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PRAXÉAS

PRÉADAMITES

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    1. PRAXÉAS##


PRAXÉAS. — Un des représentants du inonarchianisme, dont la personnalité demeure toujours mystérieuse. Voir art. MoNAiu ; niANiSME, t. x, col. 219*52200.

PRÉ ADAM iTES. — On a désigné sous ce nom des hommes que l’on supposait avoir vécu avant Adam. Dans l’hypothèse, l’Adam biblique, loin d’être le. premier des êtres humains et la souche de laquelle dérive toute l’humanité actuelle, aurait paru à une époque où, depuis longtemps, il existait des hommes sur la planète. Précisant cette donnée, on a prétendu que l’Adam biblique était exclusivement l’ancêtre du peuple hébreu. Cette hypothèse s’est doublée de celle des coadamites, suivant laquelle il y aurait eu d’autres souches humaines créées en même temps qu’Adam. Ces diverses suppositions, d’ailleurs immédiatement rejetées soit par les autorités officielles, soit par les théologiens des diverses confessions chrétiennes, partent de l’idée préalable que la Bible fournit une histoire de l’humanité, et s’efforcent de se concilier tellement quellement avec les données scripturaires et les conclusions qu’en a déduites la théologie. A côté de ce préadamitisme scripturaire, il y a place pour un préadamitisme strictement scientifique qui fait abstraction des données historiques fournies par l’Écriture sainte. Nous en dirons quelques mots pour terminer.

I. Le préadamitisme scripturaire.

Il a été constitué de toutes pièces par le calviniste français (ultérieurement passé au catholicisme), Isaac de La Peyrère. Voir son art. t. viii, col. 2615. Présenté d’abord en une mince plaquette, d’une cinquantaine de pages, Præadamilæ sive exercitalio super versibus 12°, 13° et 14° capilis V Epislolæ D. Paali ad Romanos, s. 1., 1655, développé ensuite en un volume compact, Syslema theologicum ex præadamitarum liypothesi, pars 7 a (la seconde partie n’a jamais vu le jour), s. 1., 1655, il a bien vite exposé son auteur à des mésaventures, au bout desquelles se plaça sa conversion au catholicisme et sa rétractation. Sur ces événements, il s’explique dans une Epistola ad Philolimum qua exponil raliones propter quas ejuraveril seelam Calvini quant profilebatur et librum de præadamitis quem ediderat, Francfort, 1658. C’est à l’aide de ces trois ouvrages qu’il faut reconstituer la genèse et l’ensemble du système, après quoi il y aura lieu de signaler l’accueil qu’il reçut tant chez les catholiques que chez les protestants.

Le système des préadamites de La Peyrère.

L’auteur

lui-même nous renseigne sur la manière dont l’hypothèse s’est formée dans son esprit, sur l’allure générale qu’elle a prise, sur les solutions qu’il a cru apporter aux difficultés qui surgissaient dans sa pensée.

1. Les données primordiales.

Pour bien saisir les raisons qui ont amené notre auteur (lequel ne semble pas avoir eu de prédécesseur) à proposer son hypothèse, il faut commencer par se rappeler ce qu’est la Bible pour ses contemporains, catholiques et surtout protestants.

C’est le livre par excellence, porteur non seulement de la révélation divine, mais do la somme des connaissances scientifiques et historiques. Les premiers chapitres de la Genèse, en particulier, retracent une histoire du monde et de l’humanité dont il faut prendre les détails à la lettre. N’est-elle pas d’ailleurs, au dire de presque tous les docteurs, le livre le plus ancien de toute l’humanité ? Nul ne se rend compte que c’est un livre jeune parmi d’autres productions littéraires plus anciennes, très jeune par rapport à l’âge de l’humanité. Que l’on se rappelle Bossuet montrant comment Moïse n’est séparé d’Adam que par un petit nombre de générations, comment le récit des événements du

