Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/67

Cette page n’a pas encore été corrigée
1569
1570
PIIOTIUS. L’AFFAIRE BULGARE


posait en droit. Écrite do la même encre que la lettre impériale à laquelle elle répondait, elle semble devoir aboutir à accroil re encore la tension. Or, brusquement, elle tourne à une concession (voir P. L., t. cxix, col. 954 C ; Mon. Germ. hist., p. 480). Le pape se déclare prêt à rouvrir le procès d’Ignace et de Photius, bien qu’il parût définitivement terminé par la sentence de 8(13 : Uterque Romain ad renovandum examen veniat. Il n’est pas nécessaire que les parties se présentent personnellement à Home, elles peuvent y déléguer des procureurs, et le canoniste Anastase, qui tient la plume, ne se prive pas du plaisir de dresser la liste des représentants d’Ignace qu’acceptera la curie romaine. Le basileus se doit de faire les frais de la représentation ignacienne, car Ignace est pour l’instant dépourvu de ressources. Une assez longue considération sur la théorie des rapports entre les deux pouvoirs termine cette curieuse pièce. Elle fut remise, avec une lettre d’accompagnement, au protospathaire Michel qui avait sans doute apporté à Rome la lettre du basileus. JafYé, n. 2797 (pas dans P. L., on la trouvera dans Mon. Germ. hist., loc. cit., p. 487-488). Cette dernière résume bien le sens de la longue épître précédente : SententiamnostramTEsiPEB.wiMVsetpacem et communionem reddendam Ecclesise et illi promisimus.

En définitive donc, et malgré les apparences, la lettre de 805 constituait un recul, ou, si l’on veut, une proposition d’accommodement. Entre Rome et Constantinople, la guerre qui paraissait inévitable en 803 pouvait encore faire place à la paix. Comment expliquer dès lors que les choses, juste à une année d’intervalle, aient pris, en 866, une allure différente et que, en l’absence de tout fait nouveau dans l’affaire Ignace-Photius, la rupture se soit accomplie entre les deux Églises ? C’est ce que l’on ne saurait comprendre si l’on ne s’arrête à une considération relative aux affaires de Bulgarie, qui vont désormais interférer avec la question déjà si complexe que nous avons exposée.

iv. l’affaire bulgare. — Sur la conversion des Bulgares, voir ici t. ii, col. 1177-1182, et aussi l’art. Jean VIII, t. viii, col. 004 sq., où l’on voudra bien corriger la faute d’impression qui a fait écrire la date de 863 au lieu de 869, et l’erreur qui fait de Michel le successeur de Boris. Boris et Michel sont le nom d’un seul et même personnage.

Installés depuis le viie siècle dans la région du Bas-Danube, les Bulgares avaient longtemps constitué pour Byzance un mortel danger. Jusqu’au milieu du ixe siècle, ils sont demeurés païens et s’opposent à l’entrée du christianisme sur leur territoire. Mais, coincée entre la Grande Moravie qui, dans les années 860 et suivantes, s’orientait vers la religion chrétienne, et l’empire byzantin représentant-né de la foi orthodoxe, touchant presque aux confins du monde germanique, la Bulgarie ne pouvait guère faire autrement que de devenir chrétienne. S’ouvrirait-elle au christianisme oriental, son plus proche voisin, ou aux influences occidentales, telle était la question. L’on peut dire, sans exagérer, que de savoir à qui les Bulgares devraient l’Évangile allait être la pomme de discorde entre les deux Églises de Rome et de Constantinople.

