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    1. PRÉDESTINATION##


PRÉDESTINATION. LES SUCCESSEURS D’OIUGÈNE

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les dispositions ardentes et généreuses de Paul, l’appela à l’apostolat et lui réserva les grâces de choix qui firent de lui le héros de la prédication évangélique.

Il ne semble pas qu’il faille chercher autre chose dans ces textes (contre Prat et contre J. Tunnel, Interprétation du texte de I Tim., Il, 4, dans Revue d’hist. et de litt. tel., 1900, p. 385-415). lis constituent une apologie de la sagesse divine qui dispose toutes choses avec ordre et utilise les moyens les plus adaptés à la réalisation de ses desseins. Il est d’ailleurs à remarquer que le problème envisagé par l’Alexandrin n’est pas directement celui du salut personnel de Paul mais bien celui de sa vocation au ministère apostolique. Cette constatation élémentaire réduit notablement la valeur des conclusions doctrinales que l’on croit pouvoir tirer de ces textes.

Le traité De oraiione donne également occasion à Origène de formuler les mêmes principes. Certes rien ne peut nous arriver de bon qui n’ait été prévu et ordonné par Dieu, mais Dieu a prévu notre prière et les qualités qui la rendraient agréable à ses yeux. Ainsi la prière est-elle utile pour obtenir les faveurs divines. Op. cit., 6, t. XI, col. 433-437.

Dans son Commentaire de l’épître aux Romains, Origène pose, de façon plus explicite, la question de notre vocation surnaturelle ; la doctrine qui y est contenue rappelle de fort près celle d’Irénée. Faisant allusion à l’expression de saint Paul : Us qui secundum propositum vocati sunt, Rom., viii, 28, le théologien distingue une double vocation : un appel secundum propositum et un appel non secundum propositum. Omnes quidem vocati sunt, non lamen omnes « secundum propositum » vocati sunt. In Rom., vii, 8, t. xiv, col. 1125 D-1126. Tous sont appelés, mais ceux-là seuls sont justifiés (et ultérieurement glorifiés) qui joignent à l’appel divin une bonne volonté et un bon propos touchant les choses de Dieu. Les autres sont appelés eux aussi, ne eis excusatio relinquatur, ibid., col. 1126 A, mais, n’ayant pas un « bon et ferme propos », ils ne seront pas justifiés. La 77pô0eai< ; paulinienne est ainsi entendue toutd’aborddupropos humain, mais Origène déclare aussitôt qu’il ne tient pas à cette exégèse ; en effet, selon sa doctrine générale qui est ici brièvement rappelée, il n’y a pas de propos humain sans un propos divin préalable, pas d’action humaine sans une prescience divine. Ibid., col. 1120 B. Le commentateur tient surtout à affirmer l’existence d’un appel général, universel au salut, et il insiste sur la réalité de cet appel puisqu’il rend inexcusables ceux qui négligent d’y répondre. Il formule ainsi ses conclusions, à l’aide d’énoncés antithétiques, comme il l’avait fait au Periarchon : - Ainsi la prescience de Dieu ne porte pas la responsabilité complète de notre salut ou de notre perte ; ni la justification ne dépend de la seule vocation, ni la glorification n’est absolument en dehors de notre pouvoir. » Ibid.. col. 1 12(5 C. D’une part, la vocation divine ne nous justifie pas seule (c’est-à-dire sans notre libre concours) ; d’autre part (Dieu nous appelant tous) personne n’est exclu de la béatitude si ce n’est par sa faute. Ces formules constituent simplement la trans position théologique de la doctrine du concours de la prescience et de la liberté telle qu’elle a été établie au Periarchon.

