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PRÉDESTINATION. S. AUGUSTIN, LA PERSÉVÉRANCE


sine hoc adjutorio in bono non maneret… ; dederat adjutorium (homini Deus) sine quo in ea (bona voluntate) non posset permancre si vellet… ; ut autem (primus homo) in eo (bono) permaneret egebat adjutorio gratiæ, sine quo id omnino non posset. Primo itaque homini… datum est adjutorium perseverantiœ… sine quo per liberum arbitrium perseverare non posset. Ibid. Par où l’on voit que la persévérance d’Adam n’eut point résulté d’une simple coordination de la grâce et de la liberté.

Cependant nous avons parlé d’un rôle conditionnel de la volonté humaine vis-à-vis de la grâce sine qua ou de Vauxilium sine quo. Il importe de préciser ce rôle. Augustin n’y manque pas : Eam (gratiam sine qua) tamen (homo primus) per liberum arbitrium deserere posset… Quod adjutorium, si homo ille per liberum non deseruisset arbitrium, semper effet bonus… Taie qulppe erat adjutorium quod desereret cum vellet… Hoc adjutorium si vellet desereret. Ibid. Par où l’on voit que ce qui était au pouvoir de la liberté du premier homme c’était de « déserter » le secours divin, d’abandonner la grâce, de se soustraire à son efficacité. Pouvoir tout négatif, on en conviendra, puisqu’il n’allait qu’à se priver d’une aide indispensable pour faire le bien.

L’efficacité de la grâce s’en trouva-t-elle compromise ? En fait, oui ; en droit, nullement. En fait, disons-nous, car si le premier homme, en se dérobant à cette grâce par une abdication de son libre arbitre s’interdit à lui-même toute persévérance effective dans le bien, la grâce n’en demeurait pas moins la source de cette persévérance que seule une déficience de la volonté humaine contraria. De sorte que la volonté d’Adam fut la condition non pas de l’efficacité de droit de Vauxilium sine quo non, mais la cause de son inefficacité de fait en le frustrant de son application. Aussi, comparant Vauxilium sine quo et Vauxilium quo, Augustin ne veut pas que le premier soit déprécié, quelle que soit la prééminence du second : Nec illa quidem parva erat, qua demonstrata est etiam potentia liberi arbitrii, quoniam sic adjuvabatur, ut sine hoc adjutorio in bono non maneret sed hoc adjutorium si vellet desereret. Ibid. Son excellence est donc mise en relief et par son efficacité de droit qui le rend indispensable : sine hoc adjutorio in bono non maneret, et par le conditionnement purement négatif de la volonté : si vellet desereret.

Mais, dira-t-on peut-être, l’inefficacité de fait ne contredit-elle pas à toute efficacité de droit ? Nous répondrons par un exemple, à l’aide duquel Augustin distingue les deux auxilia : Sine alimentis, dit-il, non possumus vivere, nec tamen cum adfuerint alimenta eis fit ut vivat qui mori voluerit. Ibid., xii, 34, col. 937. Les aliments sont indispensables à la vie, à cause de la vertu nutritive qu’ils sont seuls à posséder. Cependant leur possession ne suffira pas à la vie de celui qui préfère mourir. Qu’est-ce à dire, sinon qu’efficaces en droit ou par eux-mêmes, ils peuvent être inefficaces de fait pour celui qui se prive volontairement de leur vertu nutritive, indispensable et suffisante à la vie.

Il sera donc possible de répondre avec Augustin à l’objection semi-pélagienne qui nous a valu cette précieuse doctrine. Cette objection procède d’une confusion entre la nature de la grâce accordée au premier homme pour sa persévérance dans le bien, et la nature de la grâce accordée à ses descendants. Parce que les forces de son libre arbitre n’étaient pas atteintes par le péché, Adam reçut une grâce telle que, à la seule condition de ne pas se dérober à son efficacité, il eût toujours persévéré dans le bien, d’autant que rien encore ne le sollicitait à se dérober de la sorte. Cette grâce, sans laquelle la persévérance lui était impossible, était donc, tout ensemble, indispensable, efficace quant à elle-même, et respectueuse d’une liberté encore intacte : Ut autem vellel ( permanere in bona voluntate) in ejus libero reliquit abilrio. Ibid., xi, 32, col. 935.

