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2833 PRÉDESTINATION. S. AUGUSTIN. ÉTAT UE LA QUESTION 2834

la prédestination dans les commentaires qu’ils ont donnés des paroles de l’Écriture où il est question de ce mystère.

Chez saint Augustin, nous étudierons successivement : I. L’état de la question. II. Le mystère (col. 2843). III. La prédestination éternelle (col. 2849). IV. Les elïets de la prédestination dans le temps (col. 2863). V. La solution des difficultés (col. 2888). VI. Conclusion : la définition augustinienne de la prédestination (col. 2895). VIL Appendice : les disciples de saint Augustin (col. 2897).

I. L’état de la question. — 1° Idée générale de la prédestination. — On a dit très justement que saint Augustin, par ses enseignements sur la prédestination, complétait sa doctrine sur l’ordre de la grâce en.lui-même et que, ’conformément à la définition donnée par lui de cette prédestination, celle-ci n’était autre chose que la préparation éternelle de la grâce qui fait les élus. F. Cayré, Précis de palrologie, t. !, 1927, p. 670.

C’est en effet le caractère gratuit de la prédestination à la gloire qu’Augustin a le plus souvent en vue dans ses ouvrages, surtout dans ceux de la fin de sa vie. C’est la défense, entreprise par lui, de cette gratuité contre pélagiens et semi-pélagiens qui nous a valu les éléments un peu épars, maisadmirablement complets et cohérents, de sa doctrine sur ce point important de notre foi.

Ces éléments, il faut les recueillir déjà dans ses Confessions, dont le passage célèbre, da quod jubés et jubé quod vis, t. X, c. xxxvii, 60, P. L., t. xxxiii, col. 804, contient, ainsi que lui-même l’affirme, le principe de tous ses enseignements postérieurs, lesquels seront formulés dans leurs lignes essentielles dès le début de son épiscopat, dans le De diversis quæstionibus ad Simplicianum, t. I, pour se préciser et s’affirmer jusqu’à sa mort, survenue pendant la rédaction de l’ouvrage contre Julien d’Éclane.

Augustin se réclame continuellement de saint Paul. C’est le fameux passage Rom., viii, 29, qui sert de point de départ à ses propres investigations. On sait du reste que c’est la détermination des rapports entre la prescience et la prédestination, quos preescivit et prsedestinavit, qui forme le nœud de la question et qui reste le but de tout le travail théologique entrepris autour de la prédestination, au cours des siècles.

Entre les solutions erronées dont les deux formes extrêmes furent ou devaient être celle des manichéens d’une part, celle des pélagiens d’autre part, ceux-ci affirmant à des degrés divers l’indépendance de la volonté humaine, ceux-là leurs dogmes fatalistes, Augustin, docteur de la grâce et théoricien non moins averti du libre arbitre, développa, sous la poussée même des hérésies, sa propre doctrine.

Lui aussi rattache la prédestination à la prescience jusqu’à les définir l’une par l’autre, jusqu’à se servir indifféremment de l’un ou de l’autre terme ; mais son originalité consiste à voir dans la prescience non pas la prévision des mérites, mais la connaissance éternelle des dons que Dieu a décidé d’accorder aux hommes pour faire leur salut. De dono pers., xx, 53, t. xlv, col. 1026. En fait, comme le dit F. Cayré, loc. cit., la prédestination est pour Augustin une volonté ferme et précise qu’a Dieu de sanctifier et de sauver gratuitement tous les élus. Enchiridion, c, t. xl, col. 279. Il en a déterminé le nombre ; il les connaît individuellement ; il a préparé pour chacun d’eux les moyens infaillibles de les conduire à la grâce ; il veut leur faire accomplir les œuvres méritoires qui sont la condition du ciel, bien qu’elles n’aient pas été la condition du choix divin ; enfin, il veut leur accorder la persévérance pour fes introduire dans la gloire au degré prévu et préparé pour chacun. Tous les élus : electi ou vocali secundum proposilum (De corrept. et grat., vii, 14,

t. xliv, col. 924), objet de cette prédestination, seront sauvés pour manifester la miséricordieuse bonté de Dieu, et seuls ces élus le seront. Les autres, simplement appelés, vocali, seront exclus du ciel, à cause de leurs péchés et feront éclater sa justice. Telle est bien, dans ses grandes lignes, la pensée exacte de saint Augustin au sujet de la prédestination. Quelle en est la valeur ?

