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    1. PRÉDESTINATION##


PRÉDESTINATION. S. AUGUSTIN, L’ÉLECTION

lion : elle rencontre la pensée de saint Paul, dont le quus preesciuit, au dire du P. Lagrange, inclut une idée de choix. Épîlre aux Romains, p. 116.

Notons enfin que c’est le discernement ou l’élection ab œlerno qui se réalise par l’élection dans le temps, comme on le voit dans le cas de la vocation des apôtres : Elegi t eos de mundo. cum hic agerel carnem (Dominus), sed jam eleclos in se ipso aille mundi constitutionem. De prsed. sanct., xvii, 34, t. xliv, col. 985. Mais il ne saurait s’agir pour cette réalisation que de vocation efficace : Quicumque enim elecli, sine dubio eliani vocati : non autein quicumque vocati consequenler elecli. De corr. et grat., vii, 14, t. xliv, col. 924. Ceux-là seuls sont élus cjui persévèrent : Non dicuntur elecli ab Mo qui eos novit non habcie persévérant iam. Ibid., 10, col. 925. L’élection, par ailleurs, est la source d’où dérive la réalisation de toute la prédestination : non seulement de la vocation efficace et du don de persévérance, mais encore de la vie sainte, de la conversion et de l’influence providentielle de Dieu à l’égard des élus. De corr. et grat., vii, 13, t. xliv, col. 924. C’est ainsi que le choix divin est la grande grâce, source et garantie de toutes les autres.

4. La gratuité de la prédestination éternelle.

En établissant, selon Augustin, le point précis du mystère, dans la prédestination, à savoir l’impossibilité d’assigner des raisons au terme du choix divin, nous avons conclu à la gratuité de la prédestination. Cette gratuité se trouve vérifiée plus explicitement encore, par l’analyse que nous avons tentée des actes divins. Il n’est que de les passer rapidement en revue.

L’objet de la prescience divine atteste cette gratuité. Il est tout intérieur à Dieu lui-même : c’est proprement l’action divine : Prédestinasse est hoc præscisse quod f ueral ipse faclurus, De dono pers., xviii, 47, t. xlv, col. 1023, et nullement le mérite de l’homme, ni la libre détermination de sa liberté comme le prétendaient les semi-pélagiens.

Quant à la prédestination, nous avons entendu Augustin la définir : la préparation de la grâce. Celle-ci est formellement son effet : Priedeslinalio Dei… grutiæ est pnvparalio, gratiu vero est ipsius prædestinalionis efjectus. De prsed. sanct., x, 19, t. xliv, col. 975. Elle est donc essentiellement gratuite, et cela jusque dans son terme, la gloire : Nunc vero. sanctis in regnum Dei per gratiam Dei preedestinatis… De corr. et gral., xii, 34, t. xliv, col. 937.

Que l’on se rappelle les rapports qui existent entre la prescience et la prédestination ; cette gratuité y éclate davantage encore : Nec ulla sua futura dona et quæ danda essent et quibus danda essent Deum non præscire poluisse ac per hoc prædestinalos ab illo esse quos libéral et coronat. De dono pers., xvii, 43, t. xlv, col. 1020.

Enfin, la gratuité de la prédestination se manifeste dans l’élection divine. Comme la prescience, dont nous avons vu qu’Augustin ne la distinguait pas, elle n’a pas d’autre règle que Dieu lui-même : Quia elecli sunt, elegerunl (Deum), non quia elegerunt elecli sunt. Eligenlium merilum nullum esset, nisi eos eligentis gralia præveniret. De gral. et lib. arb., xviii, 38, t. xliv, col. 904. Le discernement est une œuvre de grâce : Cum audimus, < quis enim te discernil, qliid habes quod non accepisli. Si autem et accepisli quitl gloriaris quasi non acceperis ? » (I Cor., iv, 7) ab illa perdilionis massa quæ fada est per primum Adam, debemus intelligere neminem posse discerni, nisi qui hoc donum habet, quisquis habel, quod gratia Salvaloris accepil. De corr. et grat., vii, 12, t. xliv, col. 923. On sait que c’est la lecture plus attentive du texte de saint Paul qu’il vient de citer, qui amena Augustin à enseigner la gratuité totale de la prédestination. Il la retrouva dès lors exprimée partout : Quod cliscipulis suis dicit Dominus : t> Non

