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2849 PREDESTINATION. S. AUGUSTIN. LE DÉCRET ÉTERNEL 2850

quæ Deus iilum prsescivii acturum fuisse si viveret, intuentes quam muni/esta falsilale et guanla ubsurditate dicatur, non fis remanet cur dicant… gratiam Dei secundum mérita iwstra dari. De duno pers., xiii, 32, t. xlv, col. 1012.

III. La PRÉDESTINATION ÉTERNELLE.

Nous avons déjà fait allusion au caractère concret de l’enseignement d’Augustin. Lorsqu’il traite de la prédestination, l’évêque d’Hippone a moins que jamais des allures de théoricien. Les circonstances et l’atmosphère de controverse dans lesquelles il a élaboré sa doctrine suffisent à expliquer celle-ci.

il ne faut donc pas s’étonner que le saint docteur ait rarement séparé, en parlant de prédestination, les deux ordres d’intention et d’exécution qu’il est aujourd’hui classique de distinguer et d’étudier à part. Mais serait-ce altérer sa pensée que de prétendre retrouver dans ses ouvrages et sous des termes équivalents cette distinction à la fois lumineuse et commode ? Nous ne le pensons pas. Le P. F. Cayré, Précis de patrologie, t. i, p. 053, est d’avis que sa doctrine la suppose. (Test en effet une distinction de ce genre qu’Augustin sousentend lorsqu’il écrit : Hœc enim omnia operatur in eis (ordre d’exécution) qui et elegil eos in Filio suo, ante constitutinnem mundi, per electionem gratis 1 (ordre d’intention). De corr. el gral., vii, 13, t. xliv, col. 924.

Cette élection de grâce dans le Verbe, avant la création du monde, ne se comprend que dans l’ordre, très réel certes, de l’intention, qui est aussi, pour Augustin, l’ordre de la promesse, laquelle porte déjà en elle son accomplissement, comme l’ordre d’intention implique l’ordre d’exécution.

De cet ordre de la promesse, Augustin nous dit encore que Dieu l’arrête en toute indépendance : Non de noslræ voluntatis potestatc, sed de sua prædestinatione promisil. Promisil enim quod ipse facturas fueral, non quod homines, De præd. sanct., x, 1 !), t. xliv, col. 975, et qu’il est seul à en assurer la réalisation : ipse facil ut illi (homines) faciant quæ preecepit, non Mi faciunt ut ipse faciat quod promisil. Ibid.

C’est encore l’ordre d’intention et l’ordre d’exécution qu’il met en corrélation par le discernement ou l’élection gratuite, d’une part, et la vocation à la foi et la persévérance, d’autre part : Quicumquc ergo ab Ma originali damnalione isla divines gratiæ largilate discreti sunt, non est dubium quod et procuratur eis audienqum Evangclium, et cum audiunt credunt, et in ftde quæ per dilectionem operatur, usque in finem persévérant, De corr. el gral., vii, 13, t. xliv, col. 924, ou qu’il différencie, sous les noms de prédestination et de grâce. Inter gratiam porro et prædeslinalionem, hoc lantum intcresl quod prædestinalio est gratiæ præparalio, gralia vero, jam ipsa donalio. De præd. sanct., x, 19, t. xliv, col. 974. Mais qu’on remarque bien quelle est la différence : l’une est la réalisation de l’autre : Prædestinalio est graliæ præparalio, gralia vero, jam ipsa donalio.

D’une façon plus complète encore, Augustin oppose les deux ordres en les distinguant, nettement cette fois : Elecli sunt ilaque ante mundi constitutionem ea prsedestinatione in qua Deus sua fulura prsescivii : elecli sunt autem de mundo ea vocatione, qua Deus id quod prædeslinavit impleoit. Ibid., xvii, 3 1. t. xliv, col. 98(5. A l’élection qui est, dans sa thèse de la prédestination gratuite, le premier acte de l’ordre d’intention, il oppose la vocation qui est le premier acte de l’ordre d’exécution : à l’expression anle mundi constitutionem, qui fait ressortir l’extratemporalité de l’ordre d’intention, il oppose l’expression de mundo, qui place dans le temps l’ordre d’exécution. Enfin il souligne leur étroite relation : qua Deus id quod prædeslinavit implevil, l’un ne se concevant pas sans l’autre.

