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2883 PRÉDESTINATION. S. AUGUSTIN, GRATUITÉ DU DON DIVIN 2884

trines de Pelage, d’une part, et d’exalter le rôle de la liberté humaine dans l’œuvre du salut, d’autre part, affectaient de ne revendiquer pour la liberté que deux interventions absolument indépendantes : l’une au moment de l’initium fidei, l’autre a l’instant de la persévérance finale. Mais Augustin de s’inscrire en faux contre l’une et contre l’autre. C’est de son attitude intransigeante que nous déduirons sa pensée sur ce qu’il appelle le grand don de Dieu : Ad hœc nos negare quidem non possuihus eliam perseverantiam in bono l>ro/icientem usque in finem, magnum esse Dei munus ; nec esse nisi ab illo de quo scripium est : « Omne datum optimum et omne donum perfection desursum est, descendais a Paire luminum » (.lac, i, 17). De corr. et grat., vi, 10, t. xliv, col. 921.

Il importe de ne pas se méprendre sur la nature de cette grâce. On peut parler, certes, d’une persévérance plus ou moins longue dans le bien avec le secours de Vauxilium quo, mais une telle persévérance ne coïncide avec le don divin dont nous parlons, que si elle dure jusqu’à la fin : Hanc certe de qua nunc agimus perseverantiam, qua in Christo perseveratur usque in finem. De dono pers., i, 1, t. xlv, col. 995. Il est donc de l’essence même de ce don d’être final, encore qu’il importe fort peu que la fin vienne plus tôt ou plus tard. Augustin le précise comme étant le seuil de la gloire divine. De corr. et grat., vi, 10, t. xliv, col. 922.

De plus, ce don a un caractère spécial qui le distingue de toutes les autres grâces. Celles-ci, et c’est chose bien mystérieuse, peuvent affluer tandis qu’il fait défaut : Mirandum est quidem, mullumque mirandum, quod filiis suis quibusdam Deus quos regeneravit in Christo, quibus fidem, spem, dilectionem dédit, non dal perseverantiam. Ibid., viii, 18, t. xliv, col. 926. Dieu, dans sa providence, a deux façons de l’accorder, soit que l’homme, mourant prématurément, n’ait pas le temps de se pervertir : Ut finiat homo vilam islam, anlequam ex bono mutetur in malurh, ibid., soit qu’il demeure jusqu’à la fin dans l’amitié divine, ou, s’il la quitte momentanément, qu’il y revienne jusqu’à la fin : Hi enim in eo quod diligunt Deum permanent usque in finem ; et qui ad tempus inde déviant revertuntur, ut usque in finem perducant quod in bono esse cœperunl. Ibid., ix. 23. col. 929. Enfin, nous retrouvons le don de la persévérance finale aussi bien chez le martyr, que chez la victime d’une lente maladie ou d’un accident imprévu : *Egriludine corporis vel quoeumque casu moiiuntur in Christo. Plus rared’uncôté, pluscommune de l’autre, pour Dieu à qui tout est facile, la collation de cette grâce ne fait aucune difficulté. De dono pers., il, 2, t. xlv, col. 995.

Il est à peine besoin de souligner l’importance d’un pareil don. N’est-ce pas lui qui consomme toute l’économie de la prédestination : Liberati enim a peccalo servi facli sunt jusliliæ (Rom., vi, 18), in qua slabunl usque in finem, donante sibi illo perseverantiam, qui eos prsescivit et prwdestinavit et secundum propositum vocavit et justificavil et glori/icavil. De corr. et grat., xii, 35, t. xliv, col. 938. Il est l’acte suprèmede Dieu prédestinant, la clef du trésor de toutes les autres grâces : Ipsam perseverantiam, magnum Dei donum, quo cœtera dona ejus conservantur, accipiunl. De dono pers., ii, 4, t. xlv, col. 997.

Mais la nature et l’importance du don de la persévérance finale se précisent encore davantage, si l’on considère ses rapports avec la prédestination. II accompagne celle-ci obligatoirement : Xon igitur filiis suis prsedeslinatis Deus perseverantiam non dedil. De corr. et grat., ix, 21, t. xliv, col. 928. Xeque enim datur nisi eis qui non peribunl, quoniam qui non persévérant peribunt. Ibid., 23. Son absence est un signe de perdition. Quoi d’étonnant, si elle est la condition sine qua non de la réalisation de la prédestination dans son sens

le [dus évident ? Quis enim in teternam vilam potuit ordinarinisi pcrscveranliir dono ? Quandoquidem qui perseveraoerii usque in finem, hic salvus erit (Matth., x, 22). Qua salute, nisi œterna ? Ibid., VI, 10, t. xliv, col. 922.

