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PHOTIUS. LA ItLM’TURK AVEC ROME


basileus, Eudocie, aux sénateurs de Constantinople* aux deux principaux intéressés, Photius el [gnace, à l’épiscopat grec ressortissant de Byzance, au clergé en lin des autres patriarcats auquel on prenait soin de faire tenir tout le dossier de l’affaire photienne. Ce qui frappe encore, c’est, dans les documents adressés aux deux principaux responsables, le basileus et le patriarche intrus, une plus grande véhémence de ton. Parlant de la lettre « pleine de blasphèmes » à laquelle il avait déjà été répondu en 865, on dit que l’auteur a trempé sa plume dans la gorge d’une couleuvre. Le basileus n’a qu’à revenir à résipiscence et à faire brider publiquement son écrit, sinon, continue le rédacteur, « devant l’épiscopat d’Occident rassemblé, nous anathématiserons solennellement les responsables, et tous le’s écrits faits pour soutenir cette iniquité nous les ferons attacher à un gibet et publiquement brûler ». A Photius l’on fait grief, non seulement de son accession irrégulière au trône patriarcal, mais de ses agissements antérieurs ; ne s’est-il pas joint au parti de schismatiques qui combattaient Ignace (entendons les partisans de Grégoire Asbestas) ? On l’exhorte, sans doute à venir à résipiscence, mais, bien vite, l’exhortation se change en imprécation. — Sera-t-il permis de remarquer que tout cet étalage de.violence était bien inutile. On pouvait exprimer d’une autre manière tout ce qui est dit ici, et si, comme tout l’indique, Anastase fut le rédacteur de ces pièces, le pape eût été bien inspiré en tempérant quelque peu le penchant à l’invective de son belliqueux secrétaire, en faisant vérifier aussi les propos que les gens du parti ignacien avaient colportés à Rome. Surtout l’on aurait bien fait de s’exprimer avec plus de précision sur les questions de doctrine connexes aux affaires disciplinaires, et spécialement sur la validité des ordinations conférées soit par Grégoire Asbestas, soit par Photius. Les déclamations contre ces ordinations sacrilèges seront partiellement la cause des difficultés doctrinales que va bientôt soulever l’affaire des réordinations. Mais quoi ! la guerre était déclarée ; ce n’était plus le moment de ménager l’ennemi !

Gomment, à Constantinople, fut-on mis au courant, sinon du contenu exact de ce courrier, du moins de l’esprit général des documents en provenance de la curie romaine, c’est ce que nous ne nous expliquons pas très bien. Toujours est-il qu’à la frontière bulgarobyzantine, la légation romaine fut arrêtée par les représentants du basileus. Des propos fort vifs furent échangés, des menaces proférées par les Byzantins à l’adresse des Romains. Voir Lib. pont., t. ir, p. 165, et cf. la lettre de Nicolas I er à Hincmar. Jafïé, n. 2879. D’après cette lettre, les légats romains, incapables de remplir leur mission, demeurèrent auprès du roi des Bulgares ; c’est là qu’ils eurent connaissance de la contre-offensive de Photius. Ils purent se rendre compte aussi du succès, dans le jeune royaume, de la mission avec laquelle ils avaient d’abord fait route. Comme par enchantement, la Bulgarie se latinisait ; les missionnaires grecs étaient refoulés. Formose, l’évêque de Porto, prenait sur Boris un ascendant tel que celui-ci ne voyait plus que par lui. Bientôt, le kniaz allait faire à Rome de pressantes démarches pour obtenir que Formose fût élevé à la dignité d’archevêque des Bulgares. Le pape, lui, ne voyait pas de raisons pour déroger, sur ce point, au droit canonique occidental, qui, jusqu’à présent, s’opposait aux translations d’évêques. Lié à l’Église de Porto, Formose ne pouvait devenir l’époux d’une autre Église. Aussi Nicolas, à l’été de 867, décidait-il l’envoi en Bulgarie d’une nouvelle mission. Les deux évêques, Dominique de Trévi et Grimoald de Polimarti, partiraient accompagnés de prêtres parmi lesquels on choisirait, en tenant compte des désirs de Boris, le futur

archevêque qui viendrait se faire sacrer à Rome. Paul de Populonie et Grimoald resteraient en Bulgarie. Pour Formose, il convenait de l’en éloigner ; avec Dominique de Trévi il essaierait de passer a Constantinople pour observer le tour que prenait l’affaire de Photius.

