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    1. PREDESTINATION##


PREDESTINATION. LES DISCIPLES DE S. AUGUSTIN

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VII. LUS DISCIPLES DE SAINT AUGUSTIN. 1° Sailli

Prosper d’Aquitaine. — Après la mort d’Augustin, sa doctrine sur la prédestination fut défendue, contre un pamphlet anonyme qui la défigurait, par saint Prosper d’Aquitaino dans ses Pro Auguslino responsiones ad capitula objectionum Galtorum calumniantium, P. L., t. li, col. 155-174. Prosper se rendit même à Rome et obtint du pape saint Célestin en 431 la lettre qui affirmait hautement l’orthodoxie de l’évêque d’Hippone et recommandait à l’épiscopat gaulois de ne pas permettre qu’on le calomniât davantage. De retour en Gaule, Prosper dut pourtant réfuter un nouveau pamphlet, qui paraît être l’œuvre de saint Vincent de Lérins, et d’après lequel la doctrine augustinienne nie que Dieu veuille le salut de tous les hommes et suppose qu’il est l’auteur du péché. Saint Prosper rejeta ces conclusions dans ses Pro Auguslino responsiones ad capitula objectionum Vincenlianarum, ibid., col. 177186, et il écrivit contre Cassien, vers 433-434, le Liber contra Collalorem, ibid, col. 213-276, qui traite de nouveau le problème de la grâce et du libre arbitre.

Pour répondre aux pélagiens qui abusaient du texte de Paul, I Tim., ii, 4 : Deus omnes homines vult salvos fieri, et prétendaient que Dieu veut sauver également tous les hommes, saint Augustin, partant du fait que tous les hommes ne sont pas sauvés et du principe de l’infaillible efficacité de la volonté divine, avait plusieurs fois parlé, nous l’avons vii, d’une volonté salvifique restreinte. Il entendait par là la volonté infailliblement efficace qui conduit tous les élus à la vie éternelle. Saint Prosper, pour répondre aux objections faites contre la doctrine de son maître, insiste sur un autre aspect de cette doctrine. Saint Augustin avait nettement affirmé dans le De natura et gratia, xliii, 50, t. xiiv, col. 271 : Deus impossibilia non jubet, sed jubendo monet et facere quod possis et petere quod non possis. Dieu ne commande jamais l’impossible, autrement le péché actuel serait inévitable, dès lors il ne serait plus un péché et les châtiments divins infligés pour une pareille faute seraient une injustice manifeste. Mais dire que Dieu ne commande jamais l’impossible signifie qu’il veut rendre réellement possible à tous les hommes l’accomplissement des préceptes qui s’imposent à eux et quand ils s’imposent à eux ; par là il veut rendre réellement possible leur salut, sans pourtant les conduire tous efficacement à la vie éternelle. De plus, Augustin avait plusieurs fois expliqué sans restriction le texte de saint Paul, II Cor., v, 15 : pro omnibus morluus est Christus. Cf. Contra Jul., VI, iv, 8, t. xliv, col. 825 ; Op. imp. contra Jul., II, clxxiv, clxxv, t. xlv, col. 1217.

Aussi saint Prosper put écrire en restant fidèle à son maître : Sincerissime credendum alque profitendum est Deum velle ut omnes homines suivi fiant ; siquidem Aposlolus, cujus isla sententia est, sollicilissime præcipit, quod in omnibus Ecclesiis piissime cusloditur, ut Deo pro omnibus hominibus supplicetur : ex quibus quod multi pereunt, pereunlium est meritum, quod multi saluantur, salvanlis est donum. Resp. ad cap. obj. Vincent., 2., t. li, col. 179 ; cf. Resp. ad cap. Gallorum, col. 162.

Ces paroles de saint Prosper formulent les deux aspects extrêmes du mystère, d’une part, la volonté salvifique universelle, de l’autre, le mystère de la prédestination : quod multi salvantur, salvantis est donum. Voir sur cette question, chez saint Prosper, P. M. Jacquin, O. P., La question de la prédestination aux Ve el VIe siècles, dans Revue d’hisl. eccl., t. vii, 1906, p. 269300 ; J. Tixeront, Hisl. des dogmes, t. iii, p. 283-293 ; F. Cayré, Précis de palrologie, t. ii, 1930, p. 180-185.