On trouverait encore cette distinction nettement sous-entendue dans les passages suivants que nous

signalons seulement : De spirilu et lillera, xxiv, 39. t. xi. iv, col. 221 ; De gesiis Pelagii, v, 14, 15, col. 328 et 329 ; De diversis qumstionibus L.v.v.v/II. q. i.xvi, < ;, t. xl, col. 73 ; Episl., clxxxvi, 25, t. xxxiii, col. 825 ; Enchiridion, xxx, t. xl, col. 246.

Il serait donc exagéré de la revendiquer, comme certains en furent tentés, pour la seule spéculation médiévale. Celle-ci en a tiré un excellent parti, certes, et en a fixé la terminologie. Mais elle ne l’a aucunement découverte, comme l’a fort bien expliqué le P. Garrigou-Lagrange qui assure que c’est là une distinction des plus élémentaires, saisie par le sens commun, avant toute culture philosophique >. Angelicum, 1931, p. 43.

Mais il est temps d’analyser cet ordre d’intention que nous appellerons, pour rester davantage dans la façon de parler d’Augustin, Vordre de la promesse ou. mieux encore, la prédestination éternelle.

1° La prescience divine hors de la prédestination. Son objet. — Dès notre avant-propos, nous laissions apercevoir que l’originalité et le mérite d’Augustin consisteraient, entre autres choses, dans son heureuse façon de déterminer les rapports qui existent entre la prédestination et la prescience, rapports que saint Paul, au dire des meilleurs exégètes, avait laissés dans une certaine indétermination. Considérant, avec l’évêque d’Hippone, la pré leslination éternelle, il nous faut examiner la penséî du saint docteur sur cette prescience, avant que d’établir, avec lui, les rapports qu’elle a avec la prédestination.

Pour Augustin, comme pour tout philosophe, la science étant un habilus, spécifié par son objet, c’est la considération des divers objets qu’il assigne à la prescience divine qui nous permettra de caractériser celleci. Or Augustin assigne à cette prescience deux objets différents, qui se diversifient comme suit : l’un est étranger à l’économie du salut, plus précisément à la prédestination, l’autre en fait partie intégrante. Il distingue donc deux manifestations de la prescience : la prescience divine hors de la prédestination, la prescience divine dans la prédestination.

Précisons, pour être complet, que cette distinction n’est pas exclusive. Ce n’est pas uniquement à propos de la prédestination, que le saint évêque fait appel à la prescience divine. Dans ses divers ouvrages, il traite souvent de celle-ci. Il aime, entre autres choses, résoudre par elle le problème du mal, ainsi que nous le verrons plus loin : qui creavil omnia bona valdc, el mata ex bonis exorilura esse præscivil. De corr. et gral., x, 27, t. xliv, col. 932.

Cependant, lorsqu’il parle prédestination, Augustin est particulièrement explicite au sujet de la prescience. Il distingue une prescience qui concerne les non-prédestinés et une prescience qui a pour objet propre ceux qui sont prédestinés. Occupons-nous uniquement, ici, de la première.

La prescience des non-prédestinés. — Il faut entendre par là les baptisés que Dieu laisse, selon de mystérieux desseins, vivre jusqu’à leur chute, en dépit de sa prescience qui l’avertissait de cette chute prochaine : Ad occulta ergo Dei judicia revocale… illum baptizatum in hac vila relinqui quem præscivil Deus impium fulurum. De gral. el lib. arb., xxiii, 45, t. xliv, col. 910.

C’est encore de cette prescience que sont l’objet ceux qui, en dépit des apparences, n’ont pas été élus par Dieu d’une élection etlicacc : Et lamen quis negel eos electos, cum credunt et baptizantur et secundum Deum vivunt ? Plane dicuntur elecli a nescientibus quid futuri sinl. non ab Mo qui eos novit non habere perseverantiam quæ ad bealam vilain perducil, scitque Mos ila slare ut prœscieril esse casuros. De corr. et gral., vii, 16, t. xliv, col. 925. La connaissance que Dieu a de leur fidélité présente s’accorde avec celle qu’il a déjà de leur in fi-