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PRŒDESTINATUS
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d’Augustin, celle rhapsodie qui, à tout prendre, ne fait que bloquer, en les dépouillant de toutes leurs nuances originales, des expressions augustiniennes. Ici, comme dans la première partie, nous aurions ailaire avec un plagiat compliqué de faux. Les explications embarrassées de l’auteur sur la manière dont l’opuscule pseudo-augustinien lui est parvenu (cꝟ. t. III, c. xxv, col. 606 C), sur l’accueil qu’aurait fait au livre le pape C’élestin (prœfatio, col. 585 A) sont bien propres à légitimer tous les soupçons. L’absence de toute attestation de cet opuscule dans la littérature chrétienne du ve siècle, à une époque où la lutte théologique est vive entre partisans et adversaires d’Augustin, doit aussi entrer en ligne de compte. Avouons toutefois que la question ne pous paraît pas définitivement tranchée.

3° Quoi qu’il en soit, le 1. III s’attache à réfuter point par point les doctrines exposées par pseudo-Augustin. Le procédé consiste à opposer aux thèses hérétiques des prædeslinati l’enseignement des Écritures, ou les arguments de la raison.

Pour ce qui est de la prédestination même (c. i-vii), la méthode employée ne laisse pas facilement voir quelles idées sont opposées à l’augustiimmejà coup sûr, l’auteur ramène la prédestination à la prescience, mais celle-ci même lui fait peur, comme si’le fait que Dieu prévoyait et les actes de chacun et les conséquences qu’ils auront pour l’éternité apportait déjà une contrainte à la liberté. Même simplement contemplé par la prescience divine, le numerus clausus tant des élus que des réprouvés ne dit à notre auteur rien qui vaille, la considération de cette donnée élémentaire lui apparaissant comme génératrice de paresse morale. Ignoratio elenchi qui ne laisse pas d’étonner !

Beaucoup plus nettes sont les idées de l’anonyme sur les rapports entre la grâce et le libre arbitre (c. viii-xxiv) : Prior est volunlas quam gratia. Et il le démontre par ce qui arrive dans la réception des sacrements, surtout du baptême et de la pénitence. Tout le monde sait, dit-il, qu’en ces sacrements est reçue la grâce ; or, l’Église n’y accepte que ceux qui ont vraiment la volonté d’y recourir. Voir c. viii, col. 644 CD. Lamentable quiproquo, qui ne tient compte ni du baptême des enfants (il est écarté par prétention), ni des prescriptions relatives à la pénitence à accorder aux mourants incapables de parler (ces prescriptions sont expressément contredites) ! A la vérité, l’anonyme concède qu’on peut dire en un sens que la grâce précède la volonté : c’est que l’incarnation et la passion ont mis à la disposition des fidèles un riche trésor de moyens qui leur facilitent la pratique du bien. La vie du Sauveur, ses enseignements, sa mort ne sont-ils pas des encouragements et des exemples ? Gratia Dei in gremio est collocata Ecclesiæ. Ibid., col. 646 B. Il suffît d’aller frapper à cette porte, elle s’ouvrira, de répondre aux appels tout extérieurs du Christ et de l’Église, et la grâce viendra. En quoi il est facile de voir que l’auteur repousse tout ce qui est proprement grâce intérieure et efficace, et même grâce prévenante.

Attitude analogue en ce qui concerne les effets du baptême et le rôle de la concupiscence (c. xxv-xxxi). Pour ce qui est de cette dernière, c’est proprement son apologie qui est tentée, c. xxix-xxxi, en des termes qui rappellent, à s’y méprendre, Julien d’Éclane et ses furieuses attaques contre le prétendu manichéisme de saint Augustin.

