Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/674

Cette page n’a pas encore été corrigée

2 7 7 5

PRADO (NORBERTO DEL)

PR/EDESTINATUS

2 776

compatriotes, mûrit longuement la matière de ses trois grands ouvrages. Ainsi sou De veritale fundamen-Ictli philosophite christianæ. sur la distinction réelle de l’essence et de l’existence, paru en 1911, avait déjà été annoncé dans un discours du congrès de Fribourg en 1897. (La méthode adoptée au c. v de cet ouvrage pour les applications du principe fondamental a inspiré très heureusement l’un des disciples du P. del Prado : cf. Penido, Le rôle de l’analogie en théologie dogmatique. 1931.) En 1907, parut le traité De gratia cl libero arbitrio, 3 vol. in-8°. Les tomes i et n commentent le Traité de la grâce dans la I a- 1 1 te çe ] a Somme de saint Thomas. Le t. m est une réfutation du molinisme, le P. del Prado ne trouvant pas d’apparentement entre le thomisme historique et les théories modernes de la science moyenne. Dans les controverses contemporaines sur la grâce, l’ouvrage de del Prado reste le plus considérable monument doctrinal de ceux qui admettent l’opinion traditionnelle dominicaine. En 1919, parut, posthume, un livre du Père del Prado : Sanclus Thomas et bulla dogmalica Ineffabilis Deus. La pensée de saint Thomas sur la sanctification de la vierge Marie en regard de la définition récente y était commentée avec Jean de Saint-Thomas. Le P. Le Bachelet qualifie cette œuvre de « magistrale ». Voir ici Immaculée Conception, t. vii, col. 1057.

Lumbreras, El P. S. del Prado, Fribourg, s. d., 28 p., en abrogé dans Revue thomiste, 1918, p..394-397 ; Mandonnet, Le P. del Prado, dans la Liberté de Fribourg, 15 juillet UI18.

M.-M. Gorce.

PR/EDESTINATUS. —C’est le vocable sous lequel on désigne, depuis Sirmond, le premier éditeur, un ouvrage anonyme de polémique antiaugustinienne, vraisemblablement sorti, au milieu du ve siècle, de cercles pélagiens. Texte dans P. L., t. lui, col. 583072. [L’introduction qui est donnée sous le titre faux Sirmondi pnefatio in Prxdestinalum est la préface même de l’auteur anonyme ; il faut la replacer en tête même de l’ouvrage, et donc après les Velerum teslimonia de prædeslinatorum hæresi.

I. L’œuvre. — Cette préface indique sommairement le but poursuivi par l’auteur et fait comprendre l’économie du traité. Préoccupé de voir se glisser dans l’Église, sous le nom de saint Augustin, de graves erreurs sur la prédestination, notre écrivain veut s’attaquer à celles-ci. Il a pu se procurer un livre que les nouveaux sectaires font circuler sous le nom de l’évêque d’Hippone. C’est cet opuscule dont il donne le texte dans son t. II, col. 621-628, et qu’il réfute phrase par phrase dans son t. III, col. 627-672. Telles sont les deux parties essentielles de l’ouvrage ; mais, sans doute afin de montrer et son orthodoxie propre, et la perversité des sectaires auxquels il s’attaque, l’auteur anonyme donne en son 1. 1, col. 587-622, une notice sommaire sur les 89 hérésies qui ont précédé la plus nocive de toutes, celle des pnedeslinali.

1° Le t. I, qui est donc une hérésiologie, se donne, dès la première phrase, comme un abrégé des ouvrages antérieurs de même inspiration : Ecdicesis (èx.81x.r]csi.ç) de Hygin contre les hérésiarques, Catégoriques d’Epiphane contre les sectes, Expositions de Philastre, lequel a fait passer les deux premiers du grec en latin. Entre Hygin et Épiphane, l’anonyme cite encore, sans donner le nom de leurs ouvrages : Polycrate, Africanus, Hésiode. Il aurait donc disposé, pour rédiger son propre catalogue, d’une riche documentation. En fait, poudre aux yeux que tout cela ! L’anonyme n’a eu entre les mains qu’une seule hérésiologie, qu’il se garde bien de citer. Tout son catalogue a été fait en copiant, souvent textuellement, le De lurresibus de saint Augustin, P. /… t. xi. il. col. 2 l-.Vt ; aux 88 hérésies signalées par Augustin s’ajoutent seulement les deux dernières : neslorianisme et prédestinatianisme. L’exposé très sec de