La contre-offensive de Photius.

Au vrai, la

situation, sur les rives du Bosphore, s’était définitivement réglée. Jusqu’en 866, Photius avait évité d’entrer personnellement en conflit avec Nicolas I er. Seul le basileus avait riposté par la lettre « pleine de blasphèmes » aux injonctions du concile romain de 863. De toute évidence, ce sont les événements de Bulgarie qui ont fait sortir le patriarche de la réserve qu’il s’était jusqu’alors imposée. Sans compter que la connaissance qu’il put avoir des fameuses lettres du 13 novembre 866 était bien de nature à le jeter dans la révolte ouverte.

A tout prendre, sans doute, les circonstances politiques auraient dû le retenir. Au moment où il se lançait dans l’aventure, Bardas, son grand protecteur, venait de disparaître, assassiné en avril 86fi par Basile, le favori de l’empereur Michel. Cependant, les premières relations de Photius avec le nouveau venu avaient été assez bonnes. Somme toute, l’assassinat de Bardas avait été expliqué officiellement de telle manière que le patriarche avait pu prêter son concours à la cérémonie, où, le 26 mai, jour de la Pentecôte, Michel couronna Basile comme auguste et empereur. L’avenir montrerait que ce service serait vite oublié. Pour l’instant du moins, Photius put espérer que la politique religieuse du Sacré Palais ne serait pas modifiée. Là non plus, l’on ne souhaitait pas voir la Bulgarie échapper à l’emprise de Constantinople et l’on ne fut pas fâché, sans doute, d’entendre la protestation qu’éleva le patriarche contre les « empiétements » romains.

1. L’encyclique de 86 7. — Cette protestation est contenue dans une longue encyclique adressée par le patriarche œcuménique aux autres sièges patriarcaux de l’Orient. Epist.. i, 13, P. G., t. en, col. 721-742 ; Yalettas, n. 4. La nation bulgare, y lisait-on, commençait, sous l’influence des missionnaires de Constantinople ", à rejeter le culte des démons, quand des hommes exécrables, venus de l’Occident, le pays des ténèbres, ont entrepris de porter le ravage dans cette jeune plantation qui donnait de si belles espérances. Suivait l’énumération des « nouveautés » disciplinaires ou dogmatiques que les Latins avaient introduites : jeûne du samedi, permission du laitage dans la semaine qui précède le carême, célibat des prêtres, réitération de la confirmation donnée par les simples prêtres, sous prétexte que seuls les évêques peuvent mettre le sceau au baptême. Mais c’est surtout contre l’insertion du Filioque dans le symbole que Photius s’élevait avec véhémence, les mêmes arguments qu’il développera dans la Mijstagogie, ci-dessus, col. 1543, sont ici sommairement indiqués. Contre chacune de ces malfaçons le patriarche essayait d’invoquer les décisions canoniques qui les condamnaient. Il estimait nécessaire de porter de si grands forfaits à la connaissance des Églises orientales, espérant trouver chez elles un appui dans la lutte qu’il était indispensable de mener. Que chacune d’elles députât, sans tarder, des représentants à un concile qui se réunirait dans la capitale. Les Orientaux, d’ailleurs, ne seraient pas seuls à lutter contre celui qui, à Rome, détenait le pouvoir. Plusieurs évêques occidentaux sont excédés de sa tyrannie et du mépris qu’il fait des lois ecclésiastiques (il s’agit de Gunther de Cologne et de ses partisans, voir l’art. Nicolas I er, col. 512-514). Des plaintes sont arrivées de leur part, aussi bien que de moines victimes de la même tyrannie. Ces écrits, on les annexait à l’encyclique, afin que nul n’en ignorât. Une dernière remarque terminait le document ; elle était