La question était pour lui de rester sous l’action de cette grâce. On sait ce qui arriva. Abusant de sa liberté, jusqu’alors ordonnée à son véritable objet, le bien, il se tourna vers le mal, devenant ainsi l’artisan de sa propre déchéance. L’action divine ne pouvait le suivre sur cette voie : deseruit et deserlus est (ibid.), où d’ailleurs il pouvait se suffire : quoniam liberum arbitrium ad malum sufficit. Ibid. Mais, du même coup, il perdit sa rectitude originelle, pour se retrouver avec sa défectibilité native et son impuissance radicale vis-àvis du bien surnaturel et méritoire. Sa responsabilité fut entière. D’une part, en effet, Dieu ne lui avait pas refusé le secours indispensable à sa défectibilité naturelle. Mais, d’autre part, ce secours il le dédaigna en quelque sorte, le rendit vain en faisant fi de son efficacité : Acceperat posse si vellet… quod ut nollet de Utero descendit arbitrio. Ibid.

Ainsi, les semi-pélagiens n’avaient pu prendre en défaut la doctrine d’Augustin sur l’efficacité de la grâce. Si peu même, que le saint docteur, dans sa réponse à leurs subtilités, trouvait une occasion nouvelle de mettre cette efficacité en relief. Car si Vauxilium sine quo était efficace, jusqu’à faire toucher du doigt l’impuissance de la liberté du premier homme laissée à elle-même : qua demonstrata est etiam potentia liberi arbilrii, que dire de Vauxilium quo qui vient au secours d’une liberté déchue ? Hœc autem tanto major est, ut parum sit homini per illam reparare perditam libertatem, parum sit denique non posse sine illa vel apprehendere bonum, vel permanere in bono si velit, nisi etiam efjftciatur ut velit … Fil quippe in nobis per hanc Dei gratiam in bono recipiendo et perseveranler tenendo, non solum posse quod volumus, verum etiam velle quod possumus. Ibid. Le libre vouloir qui pouvait être, pour la grâce donnée au premier homme, une condition d’efficacité de fait, est le principal effet de la grâce donnée à ses descendants. Et ceux-ci ne reçoivent pas seulement la faculté de persévérer dans le bien, ils reçoivent cette persévérance même : ’unc vero, sanctis in regnum Dei per gratiam Dei prssdestinatis, non taie adjutorium perseverantiæ datur (sine quo perseverare non possunt), sed laie ut eis perseveranlia ipsa donetur ; non Solum ut sine isto dono persévérantes esse non possint, verum etiam ul per hoc donum, non nisi persévérantes sint. Ibid., xii, 34, col. 937. Non nisi persévérantes sinl : nous retrouvons le caractère infaillible de la grâce efficace. Est-ce au détriment de la liberté ? Nullement : Prima liberlas voluntatis erat posse non peccare ; novissima erit multo major : non posse peccare. Ibid., 33. C’est qu’Augustin est fidèle à son principe : la liberté humaine est d’autant plus parfaite qu’elle est plus étrangère au mal.

Le saint docteur avait donc raison d’exalter la toute-puissance divine, à propos de la permission du péché : Prima immorlalitas erat posse non mori, novissima erit multo major, non posse mori ; prima erat persévérant iæ potestas bonum posse non deserere, novissima erit félicitas perseverantiæ bonum non posse deserere. Ibid. Cette nouvelle immortalité bienheureuse, cette impossibilité de mourir et cette nouvelle persévérance, véritable confirmation dans le bien, furent la récompense des anges fidèles. L’auxilium quo tient lieu de l’une et de l’autre pour ceux que Dieu a prédestinés : Sanctis in regnum Dei per gratiam Dei prædestinalis.

Le don de la persévérance finale.

La vocation à

la gloire ou secundum propositum, la collation, après la chute originelle, de Vauxilium quo pour la permanence effective dans le bien surnaturel et méritoire, seraient insuffisantes à la réalisation de la prédestination des élus, sans la grâce très spéciale de la persévérance finale.

On se rappelle que les semi-pélagiens, partagés entre le double souci d’échapper à la condamnation des doc-