Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/70

Cette page n’a pas encore été corrigée
1575
1576
PHOTIUS. LA REVANCHE DE HOME


relative à la réception du VII< concile (II 1’de Nicée) et Photius faisait observer que les décrets de celui-ci , i.lient été pris par les représentants des quatre sièges patriarcaux, groupés autour de Taraise de Constantinople. omettant, par une prétention symptoniatique. la part qu’avaient prise à l’assemblée les représentants du premier siège.

Cette prétention achève de donner à l’encyclique photienne son véritable caractère. Elle n’est pas seulement une protestation véhémente contre la politique personnelle du pape Nicolas. A diverses époques, dans l’histoire de l’Église, on enregistre des actes qui s’élèvent contre la manière de faire de tel ou tel pape. Beaucoup de ces protestations font, plus ou moins explicitement, la distinction entre la sedes et le sedens, entre le Siège apostolique et celui qui en est présentement le titulaire. Ici. rien de tel ne se perçoit (sauf peut-être dans l’allusion aux révoltes de certains Occidentaux contre la tyrannie de Nicolas). C’est le Siège romain qui est attaqué. Les polémistes grecs ultérieurs ne se tromperont pas, qui feront de l’encyclique photienne l’arsenal où se trouvent toutes les armes contre les « prétentions » de la Vieille Rome.

2. Le concile de 86 7. — L’encyclique de Photius doit être des premiers mois de 8C7 ; elle a été rédigée sous le coup de l’indignation causée par le repliement des missionnaires byzantins en Bulgarie devant l’arrivée des Latins. Elle parlait de la réunion prochaine, à Constantinople d’un grand concile qui ferait le procès du pape Nicolas.

De ce concile, il ne s’est conservé, avons-nous dit, aucune pièce officielle, Les renseignements qui le concernent nous sont fournis, d’une part, par des sources latines : Anastase, préface, col. 13 : procès-verbal du synode romain de juin 869, ci-dessus, col. 1550 ; d’autre part, par des sources grecques : Nicétas, Vie d’Ignace, P. G., t. cv, col. 537 ; Métrophane, Lettre à Manuel, Hardouin, t. v, col. 1112 sq., Mansi, t. xvi, col. 413 E sq. ; enfin le Synodicon velus, notice 152 (celle qui figure dans l’édition de Pappus a été fabriquée au xvie siècle ; voir celle qui est dans Mansi, t. xvi, col. 533). A les examiner de près, ces renseignements sont contradictoires. Les textes grecs, au moins Métrophane et le Synodicon, voudraient faire croire que le concile, en réalité, ne s’est pas tenu, que les actes qui en étaient conservés au Sacré Palais, ceux qui furent envoyés à Rome, étaient fabriqués de toutes pièces, et, qu’on nous permette l’expression, faits de chic, qu’en particulier la longue liste des signatures qui s’alignaient au bas des actes et où figuraient en bonne place les noms des deux souverains, Michel et Basile, avait été tout entière supposée. Les sources latines font entendre, au contraire, que le concile a été réellement tenu, quoi qu’il en fût du grossissement qu’avait pu recevoir la liste des signataires (et ici Anastase semble donner libre carrière à sa féconde imagination). Tout bien considéré, ce sont les Latins qui ont raison. Les expressions très embarrassées des Grecs s’expliquent à merveille. Comme nous allons le dire, à l’automne de 867, un revirement politique s’est opéré à Constantinople. Six mois après la fin du concile, il n’était plus de bon ton, il pouvait même être dangereux d’avoir figuré parmi les signataires du synode photien. L’empereur Basile implorera l’indulgence du pape Adrien II pour ceux qui, trompés ou terrorisés. ont donné leur assentiment au patriarche. Voir P. L., t. cxxix, col. 113 D-114 A. Un peu plus tard, à Constantinople, les gens compromis, et ils étaient légion, firent courir le bruit que le concile n’avait jamais existé que sur les registres de Photius, et ce sera désormais la vérité officielle. L’ère des palinodies était commencée.

