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PRAGMATIQUE SANCTION

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urgente, ou pour une inévitable nécessité, et du consentement libre et exprès de Nous et de l’Église.

Art. 6. — Enfin Nous renouvelons et approuvons par ces présentes lettres les libertés, franchises, immunités, droits et privilèges accordés par les rois nos prédécesseurs et par Nous aux églises, aux monastères et autres lieux, aussi bien qu’aux personnes ecclésiastiques.

Authenticité.

Tous les savants reconnaissent

aujourd’hui que c’est un faux ; cf. N. Valois, Hist. de la pragmatique sanction de Bourges, p. clix ; V. Langlois, dans l’Hist. de France de Lavisse, t. iii, 2e partie, p. 63 ; Wallon, Saint Louis, t. ii, p. 25 ; Lecoy de la Marche, Saint Louis, son gouvernement et sa politique, p. 187. Voir en sens contraire H. Schnermans, La pragmatique sanction de saint Louis, Bruxelles, 1890 ; Belgique judiciaire, 1890, p. 641 ; 1891, p. 213 ; Revue de Belgique, IPsérie, t. ii, 1891, p. 236 etc.

Voici les principaux arguments contre l’authenticité :

1. La formule employée ad perpetuam rei memoriam n’apparaît qu’à partir de 1325.

2. La formule exécutoire est, elle aussi, un anachronisme.

3. il est naïf de faire parler saint Louis des « exactions » de la cour de Rome et du « lamentable appauvrissement » qui en résultait pour le royaume, au moment où le roi, préparant sa seconde croisade, insistait pour obtenir du pape une nouvelle contribution du clergé, et où le pape devait prendre contre lui la défense des intérêts pécuniaires du clergé français.

4. En mars 1269, saint Louis avait encore quatre termes à percevoir de la décime triennale concédée par Clément IV ; comment croire qu’il s’oppose aux levées prescrites par le Saint-Siège ?

5. Comment expliquer le silence des rois de France qui pendant plus de 180 ans n’ont jamais utilisé cette ordonnance du saint roi dans leurs conflits constants avec la cour romaine ?

6. Au contraire, toutes les phrases sont calculées de façon à justifier l’entreprise de 1438 et tout se rapporte aux préoccupations des hommes du xve siècle.

La plus ancienne copie se trouve aux Arch. nat., P 1388 2, n. 60 1er : Coppia Pragmalice sanctionis S. Ludovici, Francorum régis, producle in congregalione Carnolensi, anno Domini M CCCC L°.

Moins de quinze ans après l’assemblée de 1438, Thomas Basin adressait à Louis XI un mémoire dans lequel il disait : « Ainsi ont fait voz très nobles et dignes progeniteurs et antecesseurs, comme saint Loys en son temps, duquel j’ay veu l’ordonnance escriple et sellée en semblables matières, qui fut monstree et exhibée aux convencions solennelles faicles de l’Eglise gallicane à Chartres et à Bourges par la convocation de vostre jeu père… » Œuvres de Th. Basin, éd. J. Quicherat, t. iv, p. 83. L’assemblée de Bourges ici mentionnée est celle de 1452.

IL Pragmatique sanction de Bourges (1438). — Cette intervention abusive du pouvoir royal dans les affaires ecclésiastiques ne peut s’expliquer que par les doctrines subversives du pouvoir pontifical nées au xve siècle, les conflits trop multipliés de la papauté avec les souverains temporels, les désordres fréquents des États romains, les abus incontestables de la cour pontificale, le transfert des papes à Avignon, puis le Grand Schisme et la théorie conciliaire qui l’a suivi.

Antécédents ou préparatifs.

Le 2 mai 1418,

Martin V avait réglé à Constance les relations de la papauté avec la France : pouvoir judiciaire du clergé, impôts à payer au saint père, surtout droit de nomination aux bénéfices avec les droits connexes, expectatives, réserves, commende, telles étaient les questions agitées.

Malgré les concessions pontificales, les désirs du gouvernement de Charles VI étaient loin d’être satisfaits ; il lui importait beaucoup d’avoir la haute main sur les biens ecclésiastiques et de pouvoir ainsi faire servir à ses desseins politiques les institutions religieuses, force matérielle et morale, qui eût été bien dangereuse en des mains hostiles.

La France était alors divisée en deux parties : la France bourguignonne ou anglaise et la France du dauphin. La première reconnut l’omnipotence papale et royale en matière bénéficiaire ; l’université de Paris y était favorable ; seul le Parlement, se posant en défenseur des libertés reçues en France, voulut s’y opposer ; mais ces récriminations ne purent briser l’accord existant entre le pape, le roi et l’université.

Quant au dauphin, il devait suivre les principes opposés, au moins extérieurement ; en 1422, il publia une ordonnance confirmant les libertés de l’Église de France. Ses démarches multiples auprès de Martin V, avant et après cet acte, montrent bien ses intentions réelles : il n’eût pas voulu se rendre la papauté hostile en ce moment de conflits aigus avec l’Angleterre.

En 1423 se réunit à Sienne un synode qui fut dissous ; les négociations durent recommencer avec les intéressés. A la suite de froissements, les Anglais se prononcèrent en 1424 pour les libertés contre le pape, mais celui-ci, dans sa constitution du 16 mai 1425, régla de sa propre autorité la nomination aux bénéfices. Henri VI (proclamé roi de France à la mort de Charles VI) l’accepta, malgré les protestations du Parlement.

Le dauphin (Charles VII), de son côté, fit acte de soumission passive et absolue aux volontés du pape ; il envoya une ambassade solennelle, présidée par Philippe de Coëtquis, évêque de Laon, pour demander au pape de relever le roi et ses conseillers du serment qu’ils avaient prêté de maintenir les « libertés de l’Église gallicane » et pour solliciter certaines faveurs. L’acceptation de Martin V ne pouvait être douteuse. La question financière était laissée de côté, mais on rejetait l’importante question de la nomination des évêques et des abbés.

Ce régime présentait de notables avantages pour le roi qui réussissait facilement à faire nommer ses candidats, pour le Saint-Siège qui usait de presque tous ses droits, pour le clergé même, ou tout au moins pour la classe lettrée, dont les membres avaient souvent part aux libéralités pontificales. Mais les gallicans en furent très mécontents et une nouvelle ambassade, dirigée cette fois par Regnault de Chartres, archevêque de Reims, vint entamer de nouvelles négociations qui aboutirent en 1426 à une espèce de concordat dit « de Genezzano ». A la fin de son règne (1431), Martin V pouvait donc voir l’accord avec la France tout entière.

Quels événements vont changer la face des choses et provoquer l’acte de 1438 ? Eugène IV, en montant sur le trône, avait renouvelé pour trois ans les concordats antérieurs et rien ne faisait prévoir des difficultés nouvelles. Les Plantagenets continuèrent à se montrer dociles ; mais Charles VII tenta de reprendre les concessions faites au concordat de Genezzano ; des pourparlers, dont le résultat fut incertain, eurent lieu en 1432 et provoquèrent en matière religieuse une conduite incohérente de la part du roi.

Entre temps, le concile convoqué à Baie par Martin V avait suscité des difficultés à Eugène IV, son successeur, qui avait résolu de le dissoudre. Le concile tint bon, contestant au pape le droit de le transférer, et les fidèles furent mis en demeure d’opter entre deux autorités vénérables qui leur expédiaient des ordres contradictoires. Charles VII voulut profiter de ces difficultés et, se fondant sur la sûreté de l’État, il déclara que nul ne devait être pourvu d’aucun bénéfice en France, s’il