On a voulu voir simplement dans ces doctrines un semi-pélagianisme quelque peu exacerbé. En vérité, tous les traits que nous venons de relever, négation de la grâce intérieure, du péché originel en tant que reatus, du caractère peccamineux de la concupiscence, tout cela nous oriente dans le sens du pélagianisme radical. L’auteur, à la vérité, fait profession d’anathématiser cette hérésie, qu’il a d’ailleurs cataloguée au 1. I er, sous

le n° 88. Il rappelle a cet endroit les condamnations qui lui ont été infligées. Col. 618 A. Mais il suffit de comparer les anathèmes qu’il réédite contre les pélaglens, tant â cette place qu’au t. III, c. xxiv, col. 665, avec les 9 canons du concile de Carthage de 418, pour se rendre compte de l’exacte position doctrinale de l’auteur anonyme. Voir art. Pélagianismk, col. 699. Ce n’est pas la première fois d’ailleurs que les pélagiens cherchaient, par des distinguo opportuns, à donner le change sur leurs sentiments. Sur ce point, des critiques aussi différents de tendance que Hans von Schubert et O. Bardenhewer donnent raison aux érudits des xviie et xviiie siècles, Auvray, Mauguin, Tillemont, les Ballerini ou Noël Alexandre.

IL Provenance de l’œuvre. — 1° Lieu d’origine.

— Si l’on n’accepte pas le caractère semi-pélagien de l’œuvre, il n’y a plus lieu de rechercher, comme quelques-uns l’ont fait jadis, dans le midi de la Gaule, terre classique du semi-pélagianisme, la patrie de notre ouvrage.

Divers indices, au contraire, orienteraient du côté de l’Italie et plus spécialement de Borne : le souci, en particulier, de mettre en évidence l’action des différents papes dans la lutte contre les hérésies ; quelques anecdotes qui ont un goût de terroir assez prononcé. Cꝟ. t. I, n. 82, « les jovinianistes » ; n. 86, « les tertullianistes ».

Date.

Si l’on tient compte du fait que, dans le

catalogue des hérésies, est mentionné le nestorianisme, mais non l’eutychianisme, on fixera les dates extrêmes entre 431 et 451. Le pape Célestin (t juillet 432) est donné comme défunt : bealissimæ mémorise Cœleslinus, col. 585 C. Comme saint Léon (élu en août 440) s’est montré, dès le début de son pontificat, extrêmement sévère à l’endroit des pélagiens (cf. Jafîé, n. 398, 402) et les a traqués dans diverses contrées de l’Italie, on comprendrait assez mal la naissance, sous son règne, d’un écrit qui paraît destiné à refaire une virginité au pélagianisme ; les pélagiens d’alors n’avaient plus qu’à se terrer. La situation était plus favorable sous le pontificat de Sixte III (432-440). Prêtre romain au temps d’Innocent I effet deZosime, Sixte avait passé, à un certain moment, pour être favorable aux pélagiens. Tristes eramus nimis, lui écrit saint Augustin, cum fama jactarel inimicis christianæ gratia’le (avère. Episl., cxciv, 1, P. L., t. xxxiii, col. 874. Quels qu’aient été, par la suite, ses sentiments et son attitude, son arrivée au Siège apostolique a pu être considérée, dans certains milieux, comme une occasion favorable de remettre en circulation un pélagianisme plus ou moins larvé. Cf. une indication de Prosper à l’année 439, sur les efforts faits à ce moment par Julien pour rentrer en communion avec l’Église. Chronicon, P. L., t. li, col. 598 B. La composition du Prædestinatus se situerait donc assez bien sous le pontificat en question 432-440.

3° L’auteur ne serait-il pas Arnobe le Jeune ? — Sirmond, le premier, avait émis l’hypothèse que l’auteur du Prædestinatus pourrait être cet Arnobe, que l’on a appelé le Jeuno, pour le distinguer de l’apologiste du iv c siècle, et dont le nom se lit en tête d’un Commentaire sur les Psaumes. P. L., t. lui, col. 327 C. Cet écrivain est d’ailleurs fort mal connu et c’est exclusivement dans ses œuvres que l’on peut trouver sur lui des renseignements. A son bagage, il conviendrait, semblet-il, de joindre le Conflictus Arnobii catlwlici cum Serapione Mgyplio, ibid., col. 239-322, discussion du monophysisme. La démonstration de l’identité d’auteur de ces deux ouvrages, esquissée par dom Wilmart, perfectionnée par dom Morin, a finalement rallié le suffrage d’O. Bardenhewer, Altkirchl. Literatur, t. iv, 1924, p. 605. Besterait à ajouter le Prædestinatus (sans parler des Expositiunculæ in Evangelium, pu-