Sur la prédestination proprement dite, saint Prosper défend aussi fermement la pensée de saint Augustin et refuse d’identifier la prédestination à la prescience, car Dieu ne prévoit pas moins les actes mauvais que les

actes bons, mais il ne veut positivement et ne produit que les seconds. Cf. Resp. ad cap. Gall., i, 15, col. 170. II est l’auteur de tout bien et ce n’est pas indépendamment de la volonté divine que tel homme est meilleur qu’un autre. La prédestination comporte donc, avec la prescience, un amour de prédilection ou la volonté de produire en tel homme plutôt qu’en tel autre et par lui ce bien salutaire par lequel il méritera de fait la vie éternelle et y parviendra. Cf. Resp. ad cap. Gall., ii, 15, col. 174. Et donc la prédestination des élus est gratuite, comme l’avait dit saint Augustin.

Si saint Prosper a atténué sur un point la doctrine de son maître, c’est sur la réprobation. Il ne se contente pas de parler des âmes laissées par Dieu dans la massa perdilionis, il pense que la réprobation est une suite des péchés personnels prévus par Dieu. Resp. ad cap. Gall., i, 7, col. 161. Cette manière de voir ne saurait se soutenir pour la non-élection des enfants morts sans baptême. Quant aux adultes réprouvés, elle laisse subsister une grande obscurité : leurs péchés personnels prévus par Dieu n’arriveraient pas sans une permission divine ; et pourquoi Dieu a-t-il permis en tels hommes les péchés personnels sans avoir l’intention efficace de les leur remettre, tandis qu’il ne permet les péchés personnels dans la vie des élus que pour les conduire à une humilité plus vraie, condition d’un amour plus pur ?

Bien des disciples de saint Augustin, qui viendront plus tard, penseront être plus fidèles à sa pensée, en distinguant entre la réprobation négative (non-élection et volonté de permettre des péchés qui ne seront pas remis) et la réprobation positive (décret éternel d’infliger la peine de la damnation pour les péchés prévus). La réprobation négative, diront-ils, ne saurait être la suite de péchés personnels prévus par Dieu comme ne devant pas être remis, car elle n’est autre que la permission divine de ces péchés, et, sans elle, Dieu ne pourrait les prévoir. Ce sera la doctrine de saint Thomas, I a, q. xxiii, a. 5, ad 3um, qui paraît bien conforme à celle de saint Augustin. De prsed. sanct., ni, 7, t. xliv, col. 965 ; Contra duas epist. pelag., II, vu, 13, col. 580.

2° L’auteur du traité « De vocatione omnium genlium », P. L., t. li, col. 647-722, écrit entre 430 et 460, à peu près à la même époque que saint Prosper ; il admet la volonté salvifique universelle et maintient la gratuité de la prédestination, en vrai disciple d’Augustin. Pour expliquer la volonté salvifique universelle, il insiste sur une grâce de salut générale, offerte à tous, et il la distingue d’une grâce spéciale toute gratuite, donnée à ceux qui se sauvent de fait. Quibus donis fgeneralibusj. .. specialis graliæ largilas superfusa est. Op. cit., II, xxv, col. 710. Cette grâce spéciale est l’effet d’une prédilection divine.

Saint Fulgence.

Au début du vie siècle, les

controverses sur la grâce et la prédestination reprirent à cause de discussions relatives aux écrits de l’évêque semi-pélagien Fauste de Riez, après la mort de celui-ci. C’est alors que saint Fulgence de Ruspe écrivit le petit traité Liber de incarnatione et gratia Domini nostri Jesu Christi, P. L., t. lxv, col. 451-493, puis une lettre importante sur la question de la grâce, Epist., xv, ibid., col. 435-442, et directement contre les doctrines de Fauste un ouvrage en sept livres, dont il ne reste que le traité Ad Monimum, ibid., col. 151-206, dont le t. I, col. 153-178, est sur la prédestination, enfin le De verilale prædestinationis et graliæ, ibid., col. 603-672.

Saint Fulgence, appelé Auguslinus abbreviatus, fait sienne toute la doctrine de saint Augustin sur la grâce et la gratuité de celle-ci. Cf. Ad Monimum, I, viii-xi, xiv. Il accepte aussi toute la doctrine de son maître sur la prédestination. La prédestination totale, c’est-à-dire à la gloire et à la grâce, est selon lui gratuite