l’évêque d’Hippone a été corsé régulièrement par une

notice relative à celle des autorités ecclésiastiques qui, soit par des écrits, soit par des décisions conciliaires, a lutté contre l’hérésie en question : Pierre a combattu Simon, Lin a lutté contre Ménandre…, Cyrille d’Alexandrie et le pape Célestin ont triomphé de Nestorius ; aux prédestinât iens c’est l’anonyme lui-même qui va s’attaquer. Les hérésiologues modernes ont soigneusement discuté la valeur de ces additions ; leurs travaux ont montré le peu de fond qu’il y avait à faire sur la plupart de ces détails. Peut-être dans les dernières notices a-t-on relevé quelques renseignements de bon aloi ; voir n. 86, sur les « tertullianistes » et leur installation à Rome au v c siècle. Mais l’ensemble de l’œuvre n’ajoute à peu près rien à notre connaissance du passé chrétien. Cette longue introduction n’avait qu’un but ; il est clairement énoncé dans la phrase qui termine l’hérésie 90, col. 620 CD : à qui lui reprocherait, dans sa lutte contre les prsedestinali, de sortir de l’orthodoxie, l’auteur répondrait : omnes hæreses a Simone memorantes hucusque deteximus, ut probemus nos soli fidei catholicæ esse concordes.

2° Le 1. II se donne comme la transcription d’un ouvrage mis en circulation, sous le nom d’Augustin, par les prsedestinali, et où se condense tout le venin de leur doctrine. L’évêque d’Hippone est censé y réfuter ceux qui disent (ce sont évidemment des pélagiens) Deo invito et nolenle hominum moveri arbitria, ac de potestate mortalium Dei immorlalis potestatem infringi. A rencontre de cette thèse, le pseudo-Augustin établit d’abord la doctrine de la prédestination absolue non seulement au ciel et à l’enfer, mais au bien ou au mal : Si inviclum confltemini Detim, confitemini et hoc, quia quod eos voluil ille qui condidil aliud esse non possunt . Unde colligimus apud animum quos Deus semel prædeslinavit ad vilam, etiam si negligant, etiam si peccenl, etiam si nolint, ad vilam perducentur inviti : quos autem pnedeslinavit ad mortem, etiam si currant, etiam si feslinent, sine causa laborant. Col. 623 B. De cette doctrine l’indilïérentisme moral semblerait devoir être la conclusion naturelle ; mais il ne faudrait pas trop se hâter de voir cet indifîérentisme dans lesmots suivants : Cessa de le, o homo, cessa de virtute tua esse sollicitus et de Dei tantum conftde voluntate securus. Col. 623 D. Ce peut être, en somme, une doctrine de l’abandon total à Dieu. Non moins catégoriquement est exprimée la thèse de pseudo-Augustin sur les rapports entre la grâce et la volonté. La faute d’Adam a brisé le ressort de celle-ci : le libre arbitre a péri. Col. 625 D. Il faut donc que la grâce devance la volonté de l’homme : Antecedit enim gratia Dei voluntatem hominis ; prior est enim Deus in bono hominis. Col. 625 A. D’un mot est rejetée la volonté salvifique universelle et la valeur universelle de la mort rédemptrice. Le court traité s’achève sur une description des effets du baptême relativement au péché originel, plus ou moins identifié avec la concupiscence sexuelle. Celle-ci n’est pas déracinée par le baptême, et le sacrement nous restaure seulement in spe, non in re.

Ce traité ne peut certainement avoir Augustin pour auteur ; forme et fond s’opposent à cette hypothèse. Provient-il en réalité d’un milieu où l’on professait l’augustinisme le plus strict et où l’on cherchait, par réaction contre des tendances pélagianisantes, à rendre plus tranchantes encore les formules du maître ? C’était la solution que proposait jadis Sirmond (lequel ajoutait d’ailleurs que ces augustiniens allaient jusqu’à l’hérésie), et l’hypothèse n’est pas complètement écartée par dom G. Morin, Études, textes, découvertes, t. i, p. 311)..La majorité des critiques, cependant, se rallie à une autre supposition. C’est l’auteur même du Prsedestinatûs, qui, pour se donner la partie belle, a composé de toutes pièces, en puisant dans les ouvres