Autorité de saint Augustin en la matière.

Nous

sortirions de notre sujet, à nous étendre sur l’autorité de l’évêque d’Hippone. La chose a été faite à l’art. Augustin (Saint), col. 2317 sq. Pour la question qui nous occupe, retenons qu’au dire de l’auteur de cet article : « Augustin développa avec une rare ampleur certains dogmes, les dégagea de l’enveloppe traditionnelle. .., les mit, le premier, en lumière. Ce sont, avant tout, les dogmes de la chute, de la réparation, de la grâce et de la prédestination. »

Sans doute l’Église n’a point fait siennes toutes les explications du saint Docteur sur ces « difficiles questions ». Dans VIndiculus de gratia Dei (Denzinger-Bannwart, n. 142), le pape Célestin I er ne veut pas que les investigations plus approfondies (d’Augustin), nécessitées par la lutte contre les hérésies, soient mises sur le même plan que les enseignements du Siège apostolique. A la vérité, des pontifes romains donnent à l’ensemble de la doctrine une approbation globale, tels Célestin lui-même, ibid., n. 128, Hormisdas : De arbitrio tamen libero et gratia Dei quid Romana, hoc est catholica, sequatur et servet Ecclesia, licet in variis libris B. Augustini, et maxime ad Hilarium et Prosperum, abunde possit cognosci (dans Thiel, Epistola sijnodica, c. xxiv), Gélase (Denzinger-Bannwart, n. 165), Jean II : Augustinus, cujus doctrinam secundum prædecessorum meorum slalula Romana sequitur et probat Ecclesia. Ep. ad sénat. ; à la vérité, des conciles (Orange Quierzy) ont formulé plusieurs de leurs canons en employant les termes mêmes d’Augustin. Il ne s’agit là, pourtant, il convient de le rappeler, que d’une approbation d’ensemble, laissant le champ grandement ouvert aux discussions de détail.

Néanmoins, l’enseignement d’Augustin porte avec lui ses garanties dont la moindre n’est pas le caractère « contemplatif » de sa théologie, si bien mis en relief par F. Cayré, Précis de patrologie, t. i, p. 647 et dans La contemplation augustinienne. Dans le De prwdeslinatione sanctorum, le saint évêque pouvait, touchant la gratuité de la prédestination, parler de révélation : quam mihi Deus in hac quæstione solvenda, cum ad episcopum Simplicianum scriberem revelavit. De præd. sanct., iv, 8, t. xliv, col. 966. Au surplus, parce qu’il n’ignorait pas les arguments traditionnels sur cette question, ibid., xiv, 27, col. 980, non plus que les écrits de ses devanciers (ibid.), il avait conscience d’apporter, en connaissance de cause, de nouvelles lumières, le plus souvent par un simple retour au vrai sens du texte sacré. Ibid., 28.

De fait, il ressort de la lecture de ses ouvrages, que la source de son enseignement, en matière de, prédestination, fut la Sainte Écriture. Dans l’Évangile, il affirme trouver déjà une explication assez claire de la prédestination et sans doute les dons de sagesse et d’intelligence l’y aidaient-ils. De præd. sanct., xiv, 35, t. xliv, col. 986. Mais son maître par excellence fut saint Paul. Il ne se lasse pas d’en rapporter les textes les plus divers dont il a saisi à merveille la cohérence. Il les explique longuement, persuadé de n’avoir rien de mieux à faire en faveur de sa thèse. Ils sont sa règle inviolable et sa pierre de touche pour discerner l’erreur. De grat. et lib. arb., vii, 16, t. xliv, col. 891. On sait qu’une méditation plus attentive du Quid habes quod non accepisti de l’Apôtre, le fit revenir sur sa doctrine touchant l’initium fidei, De præd. sanct., xiv, 27,