Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/698

Cette page n’a pas encore été corrigée

2823

    1. PRÉDESTINATION##


PRÉDESTINATION. ORIGÈNE’2824

l’objet. Non enim secundum communem vulgi opinionem putandum est bona malaque præscire Deum, sed secundum Scriptwee Sacra’consuetudinem sentiendum

est. Comment, in Rom., vii, 7, P. G., t. xiv.col. 1123 A.

Dans la suite de son commentaire, Origène développe, avec plus d’abondance encore, la même thèse ; il l’illustre de plusieurs exemples et la résume dans la formule suivante : Sed cognovisse suos dicitur (Ueus), hoc est in dilectione habuisse sibique sociasse. lbid., 8, col. 1125 C. Il est dit de Jésus, Il Cor., v, 21, qu’il ne connaît pas le péché, ibid., col. 11^7 A ; de même Dieu n’a pas la science ni la prescience du mal : non quod aliquid latere passif illam naturam qux> ubique est et nusquam deest ; sed quia omne quod malum est scientia ejus net prtescieniia habetur indignum. lbid., 7, col. 1123 B,

Selon cttt ; ’doctrine, Origène enseigne que la prescience et la prédestination que distingue saint Paul, ont exactement même amplitude et même objet : Pulo quod, sicut non de omnibus dixil I Aposlolus) qui prsedestinati sunt, ita nec de omnibus quos pnescivit. lbid., col. 1123 A ; et plus loin : Invenitur enim, secundum hoc quod supra e.vposuimus, non pra’scisse Deus quos non pnedestinavit. lbid., 8, col. 1 124 C. Le R. P. Prat a mis en lumière, de façon très heureuse, ce caractère effectif de la prescience torsqu’il écrit : La prescience « n’est pas une simple prévision (comme est par exemple la prévision du mal), mais… une connaissance approbative. » F. Prat, Origène, Paris, 1907, p. 144. Mais cet auteur ne s’éloigne-t-il pas quelque peu de la pensée d’Origène lorsqu’il essaie de distinguer explicitement, dans la théologie de celui-ci, décret divin, prescience et prédestination ? lbid. En fait, le théologien d’Alexandrie n’emploie pas le mot décret ; il mentionne certes la prédestination quand il commente Paul, mais, lorsqu’il parle de son propre chef, la notion de prescience lui suffit pour marquer à la fois et les intentions de Dieu et la part qu’il prend à leur exécution. En effet, et c’est l’un des traits les plus marqués du réalisme grec, l’action divine est envisagée de façon concrète à partir de ses effets. Origène s’en explique lui-même avec toute la clarté désirable au Periarchon :

Le démiurge certes fait des vases d’honneur et des vases d’ignominie, mais non pas dès l’origine et selon sa prescience, car selon la prescience il ne juge pas d’avance et ne justifie pas d’avance ; mais (il fait) vases d’honneur ceux qui se puriiient eux-mêmes, et vases d’ignominie ceux qui négligent de se purifier. » De prine., III, i, 20, P. G., t. xi, col. 296 C-297 A ; passage transmis par la Philocalie. c. xxi, 20, éd. Robinson, p. 175. Origène, selon son habitude, bloque ici hardiment deux péricopes de saint Paul, celle de Rom., ix, 21 : "le potier est maître de l’argile et fait les vases comme il lui plaît >, et celle de Il Tim., ii, 21 : « celui qui pratiquera la vertu sera un vase précieux. » La pensée est claire, le démiurge fait, il a l’initiative de l’œuvre, mais ce qu’il fait c’est que l’un, se purifiant, sera un vase d’honneur, l’autre, négligeant de le faire, sera un vase d’ignominie. La prescience divine est exactement ia conduite divine intelligente qui prévient, suscite et mène à son terme l’effort humain. Tel est le point de vue adopté par Origène dans le traité du libre arbitre qui forme la partie principale du 1. 1Il du Periarchon. Il est nécessaire d’en marquer ici les principales conclusions.

Liberté et action divine.

Une première considération

générale est la suivante : Dieu a créé les êtres raisonnables doués de liberté, il leur donne non seulement la puissance nécessaire (virtus) mais leurs libres mouvements vers le bien : Volonlarios enim et libéras motus a se conditis mentibus Creator induisit, quo scilicet bonum in eis proprium fieret, mm id voluntate propria servaretur. De princ. II, ix, 2. t. XI, col. 226 D.

