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157’PHOTIUS. LA REVANCHE DE ROME

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tien, une galère rapide qui devait empêcher ceux-cid’accomplir leur mission. Au bout de six semaines, il était évident que Basile ne s’entendrait pas avec Photius. Celui-ci finit du moins en beauté. Les témoignages du continuateur de Œorges Hamartolos et de Léon le Grammairien ne paraissent guère pouvoir être révoqués en doute. Le prétexte trouvé pour écarter Photius fut le refus qu’il fit publiquement de donner la communion à l’empereur assassin. Le patriarche, à la mi-novembre, fut relégué au couvent de Sképé, sur la côte européenne de l’embouchure nord du Bosphore. Tout indiquait de rendre à Ignace le trône patriarcal. On choisit pour la cérémonie de la réinstallation le 23 novembre, anniversaire du jour où Ignace avait été renversé. D’urgence, un courrier fut envoyé à Rome pour signifier au pape Nicolas, dont on ignorait la mort, ces événements inattendus. Ce serait le pape Adrien II, consacré le. Il décembre 867, qui donnerait à l’affaire photienne une solution que l’on put croire définitive, et cela dans un important concile romain tenu en juin 869, puis au VIIIe concile œcuménique qui siégera à Constantinople dans l’hiver de 869-870.

Les décisions prises à Rome.

Le concile romain

de 869 ne prit ses décisions qu’à la suite de négociations assez longues entre la curie romaine et le Sacré Palais ; la lenteur des communications fut cause que les pourparlers durèrent près de deux ans.

1. Les propositions faites par Constantinople à Rome.

— Deux courriers partirent successivement de la « cité gardée de Dieu » à l’hiver de 867. Nous n’avons pas les pièces qu’emportait le premier, dont nous venons de signaler le départ ; mais, à en juger par la réponse que fait le pape Adrien, le 1° août 868, Jafîé, n. 2908 et 2909, seul l’empereur prévenait le pape des événements survenus, Ignace n’ayant pas cru indispensable de notifier à Rome la manière dont il était remonté sur son siège. Adrien en exprime sa surprise dans la seconde des deux lettres signalées.

Par contre, nous possédons une longue lettre du patriarche restauré et qui accompagne une autre lettre impériale, datée elle-même du. Il décembre, ci-dessus, col. 15j7. L’année n’est malheureusement pas donnée, mais, comme les deux pièces sont adressées au pape Nicolas, il faut bien qu’elles soient de la fin de 867 ; il serait bien invraisemblable, quoi qu’en pense Aristarchos, que treize mois après la mort de Nicolas on n’ait pas encore eu à Constantinople connaissance de la chose. C’est le. Il décembre 867 que marque Dôlger, n. 474. Voici donc comme il nous paraît qu’il faut restituer la suite des événements.

Un premier courrier part sitôt le rétablissement d’Ignace, porteur seulement d’un message impérial ; puis, deux ou trois semaines plus tard, l’empereur et le patriarche se décident à écrire longuement à Rome. Ces deux lettres du basileus et du patriarche sont toutes deux intéressantes. Dans la première percent déjà les vues conciliatrices de Basile I er. Dès le début, il s’est rendu compte que la paix religieuse ne saurait être rétablie que par des concessions mutuelles ; restaurer Ignace sans faire un sort aux anciens partisans de Photius, entrer à l’égard de tous ceux-ci dans la voie des exécutions et des représailles, c’est perpétuer les troubles. Le mieux serait qu’à Rome on prît conscience de cette situation ; les deux partis en présence, photien et ignacien, vont donc s’y transporter et plaider contradictoirement leur cause ; mais il faudrait aussi que, sur place, des apocrisiaires romains vinssent se rendre compte de la complexité du problème. Les mêmes préoccupations inspirent la lettre parallèle du patriarche restauré. Après de très vives protestations de son respect, de sa dévotion à l’endroit de l’Église romaine, Ignace se préoccupe surtout de donner au

pape un aperçu de la situation ecclésiastique de la ville et du patriarcat, distinguant les différentes catégories d’évêques et de prêtres, les uns ordonnés par Photius, les autres par les patriarches antérieurs, les uns ayant résisté à l’intrus, les autres ayant eu avec lui des rapports ecclésiastiques. Il est remarquable d’ailleurs qu’Ignace ne suggère aucune solution ; sans doute estimait-il que le basileus avait suffisamment exposé ce qu’en l’occurrence il convenait de faire.