A l’inverse, on peut dire que la prédestination est une garantie assurée de persévérance finale, tant sont étroites leurs relations : …nullus eorum ( prædestinatorum et secundum propositum vocalorum) ex bono in mulum mutatus finit hanc vilam, quoniam sic est ordinalus, et ideo Christo dalus, ut non pereal, sed habeal vilam wternam. Ibid., ix, 21, col. 929.

En dépit de toutes les apparences, ceux qui ne reçoivent pas le don de la persévérance finale ne sont ni de vrais disciples du Christ, ni de véritables enfants de Dieu. Si nous nous trompons sur leur compte, c’est que nous sommes ignorants de l’issue de leur vie : Appellamus ergo nos et electos et Christi discipulos et Dei filios, quia sic appellandi sunt, quos regeneralos pie vivere cernimus ; sed lune vere sunt quod appellantur, si manserint in eo propter quod sic appellantur. Si autem perseverantiam non habenl, id est, in eo quod cœperunl esse non manenl, non vere appellantur quod appellantur et non sunt : apud eum enim hoc non sunt cui nolum est quod futuri sunt, id est, ex bonis mali. Ibid., 22.

La gratuité absolue du don de persévérance finale ne sera donc qu’un corollaire obligé de sa nature et de son rôle dans l’ensemble de la prédestination. C’est à la déduction de ce corollaire qu’Augustin s’emploie dans son De bono (seu dono) perseverantiw, dont il présume en ces termes la conclusion : Asserimus ergo donum Dei esse perseverantiam qua usque in finem perseveratur in Christo. De dono pers., i, 1, t. xlv, col. 993. Volontiers, il a recours à l’argument traditionnel de la prière, lui que les semi-pélagiens accusaient de briser avec toute tradition. On implore de Dieu la persévérance : c’est donc qu’elle est un don de Lui. On en rend grâces : quelle dérision, si Dieu n’en est ni le dispensateur, ni l’auteur. L’Église tout entière demande la persévérance de ses enfants, parce qu’elle sait de qui l’obtenir. Voir De dono pers., ii, 3, col. 996 ; vii, 15, col. 1002. C’est là, du reste, une vérité de simple bon sens pour quiconque se rappelle que Dieu est le maître de la vie et qu’il n’a qu’à interrompre le cours de celle-ci, lorsqu’une chute est imminente, pour que l’homme ainsi prévenu persévère jusqu’à la fin. Ibid., xvii, 41, col. 1018.

8° La gratuité de la prédestination manifestée dans sa réalisation « in tempore », principalement par l’absence de mérites antécédents. — Pour qu’apparaisse cette gratuité dans la réalisation du propositum divin, il suffit de se rappeler les caractères de l’action divine ou de la grâce, les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté humaine, la nature de la vocation efficace, de l’auxilium quo, du don de la persévérance finale.

Il est bien vrai que l’Écriture atteste que Dieu rendra à chacun selon ses œuvres. Matth., xvi, 27. Mais elle proclame en même temps que la grâce n’est pas la récompense du mérite, Rom., iv, 4, et nous savons par l’Apôtre que la vie éternelle est une grâce. Rom., vi, 23. Comment Augustin démêle-t-il cette apparente contradiction ? Par sa doctrine même.

La vie éternelle est gratuite, parce que sont gratuites les bonnes œuvres qu’elle récompense. La gratuité de la fin s’explique par la gratuité des moyens : Ilaque, charissimi, si vita bona noslra nihil aliud est quant Dei gralia, sine dubio et vita nelerna, quæ botuc vita redditur, Dei gralia est ; et ipsa enim gratis datur, quia gratis dala est Ma cui datur. De grat. el lib. arb., viii, 20, t. xliv, col. 893. La seule différence entre ces deux gratuités c’est que l’une, celle des bonnes œuvres, n’en suppose pas d’autre’, tandis que celle de la vie éternelle suppose celle des bonnes œuvres : Sed Ma cui datur, tantummndn gralia est : hsec autem quiv Mi datur, quoniam