plus lointain passé est arrivé par une tradition ininterrompue jusqu’au législateur d’Israël. Depuis Jules Africain, ilippolyte, Kusèbe, on s’est habitué à chercher dans la Bible les cadres chronologiques où l’on fait entrer l’histoire de ce que l’on appelle l’antiquité tout court (c’est-à-dire, en fait, des peuples méditerranéens à partir du IIe millénaire avant Jésus-Christ). A force d’ingéniosité, on a fini par bourrer dans ces cadres, au fur et à mesure qu’elles se sont présentées, à partir du xvie siècle, les nouvelles données qu’apportent successivement les découvertes géographiques, ethnologiques, les premiers contacts aussi avec les historiens de l’antiquité, avec les traditions des peuples lointains, de l’Amérique et de la Chine.

Or, il est incontestable que le jeune Isaac de La Peyrère a senti plus vivement qu’aucun de ses contemporains l’impossibilité de faire entrer toutes ces données nouvelles, ne disons pas dans la Bible, dont il maintient, nous le verrons, la parfaite historicité, mais dans le cadre chronologique artificiellement formé en partant de celle-ci. Il a eu trop de confiance, c’est entendu, dans les données fournies, sur leur respective antiquité, par les Chaldéens, les Assyriens, les Égyptiens, les Chinois ou les Péruviens. Voir Syst. theol., t. III, c. v-xi. Il n’en reste pas moins que la réflexion qui revient par deux fois, à la fin du c. viii, à celle du c. xi, ne laisse pas aujourd’hui de nous frapper : « Il n’est pas possible de faire tenir la quantité considérable de faits que supposent les civilisations antiques dans les 1948 ans qui, d’après le comput usuel, séparent Adam d’Abraham. » (Encore faudrait-il faire remarquer que cette durée serait considérablement réduite par la notion du déluge universel ; mais La Peyrère, nous le verrons, n’admet pas l’universalité du déluge, et il est conséquent avec lui-même en ne tenant pas compte de ce cataclysme.) On notera que les soupçons de notre auteur partent exclusivement des données historiques. La géologie, qui n’en est encore d’ailleurs qu’à ses premiers balbutiements, n’est même pas soupçonnée par lui, et il interprète en toute rigueur de terme les six jours de la création. Voir Syst. theol., I. III, c. i et il.

Ainsi la Bible pourrait bien ne pas être une histoire aussi complète de l’humanité qu’on l’imagine généralement. « Les théologiens et les exégètes pensent que tous les monuments tant de l’histoire naturelle que de l’histoire humaine sont contenus dans les livres saints, particulièrement dans les livres mosaïques. » L. IV, c. i. A quoi La Peyrère oppose l’hypothèse que Moïse a pu se servir de documents plus anciens, lambeaux eux-mêmes de textes antérieurs, et cela expliquerait, à son avis, un certain nombre des phénomènes littéraires qui allaient servir de point de départ, moins de cent ans après, à la critique du Pentateuque. Cette hypothèse, dit-il, fait bien comprendre les incohérences, les inconséquences, les doublets si fréquents dans les narrations dites mosaïques. Voir, à la fin du même chapitre, l’apostrophe aux exégètes : Al vos qui in illis conciliandis responsiones et soluliones undeunde eruere et exlricare salagilis, omnes operam leritis, nisi nodos illos animadversione hac rescindais et diversis modis scripla repulalis quia ex diversis auctoribus exscripta et translata sunt .

Si la Bible n’est plus l’histoire générale de l’humanité, si elle n’est — et l’hypothèse prend de plus en plus de corps dans l’esprit de La Peyrère — qu’une histoire du peuple juif, vainement opposerait-on le cadre chronologique que les hommes en ont tiré aux découvertes d’ordre historique qui se précisent, dit l’auteur, et qui se préciseront encore dans la suite.

Quant à l’autorité historique de la Bible elle-même, Isaac entend bien la respecter, et tous ses efforts, nous Talions voir, témoignent d’un concordisme, un peu