vos me elegistis, sed ego elegi vos > (Joa., xv, 16) nihil aliud indical nobis. Si enim nos prius dileximus, ut hoc

merito nos ipse diligeret, prius illum nos eligimus, ut ab illo eligi mereremur. Sed ipse qui verilas est, aliud dicit et huic vanitati hominum apertissime contradicit : Non vos me elegestis », inquit. < Si ergo non elegistis, sine dubio nec dilexislis. > Quomodo enim eurn digèrent quem non dit i gèrent ? Sed Ego inquit, vos elegi. » De grat. cl lib. (trb.. xviii, 38. t. xliv, col. 904.

Concluons donc, avec le saint docteur, à la gratuité absolue de la prédestination, même considérée indépendamment de sa réalisation. L’étude de celle-ci, mettra davantage en relief cette gratuité, mais déjà nous avons pu voir que Dieu est cause première de toute l’œuvre de notre salut et qu’à Lui en revient toute gloire : Eecil autem hoc secundum placitum voluntatis suse ut nemo de sua, sed de illius erga se voluntate glorietur : fecit hoc secundum divilias graliæ suæ, secundum bonum voluntatem suam, quam proposuil in dilecto Eilio suo, in quo sorlem consecuti sumus, priedestinad secundum propositum, non noslrum, sed ejus qui universa operatur, usque adeo ut ipse in nobis operetur et velle. De preed. sanct., xviii, 37, t. xliv, col. 988.

5. L’infaillibilité de la prédestination éternelle. -Outre son caractère d’absolue gratuité, la prédestination éternelle revêt celui d’une absolue infaillibilité. Augustin l’affirme clairement : Quicumque in Dei providentissima disposilione prsesciti, prædeslinali. vocati, justificati, glorificati sunt non dico etiam nondum renati, sed etiam nondum nali jam filii Dei sunt el omnino perire non possunt. De corr. et grat., ix, 23. t. xliv, col. 930. Mais puisque la prédestination de ceuxlà mêmes qui ne sont pas encore nés (etiam nondum nali) est infaillible, c’est du côté de Dieu qu’il faut chercher la raison de cette infaillibilité.

Celle-ci est fondée principalement sur l’immutabilité de la prescience. Quoi d’étonnant, puisque nous avons reconnu que, pour Augustin, la prescience était l’acte par excellence de Dieu prédestinant, impliquant à la fois dans son objet l’élection et la prédestination ? Si donc la prescience divine est immuable, il est nécessaire "que la prédestination le soit de même. Aussi saint Augustin fait-il appel à cette immutabilité de la prescience pour définir la prédestination : In sua quw falli, mularique non potest pnescienlia, opéra sua futura disponere, id omnino nec aliud quidquam est prædestinare. De dono pers., xvii, 41, t. xlv, col. 1019. Elle explique aussi que le nombre des élus soit arrêté : Horum si quisquam périt, fallitur Deus ; sed nemo eorum péril quia non fallitur Deus. De corr. et gral., vii, 14, t. xliv, col. 924. Cette argumentation du saint docteur est à remarquer ; il ne dit pas en raisonnant à posteriori : Quia nemo eorum péril, non fallitur Deus, mais au contraire : Nemo eorum périt quia non fallitur Deus. L’infaillibilité divine est la cause de la prédestination infaillible. Nous retrouvons donc, ici encore, le caractère opératif de la prescience divine. En raison de ce caractère opératif, disons de cette efficacité, la prédestination est infaillible, quelles que soient les apparences et les conditions de sa réalisation : Nonne, si Deus illos bonos futuros esse præscivit, boni erunt, in quanlalibel nunc malignitate versentur ? De dono pers.. xv, 38, t. xlv, col. 1017.

Cette infaillibilité ne dépend même pas de la réalisation de la prédestination ; elle en fait abstraction : Utique credendo futuri erant filii Dei per Evangelii priedicationem ; et lumen antequam effet factum, jam filii Dei erant in mémorial i Patris sui inconcus.’sa stabilitate conscripti. De corr. el grat., ix, 20, t. xliv, col. 928.

Mais, si la prédestination est infaillible, en raison même de l’infaillibilité et de l’immutabilité de la prescience divine, d’où viennent, peut-on se demander,