Les intentions générales qui animent la spéculation d’Origène sont parfaitement claires. Il s’agit tout d’abord d’établir le bien-fondé et la justice des conduites divines (intention apologétique) ; il s’agit aussi d’encourager les fidèles dans l’accomplissement de toute bonne œuvre (intention catéchétique). L’appel constant à la prescience divine répond surtout au premier de ces objets. Par le fait que Dieu connaît toutes choses, y compris les secrets des cœurs, il pourra disposer toutes choses avec sagesse et traiter chacun selon

ses œuvres. Par ailleurs cette prescience ne nous dispense ]ias d’agir en toute liberté et responsabilité ; elle a pour dessein et pour effet de susciter et de promouvoir toute œuvre libre. Le concours de l’initiative divine et de notre bon propos nous vaudra des grâces meilleures et finalement la gloire ; notre malice, notre refus des suggestions divines nous vaudra, en raison même du mépris de l’action bienveillante de Dieu, notre endurcissement et notre perte ; ce sera le juste châtiment de notre conduite. Cette doctrine envisage beaucoup moins la prescience divine dans son aspect absolu et transcendant que dans son action sur la destinée humaine, dans ses conséquences et ses effets auxquels nous avons, nous aussi, notre part. La conduite de Dieu et celle de l’homme sont unies, de façon inséparable, dans l’œuvre unique du salut ; sa réalisation progressive dépend de l’une et de l’autre causalité, mais d’abord et surtout de l’initiative divine qui appelle tout le monde au salut.

IV. Les successeurs d’Origène. — Les œuvres d’Origène portent la trace d’un effort personnel et original en vue de constituer une théologie de la prescience divine. Ses successeurs auraient pu poursuivre le travail, préciser la doctrine et l’enrichir d’aperçus nouveaux. En fait leur activité intellectuelle va se trouver accaparée par les controverses trinitaires et christologiques ; les problèmes de la grâce, en dépit du conflit occidental autour de Pelage, ne s’imposeront pas de façon spéciale à leur attention. L’Orient conserve, sur ce point, les positions et les expressions mêmes d’Origène ; la chose est digne de remarque si l’on songe à l’acuité des querelles soulevées autour de la mémoire du grand Alexandrin. On se contentera donc de manifester ici brièvement la continuité de la tradition grecque.

1°- Saint Atkanase, en plusieurs textes du De incarnatione Verbi, rejoint les expressions de saint Justin et d’Irénée. Comme eux il se plaît à mettre en parallèle l’œuvre de la création et le don de la grâce : « Dieu non seulement nous a faits de rien, mais il nous a accordé la’faveur de vivre selon Dieu, par la grâce du Verbe. » Op. cit., 5, P. G., t. xxv, .col. 104 D. C’est là une idée familière à saint Athanase, seul le Verbe qui a tout fait de rien pouvait intervenir dans la réparation de l’humanité déchue. Ibid., 7, col. 108 D109 A ; 11, col. 113 D.

2° Saint Grégoire de S’azianze, comme l’avait fait Clément d’Alexandrie, enseigne que tout bien trouve en Dieu son principe et sa fin : roxp’oij xocXôv ôctcocv xai ap/s-rat. xal eîç réXoç ëp^SToa. Orat., vi, 12, P. G., t. xxxv, col. 737 R.

L’acte libre lui-même, tô SoôXeaGoa, et le choix des choses convenables, to 7rpoat.peïa6a !., sont un don de Dieu et un effet de sa bonté. Oral., xxxvii, 13, t. xxxvi, col. 297 C.

Grégoire, comme l’avait fait Origène, associe le texte de Paul : ncque volenlis, neque currenlis, Rom., îx, 10. et celui du psaume cxxvi : Nisi Dominus œdificaverit domum. Ibid. Sans doute, l’action humaine est-elle nécessaire à l’acquisition du salut, mais, puisque le vouloir aussi est de Dieu, tout doit être attribué à Dieu ». Ibid., col. 300 A. Ce concours de l’initiative divine et de notre liberté est exposé dans des termes qui rappellent de près ceux dont s’était servi Origène. Cf. Oral., ii, 17, I. xxxv, col. 428 A ; Oral.. XL, 31. t. xxxvi, col. 408 D. Cet accord n’est pas pour nous surprendre puisque le « Théologien » est avec saint Basile l’un des éditeurs de la Philocalie.

3° L’Occident latin lui aussi présente, à la fui du ive siècle, un témoignage explicite en faveur de la doctrine d’Origène. Il émane d’un adversaire déclaré, du fougueux saint.Jérôme, et a été rédigé alors que la querelle origéniste était déjà ouverte, ce qui ajoute