Le différend commence du jour où le roi Boris (852888) comprend que la Bulgarie ne peut demeurer dans son isolement païen. Une expédition de Michel III l’a mis, une fois de plus, en contact avec les Byzantins ; il fait la paix avec Michel, à de bonnes conditions pour lui, mais aussi il se fait baptiser ; l’empereur fut le parrain, en mémoire de quoi Boris prit le nom de Michel. Photius dut être mêlé à toute cette affaire. La date de ce grand événement n’est pas facile à préciser ; les critiques proposent diverses années entre 859 et

864-805. C’est de cette dernière date qu’il faut se rapprocher. Sur tout ceci, voir Bury, op. cit., p. 382 sq., et surtout, pour la date, p. 385, n. 4. C’est sensiblement à la même date, été de 861, que, à la demande de Rotislav, prince de la Grande Moravie, Photius envoie, pour évangéliser cetle région, les deux frères Constantin (Cyrille) et Méthode. Voir ibid., p. 393 sq. ; Dvornik, op. cit, p. 226-235. Sur l’évangélisation des Russes, qui aurait suivi l’expédition de ceux-ci contre Constantinople en 800, voir le même auteur, p. 1 76 180, et la bibliographie sommaire qui est donnée, p. 180.

On notera, dès maintenant, qu’Anastase le Bibliothécaire donne de la conversion de Boris une version tout à fait différente. Les Bulgares et leur roi, dit-il, ont reçu la foi per hominem romanum, id est quemdam presbyterum Paulum nomine. Le roi est ainsi amené à demander à Rome non seulement la règle de la foi, mais encore les règles disciplinaires, et ce non seulement par suite des suggestions de ce prêtre, mais par l’effet d’une révélation divine. Cette révélation divine ne faisait, en somme, que remettre sous la domination ecclésiastique de Rome une région qui lui avait jadis appartenu et dont elle avait été dépossédée par les circonstances et aussi par les machinations des empereurs byzantins. Voir P. L., t. cxxix, col. 18-19 (remarquer les développements de la col. 19 ; toutes les difficultés de l’affaire bulgare y sont en germe). La présentation des événements faite par Anastase est certainement tendancieuse ; mais il est très vraisemblable que Boris, dès le début, eut l’idée de jouer sur les deux tableaux. Suivons les efforts faits par Constantinople d’une part, par Rome de l’autre, pour conserver sur la Bulgarie l’hégémonie ecclésiastique.

Photius et les Bulgares.

Dès le lendemain de

son baptême, Boris avait demandé au patriarche de Constantinople d’organiser en Bulgarie une hiérarchie ecclésiastique, avec archevêque et évêques, dont il espérait sans doute qu’elle ne tarderait pas à devenir autonome. C’était aller un peu vite en besogne. Photius. tout en envoyant des missionnaires qui continuaient à relever directement de Constantinople, se contenta d’exposer à Boris, son fils spirituel, dans un long document, les principes généraux de la foi et de la morale chrétiennes. Episl., i, 8, P. G., t. en, col. 626696 ; Valettas, n. 6.

La foi chrétienne est exposée en suivant l’ordre des définitions des sept conciles œcuméniques, dont l’histoire est assez amplement racontée ; on remarquera que, pour chacune de ces assemblées, Photius note avec soin la part qu’y a prise le Siège apostolique. Le tout se termine par une petite apologie démontrant la supériorité de la foi chrétienne sur le paganisme. Le résumé de la morale, qui fait suite, est extrêmement remarquable. Photius y indique, avec beaucoup de netteté, les grandes lignes de la vie chrétienne. Passant de là aux devoirs particuliers du souverain, il étudie quelles doivent être ses amitiés, ses défiances, comment il doit savoir commander, légiférer, punir, quels défauts il doit principalement éviter. Tout y’est réglé avec beaucoup d’à-propos, y compris les questions des femmes, du luxe, de la table. Tout ceci paraît bien un peu raffiné pour ce barbare, aux yeux de qui le christianisme devait se présenter surtout comme un système de cérémonies et de rites qui remplaçaient les rites et les cérémonies de la vieille religion.

L’activité des missionnaires byzantins fut-elle considérable ? on ne saurait le dire. Photius parlera plus tard, non sans quelque emphase, des résultats obtenus. Ces résultats étaient peu de chose aux yeux de Boris ; ce qu’il voulait avant tout c’était avoir sa hiérarchie bien à lui, son archevêque, voire son patriarche, qui pourrait un jour lui poser sur la tête la couronne impé-