Il ne fait pas de doute pour nous que le concile n’ait

été tenu et qu’il n’ait réuni un nombre considérable de membres. Il ne faut pas se dissimuler que, dans l’ensemble, l’épiscopat grec était avec Photius, et d’ailleurs une bonne partie des évêques, depuis 858, avait été ordonnée par lui. On dut leur lire les différentes pièces émanées de Borne depuis 861, mais aussi les plaintes venues d’Occident contre la « tyrannie « de Nicolas I er ; on énuméra les griefs contenus dans l’encyclique photienne du début de l’année, en exposant tous les empiétements du pape, en dehors de sa circonscription. En fin de compte, on prononça contre le titulaire du Siège apostolique une sentence de déposition, d’anathème et d’excommunication ; sentence qui atteindrait aussi ses partisans. Pis encore ; faisant état des nouvelles venues d’Occident et qui rapportaient la tension qui venait de se produire entre le pape et l’empereur Louis II, on s’efforça de monter davantage encore celui-ci contre le pontife : « Par de grands présents, écrit Nicétas, Photius sollicitait le roi de Francie, —rôv p^yot OpayYiaç, Louis et sa femme Ingeberge, leur promettant de les faire reconnaître comme basileis par Constantinople, s’ils coopéraient à son entreprise et s’ils employaient la violence pour chasser le juste (Nicolas) de son Église. » Loc. cit., col. 537. Copie de tous ces actes fut expédiée aux patriarcats orientaux : deux dignitaires grecs, Zacharie de Chalcédoine et Théodore de Laodicée partaient en même temps pour Borne, afin de les faire tenir également au pape Nicolas et à l’empereur Louis. Ceci a dû se passer à la fin de l’été 867.

De tous ces événements, le pape Nicolas n’eut pas une connaissance détaillée, mais il en sut assez pour se rendre compte du danger qui le menaçait. Si elle se réalisait, l’alliance entre Photius et l’empereur Louis II était grosse de conséquences. Les pénibles démêlés de 864 pouvaient se renouveler. Plus encore qu’à ces craintes, Nicolas était sensible aux menaces de division entre les deux Églises grecque et latine. Il avait eu certainement communication de l’encyclique photienne du début de l’année. Il fallait, de toute urgence, répondre aux griefs que l’Église d’Orient faisait à sa sœur d’Occident. On a dit à l’art. Nicolas I er, col. 508-509, les mesures qui furent prisés en ce sens par le pape. Jaffé, n. 2879, 2880, 2883. C’était la mobilisation de toutes les forces théologiques de l’empire carolingien contre l’attaque grecque. Ces lettres sont d’octobre 867, et le pape, qui mourut le 13 novembre, ne put en connaître l’effet. Encore moins put-il connaître les graves événements qui se précipitaient à Constantinople depuis le 24 septembre. Presque à la même date où Nicolas mourait, Photius était jeté bas du siège de Constantinople ; Ignace reprenait la place d’où il avait été évincé, neuf ans auparavant !

VI. LA REVANCHE DE ROME. I.E RÉTABLI SSL M i : I DE L’UNION ENTRE LES DEUX ÉGLISES. — Le coup

de théâtre s’était donc produit dans la nuit du 23 au 21 septembre 867, où Basile avait fait assassiner Michel ; le lendemain, il était proclamé seul empereur. Ses premiers actes disaient assez qu’il allait prendre le contre-pied de la politique de son prédécesseur. Celle-ci avait été, en définitive, dirigée par Bardas, l’irréconciliable ennemi de Basile ; même après la mort de son oncle. Michel l’avait continuée. Photius avait pris sur lui un énorme ascendant, ’faut bien que mal, au cours de l’année 866-867, Basile s’étail accommodé de ce rival qui balançait son influence auprès de l’incapable Michel. Maintenant que celui-ci avait disparu, il serait facile de se débarrasser du pal riarche gênant. Ne cherchons point en cet empereur de scrupules religieux !

Quoi qu’-il en soit d’ailleurs, un de ses premiers soins avait été d’envoyer, à la poursuite du navire qui emportait vers l’Italie les messagers du concile pho-