, SA CONDAMNATION A MAYENCE ET A QUIERZY. — Le

concile d’Orange, célébré en 529, mit fin pour trois siècles aux controverses sur la prédestination. Elles reprirent un peu avant 850 et agitèrent fortement l’Église des Gaules pendant plus de dix ans. Gotescaîc, oblat à Fulcla, qui avait demandé en vain d’être libéré de ses engagements et qui s’était retiré à Corbie d’abord, puis à Orbais (au diocèse de Soissons, sufîragant de Reims), fut cause de toute cette agitation. Voir l’art. Gotescalc. Sur ses premières difficultés et son transfert à Orbais, voir Hefele-Leclercq, Hist. des conciles, t. iv, p. 137 sq.

Gotescale avant le concile de Mayence.

1. A

Orbais. — « Dans sa nouvelle résidence, dit Hefele, Gotescale s’appliqua assidûment à l’étude des écrits de saint Augustin et de saint Fulgence, et commença à réciter devant les autres moines divers passages de ces Pères qu’il présentait dans un sens prédestination parce qu’il les isolait du contexte et les écourtait. Ayant, au dire d’Hincmar, continué ses prédications durant des jours entiers, il avait mis le trouble dans l’esprit des faibles et gagné à ses idées beaucoup d’imprudents ; cf. P. L., t. cxxvi, col. 45, lettre au pape Nicolas. Son ancien condisciple, Walaf’rid Strabon, le

surnomma Fulgence à cause de son zèle à prêcher la prédestination. Il ne se contenta pas de parler, il entra en relation avec divers savants, en particulier Ratramne de Corbie et Loup, abbé de Ferrières, et leur proposa des questions sur la prédestination et d’autres sujets. Nous avons de Loup une réponse sur la question de savoir si les élus, après la résurrection, verront Dieu des yeux du corps. L’abbé de Ferrières trouve que son correspondant ferait mieux de ne pas s’occuper de problèmes aussi oiseux et de lui épargner ses compliments. Plusieurs s’abstinrent de lui répondre, en quoi peut-être ils furent sages. »

La conduite de Gotescale à Orbais pose un problème : Hincmar l’accusera d’avoir été ordonné à l’insu de son évêque Rothade par Rigbold, chorévêque de Reims, et d’avoir voyagé à l’étranger, en particulier à Rome, contre la règle et sans l’autorisation de son abbé. P. L., t. cxxv, col. 84, 85.

2. Voyage en Italie.

A son retour de Rome (847848), il séjourna chez le comte Eberhard de Frioul, gendre de Louis le Débonnaire. Il y rencontra Noting, évêque nommé de Vérone, qu’il entretint naturellement du problème qui le préoccupait surtout, celui de la prédestination. Mal impressionné, Noting fit part de ces discours à Rhaban Maur, qu’il rencontra peu après à la cour de Louis le Germanique. Il fut convenu que l’archevêque, qui savait peut-être déjà à quoi s’en tenir sur les idées du moine, écrirait un traité sur la prédestination. Il composa en effet un opuscule qu’il expédia à Noting avec une lettre d’envoi, où il explique qu’il a composé ce petit traité, ad convincendum errorem eorum qui de Deo bono et juslo lam nequiter senliunt ut dicant ejus prsedestinalionem facere, quod nec homo ad vitam prsedestinalus possit in mortem incidere nec ad mortem prsedestinatus ullo modo se possit ad vilam recuperare. P. L., t. cxii, col. 1530. Il ne nomme pas Gotescalc, mais parle, en général, de certains bavards (vaniloqui) par lesquels le semeur de zizanie répand non solum oliosa sed et noxia et blasphemiis plena eloquia. lia ut quidam eorum perdilionis suse Condilorcm asseranl auctorem, dicentes quod, sicuti hi qui per præscientiam Dei ac præieslinalionem ujcali sunt ad percipiendam gloriam œternæ vitse, non possunt non salvari, ila et illi qui ad œternum inlerilum vadunl, prœdestinatione Dei coguntur, et non possunt evadere inlerilum. P. L., t. cxii, col. 1531.

Pour montrer l’erreur de cette doctrine, Rhaban cite des passages de saint Prosper et de Y Hypomneslicon (considéré alors comme étant de saint Augustin), qui distinguent entre prescience et prédestination. Non omne quod prsescit (Deus) prsedestinat, mala enim lantum prœscil et non prædestinal ; bona vero et prsescil et prsedestinat. La massa perdilionis que constituent les hommes après la chute d’Adam est vouée à l’enfer, non condemnatione divina generaliler sed ex débita. Venia vero, non merito, sed Dei justi judicis misericordise largilate confertur. Col. 1553. Une miséricorde toute gratuite prédestine les uns à la vie, les autres sont frappés de peines méritées parce que Dieu a prévu ce qu’ils feraient. Non tamen puniendos ipse fecit aut prsedeslinavil, sed lantum… in damnabili massa preescivit. Dieu veut sauver tous les hommes, Jésus-Christ est mort pour tous. D’ailleurs, l’Écriture annonce aux bons leur récompense à cause des bonnes œuvres qu’ils peuvent accomplir par la grâce, et aux méchants leurs châtiments pour les méfaits dont leur liberté est seule responsable. Elle réfute ainsi l’erreur d’après laquelle la prédestination de Dieu est cause de la perte des réprouvés. Que les élus soient sauvés, c’est miséricorde ineffable, que les pécheurs soient éternellement punis, c’est justice, et non nécessité de la prédestination. Col. 1533-1541.

Rhaban cite les réponses de Prosper : Ad capitula