Ce libre arbitre créé est considéré comme une faculté intime de détermination indépendamment des circonstances extérieures, lbid.. III, i, 3, 4, 5, col. 2522.")ii. Celles-ci ne dépendent pas de nous, mais il dépend de nous d’en faire un bon ou un mauvais usage, lbid., col. 256 15. Ailleurs on nous dit que Dieu amait pu faire en nous ce qui paraît bon, mais il ne l’a pas voulu. Il tient à ce que nous fassions librement ce qu’il veut. In Jcremiam, boni, xix, t. xiii, col. 501 D504 A.

Dans cet esprit, Origène examine longuement les objections gnostiques et marcionites contre le libre arbitre en tant qu’elles prennent appui sur l’Ecriture. Il discute le cas du pharaon « endurci » par Dieu, De princ., III, i, 10-14 ; le texte d’Ézéchiel, xi, 19 : « J’ôterai de leur corps leur cœur de pierre et je leur donnerai un cœur de chair. » lbid., 15-18. Enfin les textes de saint Paul : neque volenlis neque currentis sed miserentis est Dei, Rom., ix, 16 ; Deus est enim qui operatur in vobis elvelleet per/icere, Philippiens, ii, ’3 ; cujus pull miseretur et qiiemvult indural, Rom., ix, 18. De princ., III, i, 18-21. La réponse d’Origène est la suivante : « OÛTCO XOct ï) YJfjlETSpa zskzltocsiç OÙ^l [i.ï)Sèv 7)[JLCâv

TrpxSâvTwv ylvETai, où (at]v àcp’r]|iûv àmxpxiC, e~a.t, âXXà ("kôç tô toXù -raôr/jç èvepYeu Notre perfection ne se réalise pas sans que nous agissions, pas plus que nous ne pouvons, de nous-mêmes, la réaliser, mais Dieu y a la plus grande part. » De princ., III, i, 18, t. xi, col. 292 A ; transmis parla Philocalie, c. xxi, 18, éd. cit., p. 171. L’auteur ajoute : lorsqu’un navire est sauvé dans la tempête, il est légitime de tout rapporter à Dieu, bien que les matelots aient fait évidemment tous leurs elïorts. /£> ; ’<L, col. 292 B ; Philoc, p. 172. Ainsi, dans l’œuvre de notre salut, n’y a-t-il pas de comparaison entre l’œuvre de Dieu et la nôtre et c’est pourquoi l’on dit : neque volenlis neque currentis sed miserentis est Dei. lbid.

La même doctrine est formulée ailleurs : Comment, in psalm., iv, 6, P. G., t.xii, col. 1160-1161 (Philoc., c. xxvi, 7, p. 239-241) ; Comment, in Rom., vii, 16, P. G., t. xiv, col. 1145 ; mais c’est peut-être dans le Periarchon, à la fur de la discussion sur le libre arbitre qu’elle est enseignée avec le plus de netteté- : « Ni notre libre arbitre (to èq>' -quÀv) sans la science de Dieu, ni la science de Dieu ne nous nécessite à progresser, si nous ne coopérons avec elle dans la direction du bien. Car ni notre libre arbitre sans la science de Dieu et sans la mise en œuvre d’une action dont les elîets nous sont imputables pour notre honneur ou notre honte, ni Dieu ne prépare seul quelque chose pour l’honneur ou pour la honte, s’il ne possède une matière susceptible de différences, à savoir notre libre élection (ttjv Y^ueTSpocv Trpoaîpecuv) inclinée vers le meilleur ou vers le pire. » De princ, III, I, 22, col. 302 C ; Philoc, xxi, 23, ]). 177. Le trait final rappelle évidemment le « plasma » d’Irénée, mais on pense qu’il est difficile de presser telle expression particulière pour lui donner un sens précis que l’auteur n’a pas en vue. Ce qui importe davantage c’est le balancement même des périodes, ni nous sans Dieu, ni Dieu sans nous ; ni Dieu sans l’usage de notre liberté, ni notre libre choix sans une initiative divine. Cette initiative de Dieu est appelée science (è7n.aTT)(i.Y]) ; on voit donc qu’il ne s’agit pas là d’un acte purement spéculatif, mais d’une science dynamique et pratique qui insère son effet au cœur de l’action humaine comme une forme dans une matière. Les deux causalités, la divine el l’humaine, loin de s’opposer dans la pensée d/Origène s’unissent dans un effet unique, chacune gardant ses prérogatives essentielles.

Mais une difficulté se fait jour dès lors que l’on envisage la science divine non plus dans sa coexistence avec ses effets, mais comme une prévision, c’est-à-dire comme la connaissance infaillible d’une chose future.