Au début de sa lettre, le basileus exprimait l’appréhension que sa première missive n’ait eu, en route, quelque mésaventure. En réalité, celle-ci atteignit assez promptement la curie romaine, puisque le pape Adrien y fit réponse le 1 er août 868. Au contraire, la lettre du. Il décembre aurait mis fort longtemps pour parvenir à Rome. Adrien ne l’avait pas encore le 1 er août, et il paraît bien que, par suite de mésaventures arrivées au courrier (voir Lib. pont., t. ii, p. 178), elle n’arriva à Rome qu’au printemps de 869. Voir la fin de la lettre d’Adrien. Jaffé, n. 2914.

[A la vérité, si l’on admet que dans l’adresse des deux lettres de Basile et d’Ignace, le mot Kicolao provient d’une erreur de transcription, on peut proposer une autre restitution des événements :

a) Novembre 867, expédition de la seule missive impériale non conservée. — b) Août 868, réponse d’Adrien à cette missive ; le pape s’étonne qu’Ignace ne lui ait pas signifié directement sa restitution. — c) Décembre 868, les deux lettres de Basile I er et d’Ignace, analysées ci-dessus (l’empereur et le patriarche ont eu le temps de se rendre compte de la situation à Constantinople). —— d) Printemps 869, arrivée à Rome de ce courrier. La réponse est donnée par le concile romain de juin 869.]

2. Le concile romain de juin 869. (Sur les actes, voir ci-dessus, col. 1550 ; il existe un récit populaire du concile dans le Liber pontificalis, Vila Hadriani, t. ii, p. 178-179). — Quoi qu’il en soit de ces questions de date, voici quelle est, à Rome, la situation en juin 869. Les représentants du basileus et d’Ignace, ceux aussi des partisans de Photius sont arrivés. Quel est le point de vue de tous ces Byzantins ? Il faut, pensent-ils, " discuter contradictoirement la question qui se pose, depuis onze ans, entre Ignace et Photius ; s’en tenir en somme à la lettre du pape Nicolas I er de 865 (ci-dessus, col. 1569), sans se préoccuper soit des documents romains de 866, soit du concile photien de 867. A cette dernière assemblée, trop de gens se sont compromis ; au cours des années précédentes déjà, la grande masse de l’épiscopat a pris fait et cause pour Photius. Le plus simple est de passer l’éponge. Il n’est peut-être pas impossible d’arriver à une entente entre Ignace et Photius. L’histoire byzantine avait déjà connu tant de situations dont on ne s’était tiré qu’en appliquant le principe de 1’ « économie ».

Tout autre était le point de vue romain. Depuis 865, estimait-on, il y avait eu deux « faits nouveaux ». Le premier était la condamnation formelle de Photius en 866 : n’ayant pas répondu à la sommation pontificale dé 865, le patriarche intrus avait été, somme’toute, condamné par contumace. Le second fait nouveau était le concile photien de juillet 867, où Photius avait poussé l’audace jusqu’à condamner le Siège apostolique qui ne peut être jugé par personne, prima sedes a nemine judicatur. De cette forfaiture, les actes du concile photien étaient les irrécusables témoins. A cette forfaiture s’étaient associés tous ceux qui en avaient signé les procès-verbaux. Moyennant les satisfactions convenables, on pouvait pardonnera ces derniers. Mais l’outrage énorme fait à l’Église romaine ne saurait plus être passé sous silence. La question photienne n’était plus une question intérieure de l’Église de Constantinople ; elle était devenue une question